FOCUS – La 9e édition du festival Détours de Babel portée par le Centre international des musiques nomades va se dérouler du 15 mars au 7 avril en Isère. Trois semaines de « rencontres artistiques improbables » où vont s’hybrider musiques et cultures du monde. « Croisements », tel est le thème qu’explore cette année ce festival unique en France. De l’Europe à l’Afrique et du Moyen-Orient à l’Asie, les Détours de Babel nous invitent « là où la musique sort de ses appellations d’origine contrôlée ».
Le festival Détours de Babel donne, ce vendredi 15 mars, le coup d’envoi de sa 9e édition avec trois semaines de « rencontres artistiques improbables » dans l’agglomération grenobloise et en Isère.
Porté par le Centre international des musiques nomades (CIMN) issu de la fusion du Grenoble Jazz Festival et des 38e Rugissants, le festival explore cette année le thème des “croisements”.
Au programme de cet événement tentaculaire, plus de 80 concerts, spectacles et créations vont se déployer dans près de 40 lieux, répartis sur vingt communes du département. Notamment des salles de spectacles partenaires, mais aussi des bâtiments du patrimoine, des musées, voire des quartiers ou encore des lieux de proximité et espaces de vie.
« S’inventer de nouvelles saveurs mélangées »
Bangladesh, Inde, Mali, Congo, Europe, USA, Corée, Chine, Japon… Impossible ici de citer toutes les esthétiques métissées et les artistes invités. Toujours est-il qu’une nouvelle fois, les Détours de Babel invitent à des voyages où vont se croiser et se mélanger des univers multicolores et musicaux.
Têtes d’affiches, nouvelle génération de musiciennes de jazz, découvertes, créations… Des grands formats aux petites formes, le festival nous invite à franchir allègrement frontières et barricades culturelles. Vers quelles destinations inconnues, exotiques ? Pour se rendre « là où la musique sort de ses appellations d’origine contrôlée pour s’inventer de nouvelles saveurs mélangées ». Telle est l’alléchante proposition de Benoît Thibergien, le directeur du festival.
« Ce qui nous intéresse, c’est principalement un champ artistique autour des musiques du monde, du jazz et des musiques improvisées et contemporaines », explique-t-il. En somme, la découverte ou l’écoute avertie de musiques que l’on a peu l’occasion d’écouter. « On n’est pas dans le mainstream ! Ce n’est pas notre mission », ajoute-t-il.
Quid de ces “croisements”, au centre de cette 9e édition des Détours de Babel ? « C’est comment les cultures s’interpénètrent, se créolisent, s’hybrident et comment cela se traduit dans les musiques », poursuit Benoît Thibergien. L’idée ? Montrer que les esthétiques sont en perpétuelle transformation, en mouvement. Le tout « en privilégiant une approche transculturelle ».
En l’occurrence ? Comment les musiques traditionnelles collaborent avec les plus contemporaines, comment le jazz rencontre les percussions africaines ou autres fusions sans frontières. « Beaucoup des projets qui sont créés ou accueillis par le festival montrent des artistes à l’intersection de ces croisements », souligne le directeur du festival.
Vingt-deux projets “croisés” jazz, musique du monde et musiques nouvelles
« Cette année, nous avons des projets phares qui illustrent bien ces croisements. Comme Kogoba Basigui, la rencontre d’Eve Risser, une jeune pianiste de jazz française et de son big band avec un orchestre de musiciennes du Mali », cite Benoît Thibergien. Autre rencontre, cette fois-ci dans un registre plutôt sud-sud, que celle de Ballaké Sissoko un joueur de kora malien très connu et de Lakshminarayana Subramaniam, un violoniste indien.
« C’est une commande du festival. Je leur ai proposé de se réunir et de travailler ensemble pour monter un projet en résidence à Grenoble », précise le directeur du festival. Quant au chanteur et saxophoniste de jazz Thomas de Pourquery, il va présenter une création avec des percussionnistes congolais. Se joignent à eux des danseuses et danseurs du chorégraphe DeLaVallet Bidiefono, pionnier de la danse contemporaine à Brazzaville.
Ce pour ne citer que quelques-uns des vingt-deux projets “croisés” jazz, musique du monde et musiques nouvelles proposés par les Détours de Babel. « Croisements de musiques, de savoirs-faire, croisements de traditions. Des exemples de ce que peut être la musique dans une dimension pas seulement esthétique mais aussi humaine et anthropologique. C’est ce qui est passionnant dans ces rencontres-là », résume le directeur.
