FOCUS – Le juge des référés a rejeté la requête des opposants à l’élargissement de l’A480 dans la traversée de Grenoble. Et, ce faisant, validé le démarrage des travaux préparatoires. Quatre Grenoblois avaient saisi en urgence le tribunal administratif pour demander l’annulation de l’arrêté de déclaration publique signé par le préfet en juillet dernier. Un second recours, au fond, doit encore être examiné par le tribunal administratif.
Les travaux préparatoires à l’élargissement de l’A480 dans la traversée de Grenoble peuvent continuer. Le juge des référés du tribunal administratif a, dans son ordonnance rendue ce 1er mars, rejeté la requête de quatre Grenoblois qui réclamaient la suspension de l’exécution de l’arrêté préfectoral autorisant les travaux.
Le 23 juillet 2018, le préfet de l’Isère avait déclaré d’utilité publique le projet d’aménagement de l’A480 et de l’échangeur du Rondeau après que la commission d’enquête ait donné un avis favorable, moyennant une réserve – vite levée – au projet.
Saisi d’un recours en urgence en décembre dernier, le juge n’a suivi aucun des points soulevés par les avocats des quatre requérants. Pas plus la condition d’urgence liée au démarrage, jugé anticipé, des travaux que le cheminement de la procédure qui a conduit au feu vert du représentant de l’État.
Urgence à stopper les travaux pour les opposants, urgence à les démarrer pour Area…
Depuis début février, la société Area, maître d’ouvrage du projet aux côtés de l’État, a démarré les travaux préparatoires à l’élargissement dans le parc Vallier-Catane. Là, le défrichement est même bien avancé. Trop tôt ? Surtout en contradiction, a fait observer Me Le Gulludec, avec ce qui avait été annoncé, à savoir un démarrage du gros du chantier en mars.
Pour la défense, il y avait urgence à démarrer les travaux. Urgence car il y a un « vrai engorgement de l’A480 » avait plaidé Me Garancher, l’avocat d’Area, lors de l’audience le 26 février. Urgence car il s’agit de caler le calendrier des travaux avec celui de l’arrêt du Synchrotron. Urgence car l’autorisation environnementale impose de commencer les travaux avant la période de nidification, à la mi-mars.
Pas de doute sérieux sur la légalité de l’arrêté de déclaration d’utilité publique
Bref, une condition d’urgence à stopper les travaux pas plus remplie pour Me Fessler. L’avocat du préfet de l’Isère faisant remarquer que la requête en suspension avait été introduite près de cinq mois après le recours en annulation. Un premier recours, au fond, a en effet été déposé en septembre dernier, réclamant l’annulation de l’arrêté de déclaration d’utilité publique. Recours pas encore examiné par le tribunal administratif.
La question de l’urgence mise de côté, le juge des référés s’est penché, dans la mesure de son périmètre d’action – celui-ci jugeant en urgence et non au fond – sur la question de la légalité de l’arrêté préfectoral.
Les dix-sept recommandations de la commission d’enquête devaient-elles êtres requalifiées en réserves, imposant un minimum de modifications au projet ?
Le projet va-t-il à l’encontre du code de l’environnement, l’étude d’impact ne proposant pas de solutions de substitution « convenables » selon les requérants ?
Le dossier est-il entaché d’une erreur manifeste en n’ayant pas suffisamment prolongé le mur anti-bruit ? La concertation préalable mise en œuvre en 2011 et sur laquelle se fonde le projet est-elle suffisante ?
« En 2011, il ne s’agissait pas d’un projet d’autoroute classique mais davantage d’un boulevard urbain dont le maître d’ouvrage était l’État, soulignait Me Janot pour la partie civile. En 2015, changement : l’Area devient le maître d’ouvrage. Entre ces deux dates, un accord a été passé entre l’État et l’Area. Et le projet, de boulevard urbain est devenu projet autoroutier ! On créé une voie de plus, tout en conservant la bande d’arrêt d’urgence. Les coûts explosent. »
« Hors Rondeau, c’est trois fois plus cher ! »
De 130 millions d’euros hors taxes, la facture est passée à 348 millions toutes taxes comprises. « Hors Rondeau, c’est trois fois plus cher ! », pointait Me Janot. Et pour cause, défendait Me Garancher pour Area, « les collectivités, Grenoble, Échirolles, Saint-Égrève… ont modifié le projet, qui est devenu pus onéreux que prévu avec plus de murs anti-bruit, des passerelles… C’est le même aménagement, la même réalisation qu’en 2011. Elle est améliorée avec des éléments d’intégration. » À lui seul, le rajout de murs anti-bruit aurait fait grimper la note de 20 millions d’euros.
« Ce sont les demandes des collectivités qui ont abouti à cette inflation du projet ? s’était étranglé Me Janot. On essaie de nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! » En attendant le débat au fond et donc d’y voir plus clair, le juge des référés a clos ce premier chapitre.
« En l’état de l’instruction, aucun moyen n’est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté du 23 juillet 2018 », a conclu le juge Christian Sogno.
Patricia Cerinsek
* Les requérants réclamaient également une astreinte journalière de 100 000 euros. Demande finalement abandonnée par la partie civile.