FIL INFO – L’application Emoface développée par des chercheurs grenoblois du Gipsa-Lab et de l’Inria permet aux enfants autistes d’apprendre à décoder et exprimer des émotions complexes. Testée avec succès par plusieurs associations et structures médico-sociales, elle a été présentée le 15 mai dernier au Forum 5i à Grenoble.
En France, un enfant sur cent-cinquante naît actuellement avec un trouble du spectre autistique (TSA)*. Un handicap qui permet seulement d’apprendre relativement facilement à percevoir, reconnaître et exprimer les six émotions de base : la joie, la colère, la peur, la tristesse, la surprise et le dégoût. « Mais on estime qu’il y a 412 formes d’émotions sociales », souligne Gérard Bailly, directeur de recherche au Laboratoire Grenoble images parole signal automatique (Gipsa-Lab)**. Comment les percevoir ? Comment les exprimer ?
Pour aider les jeunes autistes, des chercheurs du Gipsa-Lab et de l’Institut national de recherche dédié aux sciences du numérique (Inria) ont développé l’application pour tablette tactile nommée Emoface. Testée avec succès par plusieurs associations et structures médico-sociales, ce logiciel permet aux enfants autistes d’apprendre à décoder et à exprimer des émotions dites complexes.
Après sa maturation au Gipsa-Lab, le projet Emoface incube à présent au sein de la société grenobloise d’accélération du transfert de technologies (Satt) Linksium. Présentée le 15 mai dernier au Forum 5i à Grenoble, aux côtés d’autres projets de recherche régionaux, l’application sera commercialisée en 2020.
Des avatars pour minimiser le jugement social, inhérent aux coachs humains
Avec Emoface, l’utilisateur réalise des activités ludiques au moyen d’avatars 3D capables de reproduire des émotions complexes. Telles que la tendresse, la séduction, l’ironie ou encore la gêne. « L’un des avantages de ces avatars est de minimiser le jugement social, inhérent aux coachs humains », explique Gérard Bailly. Avec son équipe, ce dernier travaille aussi sur cette problématique au moyen de robots humanoïdes.
L’animation de l’avatar repose sur « une technologie innovante de génération d’animations émotionnelles » créée par Gipsa-lab. Dans les grandes lignes ? À partir de données enregistrées, un algorithme génère un éventail d’animations émotionnelles. « On utilise des réseaux neuronaux pour générer l’ensemble des paramètres d’animation d’un personnage 3D. » Lesquels ? « Les mouvements de la tête, expressions faciales, direction du regard, ton de la voix », précisent les scientifiques.
Emoface propose quatre activités ludiques
Mieux, les technologues sont parvenus à moduler l’expression émotionnelle. « Ce qui suppose de modifier la gestuelle et l’intonation de la voix en fonction d’une situation », expliquent les chercheurs. En l’occurrence, de prendre conscience de ce qui se passe : « Suis-je seule concerné.e ? Le contexte de l’interaction est-il intime ou public ? Est-ce sarcastique ? », citent-ils à titre d’exemple.
En pratique, l’application Emoface propose quatre activités ludiques différentes : apprendre les expressions en contrôlant le visage de l’avatar, reconnaître les émotions en interagissant avec des avatars animés, produire des expressions faciales en contrôlant un avatar et simuler une situation de la vie réelle. Sans doute l’activité la plus compliquée.
« Cette technologie pourrait à terme être aussi utilisée pour d’autres pathologies »
Pour éviter la monotonie et apprendre à décoder l’émotion dans différentes contextes, l’apparence de l’avatar (couleur des cheveux, yeux, visage) ainsi que le contexte (boulangerie, boucherie, etc.) changent. L’intelligence artificielle (IA) permet aussi de varier l’intensité de l’expression de l’avatar. Et ce, de manière progressive.
« Cette technologie pourrait à terme être aussi utilisée pour d’autres pathologies présentant des déficits de cognition sociale : schizophrénie, syndrome de Parkinson, maladie d’Alzheimer », augurent les experts.
VM
* En France, près de 700 000 personnes sont atteintes de Troubles du spectre de l’autisme (TSA), selon l’institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Le principal dénominateur commun à ces troubles ? Des altérations dans la capacité à établir des interactions sociales et à communiquer. Que ce soit par le langage ou la communication non verbale.
** CNRS-Grenoble INP-Université Grenoble Alpes