Une nouvelle génération de musiciennes de jazz « libres et sans frontières »
Pour cette nouvelle mouture des Détours de Babel, le festival a voulu également s’ouvrir à des « rencontres inédites ». Comment ? Honneur aux femmes avec une nouvelle génération de musiciennes de jazz prometteuses, « libres et sans frontières », représentée par quatre jeunes artistes. À commencer par la pianiste Eve Risser, déjà citée, qui se produit aussi en solo.
Naïssam Jallal propose, quant à elle, une prestation au croisement des musiques urbaines du Moyen-Orient avec le rappeur Osloob dans Al Akhareen. Également dans la lumière, la joueuse de batterie Anne Paceo et sa formation qui construit un pont vers les musiques de gamelan traditionnel de Birmanie dans Fables of Shwedagon.
Enfin, à découvrir, les improvisations vocales tenant du jazz teintées d’effets électroniques de Leïla Martial, une « acrobate de la voix », assure l’organisation. De quoi mieux faire connaître ces jeunes talents qui, pour certaines, se sont déjà fait un nom sur la scène jazz.
Brunchs, salons de musique et exposition de sculptures sonores
« Le festival se porte de mieux en mieux et, s’il y a un format qui fonctionne bien, c’est celui des brunchs* le dimanche », se félicite Benoît Thiebergien. À tel point que l’organisation a décidé d’en organiser un de plus cette année pour la journée de clôture, le 7 avril : un grand brunch dans le magnifique décor martial du fort Barraux, dans le Grésivaudan. Pour cet événement s’inscrivant dans le cadre de la manifestation Paysage > Paysages portée par le Département de l’Isère, le festival espère rassembler près de 3 000 personnes.
Le festival reprend également le concept des salons de musique. Des petites formes musicales généralement acoustiques présentées à la Maison de l’international de Grenoble. De même que l’on retrouve les salles majestueuses de l’Ancien musée de peinture, place de Verdun, comme base avancée des Détours de Babel destinée à l’accueil et l’information du public.
Une exposition interactive de sculptures sonores
Mais là ne s’arrête pas la seule vocation du festival. Il sera aussi possible de participer à des ateliers ou d’assister à des concerts ainsi qu’à des performances artistiques.
Sans oublier l’exposition de sculptures sonores en bois, verre ou métal, à la fois installations et instruments de musique. De quoi permettre à chacun, avec ou sans formation musicale, d’improviser et de jouer librement avec les sons, de créer sa propre matière sonore.
Joël Kermabon
* Brunch : durant une journée, concerts, spectacles, performances, installations artistiques se répartissent dans différents espaces du lieu d’accueil. Une manière de proposer un cheminement libre des parcours musicaux.
LE CIMN INVESTIRA LE THÉÂTRE SAINTE-MARIE-D’EN-BAS DÈS SEPTEMBRE
Le 17 décembre 2018, le conseil municipal de Grenoble a entériné le choix du projet artistique et culturel porté par le CIMN. Une délibération dans le cadre du renouvellement des conventions d’objectifs et de mise à disposition du théâtre Sainte-Marie‑d’en-Bas. Le CIMN remplace ainsi Antonio Placer dans cette ancienne chapelle située au cœur du centre historique de Grenoble. Il va s’y installer dès septembre 2019 pour une durée de trois ans.
« Nous avions besoin d’un lieu. Très souvent, nous sommes amenés à accueillir des artistes en résidence. Ils ont besoin d’un plateau, de lumières, de son, le temps de l’élaboration de leur projet », explique Benoît Thiebergien. Un outil essentiel qui a « cruellement manqué » au Centre international des musiques nomades. À tel point qu’il fallait parfois répéter à Paris, faute de lieux disponibles sur Grenoble.
Une fabrique de créations
C’est donc avec soulagement que le CIMN intègre les lieux. « Avec les résidences, le théâtre va devenir une fabrique de création », se réjouit Benoît Thiebergien. Mais pas seulement. « Nous allons également faire une saison. Et puis cela va nous permettre de monter des collaborations avec des partenaires locaux », ajoute le directeur artistique.
Ce dernier pense déjà aux concerts, spectacles, projets participatifs, temps forts et moments festifs qui vont prochainement animer le lieu. Avec, autour de ces projets, de nombreuses opérations d’action culturelle pour « tisser des liens vers de nouveaux publics ».