FOCUS – Bien que sélectionné par les votants au dernier Forum des idées, le projet de verger collectif « Les jardins de l’abbé » est recalé, après examen des services de la Ville. Raison de l’éviction de ce projet ? Il ne répond pas au règlement. Le parking sauvage convoité est en effet déjà réservé pour un programme immobilier… au grand dam d’habitants qui dénoncent le manque de transparence initial et un projet climaticide.
Il fait partie des neuf projets évincés sur les trente retenus par les votants, à l’issue du Forum des idées. « Les jardins de l’Abbé » ne devrait donc jamais voir le jour.
Ce projet de plantation d’arbres fruitiers avec potagers et aménagement d’un espace de repos sur 1200 m² devait remplacer un parking sauvage, au niveau des rues Raspail, Alembert et Abbé Grégoire, dans le quartier Chorier-Berriat. Mais le rêve d’îlot vert en milieu urbain a fait pschitt.
En mars 2019, le projet était possible… mais plus en juin 2019 ?
En juin, les porteurs de projet des jardins de l’Abbé reçoivent un mail du service démocratie locale. Celui-ci leur annonce une bien désagréable nouvelle : le projet n’ira pas en finale. Motif ? Le parking sauvage convoité fait déjà l’objet d’une étude en vue d’un projet immobilier. Une douche froide pour le collectif d’habitants qui tombe des nues…
Et pour cause, ce n’est pas du tout ce que leur avait répondu, dans un courrier datant de mars 2019, Vincent Fristot, adjoint à l’urbanisme et à la transition énergétique.
L’adjoint ne leur avait alors parlé que du seul préfabriqué attenant au parking sauvage, qui devait, lui, demeurer en place, pour les besoins d’un chantier à venir piloté par Grenoble Habitat.
« L’étude étant déjà lancée et financée, regrette le responsable du budget participatif, dans son mail de juin, nous nous retrouvons donc face à un point règlementaire du Budget participatif – à savoir un projet n’est éligible que si “la Ville n’a pas déjà un projet programmé sur le site d’implantation ciblé” ». Le règlement, c’est le règlement… il est donc disqualifié.
« Nous avons proposé à ce collectif un autre terrain, mais ils l’ont refusé »
Sans surprise, la déception et la colère prédominent, du côté des porteurs du projet. Pour le collectif comptant une trentaine d’habitants, « le projet a été exclu de manière arbitraire par la mairie », s’insurge-t-il. Abderzake Boufeta, son porte-parole, ne cache ainsi pas son amertume et son scepticisme.
« Nous avons respecté le règlement, nous nous sommes mobilisés pour défendre notre projet, on a mis en place une campagne, notre projet a rencontré le public, puisque nous sommes arrivés en dixième position sur trente projets retenus. Et à présent, le projet n’est plus éligible ? »
Dans un mail adressé le 10 juillet dernier au service de la démocratie locale, le collectif enjoint donc la Ville de réintégrer le projet dans la liste des lauréats. Et derechef, car le timing est serré, le vote pour le budget participatif devant se tenir du 7 septembre au 5 octobre prochain.
Contacté par Place Gre’net, le responsable du budget participatif semble bien ennuyé par la tournure médiatique et polémique que prend l’affaire : « C’est la première fois depuis le début du budget participatif, qu’un porteur de projet conteste le règlement. Tout est transparent, les porteurs savent à quoi s’en tenir. Nous les rencontrons avant le Forum des idées », tient-il à souligner.
« Ils savent bien qu’une fois les idées sélectionnées, rien est encore joué, nous devons examiner leur faisabilité… Par ailleurs, nous avons proposé à ce collectif un autre terrain, mais ils l’ont refusé. Je leur ai aussi proposé de les rencontrer, mais ils ont préféré alerter la presse. »
« On a servi de faire valoir au budget participatif »
Si les habitants alertent les médias, c’est que la confiance envers la Ville s’est passablement émoussée, à les entendre. « Nous n’en voulons pas aux techniciens qui font leur travail, préviennent-ils. Pour nous c’est une décision politique, et nous la déplorons », affirment les porteurs du projet. Qui ont la désagréable impression d’avoir été mené en bateau.
Cet espace sert de parking sauvage depuis une vingtaine d’années, rappellent ces derniers, qui se tiennent, par ailleurs, bien au fait des projets immobiliers du secteur. Et qui affirment n’avoir jamais entendu parler de velléités de programme immobilier à cet endroit.
« Un responsable à l’urbanisme parti à la retraite nous assurait encore, en 2018, qu’il n’y avait rien de prévu sur cette parcelle », insiste Marc.
Le collectif des jardins de l’abbé d’en tirer la conclusion que la mairie a sciemment prétexté cette étude pour les disqualifier. « Le projet ne leur convient pas et ils lancent une étude pour nous évincer, c’est facile ! » s’exclame, outré, Pierre, l’un des habitants. Les dés étaient pipés, considère Anne à son tour qui lâche aigrie : « On a servi de faire-valoir au budget participatif ».
Le discours écologiste du maire discrédité, dixit le collectif
Sabine, membre du collectif suppose même, pour sa part, que la Ville « espérait que le collectif se plante au Forum des idées pour ne pas nous dire qu’ils veulent en fait densifier ce terrain ».
De fait, c’est bien l’autre grief que formulent les habitants contre la Ville : la densification toujours croissante de ce quartier.
Autour d’eux, s’inquiètent-ils, les dents creuses seront bientôt toutes bétonnées. Plusieurs projets immobiliers font même l’objet de recours de la part du voisinage ou de l’Union de quartier.
« Ce nouveau projet immobilier que prévoit la Ville discrédite complètement les messages d’alerte que prononce le maire, s’insurgent les porteurs de projet des jardins de l’Abbé, Eric Piolle ne cesse de dire que le climat est devenu fou. Il faudrait qu’il en tire lui-même les conclusions ».
Séverine Cattiaux
Précisions ajoutées :
- le dimanche 21 juillet 2019 à 23 h 45
Suite à la publication de cet article et aux propos tenus par le chef de projet Démocratie locale à la Ville de Grenoble, le collectif « les jardins de l’Abbé » tient à préciser les points suivants :
– l’éligibilité d’un projet d’un projet de budget participatif ne se vérifie pas après, mais avant le Forum des idées ;
– aucune proposition d’un autre site ne lui a été faite lorsque la Mairie a déclaré son projet inéligible.- le lundi 22 juillet 2019 à 14 h 45
Suite à l’addendum ci-dessus, la Ville tient à rappeler les différentes étapes du Budget participatif :
1/ Dépôt des idées
2/ Publications des idées qui répondent aux critères. Les services étudient uniquement leur recevabilité (compétences communales, dépenses d’investissements, intérêt général et visée collective…)
3/ Forum des idées
4/ Les services de la Ville et de la Métro étudient la faisabilité technique, juridique et financière des projets. Une liste des projets qui seront soumis au vote est établie.
5/ Vote
6/ Réalisation
Elle souligne donc que la faisabilité technique, juridique et financière des projets est bien étudiée après le Forum des idées.
- le mardi 23 juillet 2019 à 9 h 43, puis à 12h28
La Ville maintient qu’elle a bien proposé un autre terrain au collectif, lequel démentait cette information dimanche 21 juillet. « La proposition de pouvoir étudier un autre terrain a été faite aux porteurs de projet lors de la réunion sur site du 9 mai » tient à préciser le Service démocratie locale