Solidaires Isère, dans de nou­veaux locaux de la Ville de Grenoble, ne se sent pas « redevable »

Solidaires Isère, dans de nou­veaux locaux de la Ville de Grenoble, ne se sent pas « redevable »

FOCUS – Après un bras de fer avec la muni­ci­pa­lité gre­no­bloise, le syn­di­cat Solidaires Isère a inté­gré ses nou­veaux locaux mis à dis­po­si­tion par la Ville de Grenoble il y a quelques mois. Les occu­pants qui ont pendu la cré­maillère le samedi 1er décembre, ne sentent en rien rede­vables vis-à-vis de la Ville. Et conti­nuent de reven­di­quer la lutte comme mode de fonctionnement.

Le jour de notre visite, les quelque 300 mètres car­rés des locaux du syn­di­cat Solidaires Isère à Grenoble sem­blaient presque vides. Et pour cause : en ces jour­nées d’é­lec­tions pro­fes­sion­nelles, nombre de syn­di­ca­listes mènent cam­pagne sur le ter­rain. Étienne Ciapin, membre du syn­di­cat, nous “ras­sure” : entre les per­ma­nences, les réunions ou l’ac­cueil d’as­so­cia­tions par­te­naires, y com­pris à l’oc­ca­sion de la pen­dai­son de cré­maillère le 1er décembre, le local est loin de man­quer de vie.

Les militants de Solidaires Isère dans leurs nouveaux locaux © Florent Mathieu - Place Gre'net

Les mili­tants de Solidaires Isère dans leurs nou­veaux locaux. © Florent Mathieu – Place Gre’net

C’est pré­ci­sé­ment la rai­son pour laquelle le démé­na­ge­ment de Solidaires posait ques­tion. Rappel des faits : en 2017, la muni­ci­pa­lité de Grenoble annonce au syn­di­cat son inten­tion de vendre le bâti­ment qu’il occupe, et dont elle est pro­prié­taire. Un bras de fer s’en­gage alors entre la mai­rie et les syn­di­ca­listes, qui n’ac­ceptent pas les pro­po­si­tions de relo­ge­ment for­mu­lées. « S’ils vou­laient qu’on parte, il fal­lait nous pro­po­ser un mieux-disant », résume Étienne Ciapin.

Trois appar­te­ments trans­for­més en bureaux

Les condi­tions du syn­di­cat ? Un local acces­sible, suf­fi­sam­ment éloi­gné des habi­ta­tions pour ne pas géné­rer de nui­sances, et per­met­tant d’or­ga­ni­ser des espaces de bureaux autant que des réunions. « Nous n’avons pas de telles sur­faces aujourd’hui, proches des trans­ports en com­mun, indé­pen­dantes, sur ce sec­teur de la ville », nous répon­dait alors Maud Tavel. L’adjointe de Grenoble en charge du Patrimoine muni­ci­pal invi­tait ainsi le syn­di­cat à repen­ser son mode de fonc­tion­ne­ment pour s’a­dap­ter aux locaux pro­po­sés par la Ville.

Une déco aux couleurs de Solidaires © Florent Mathieu - Place Gre'net

Une déco aux cou­leurs de Solidaires. © Florent Mathieu – Place Gre’net

La muni­ci­pa­lité a fina­le­ment été en mesure de trou­ver un empla­ce­ment proche des exi­gences de Solidaires. Situés rue Federico Garcia Lorca, les nou­veaux bureaux occupent le der­nier étage d’un immeuble qui abrite éga­le­ment l’an­nexe de l’École supé­rieure d’art de Grenoble. Relativement proche de l’ar­rêt de tram MC2, le local offre en outre de nom­breuses pièces indé­pen­dantes, ainsi qu’une salle de réunion tout en longueur.

Les lieux n’é­taient tou­te­fois pas ainsi à l’o­ri­gine : pour répondre aux attentes de Solidaires, la Ville de Grenoble a pro­cédé à dif­fé­rents tra­vaux afin de rendre uti­li­sable, comme espace de tra­vail, un ensemble de trois appar­te­ments d’une cen­taine de mètres car­rés cha­cun. Et si quelques car­tons res­tent encore empi­lés dans des cou­loirs, les nou­veaux occu­pants ont pris leurs marques. Autant en matière d’or­ga­ni­sa­tion des bureaux que de déco­ra­tion aux cou­leurs du syndicat.

Des arrière-pen­sées politiques ?

Pour Étienne Ciapin, l’is­sue posi­tive à ce bras de fer n’a rien d’a­no­din. « Le local, c’é­tait vrai­ment impor­tant et néces­saire, et c’est pour cela qu’on n’a rien lâché », rap­pelle-t-il. La posi­tion du syn­di­cat veut éga­le­ment don­ner l’exemple. « C’est aussi un mes­sage pour les gens autour de nous : quand on est droit dans ses bottes, clairs sur ses reven­di­ca­tions, que l’on s’or­ga­nise col­lec­ti­ve­ment, cela peut débou­cher sur des choses », juge le syndicaliste.

Étienne Ciapin, guide des couloirs du local syndical © Florent Mathieu - Place Gre'net

Étienne Ciapin, guide de la visite du local syn­di­cal. © Florent Mathieu – Place Gre’net

Une déter­mi­na­tion d’au­tant plus forte que, pour le syn­di­cat, la demande de démé­na­ge­ment de la Ville cachait des arrière-pen­sées poli­tiques. « Ça tom­bait bien pour eux, de nous mettre des bâtons dans les roues », iro­nie Étienne Ciapin. En cause ? Le sou­tien de Solidaires au mou­ve­ment des Bibliothécaires en lutte, et plus géné­ra­le­ment l’op­po­si­tion farouche du syn­di­cat à la poli­tique d’aus­té­rité menée par la muni­ci­pa­lité grenobloise.

Et si le syn­di­cat dis­pose aujourd’­hui d’un local fourni par la Ville, eau, élec­tri­cité et chauf­fage com­pris, il n’a pas l’in­ten­tion pour autant de bais­ser les armes. « Pour eux, ils nous donnent ces locaux, et il fau­drait qu’on leur soit rede­vables ! », s’in­digne et s’a­muse à la fois Jean-Paul Portello. Et le membre de Solidaires Isère d’af­fir­mer qu’un élu de Grenoble, dont il choi­sit de taire le nom, s’est même consi­déré « trahi » lorsque le syn­di­cat a sou­tenu la grève de la Cuisine cen­trale.

Solidaires appelle à rejoindre les actions des Gilets jaunes

Est-ce à dire que la ten­sion reste forte entre Solidaires et la Ville ? Étienne Ciapin le pense. « Elle est tou­jours très forte, et nous refu­sons ce type de pres­sions, d’a­gis­se­ments et de contour­ne­ments », reven­dique-t-il. Ajoutant qu’une fois le choix du local arrêté, le dia­logue avec les tech­ni­ciens muni­ci­paux s’est déroulé dans de par­faites condi­tions. « Il y a eu des dis­cus­sions, par­fois des désac­cords, mais c’é­tait beau­coup plus simple qu’a­vec la Ville, quand nous rece­vions des fins de non-rece­voir », confie-t-il.

Solidaires Isère appelle à la convergence avec les actions des Gilets jaunes. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Solidaires Isère appelle à la conver­gence avec les actions des Gilets jaunes. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Pour Solidaires, le but est bien de res­ter un syn­di­cat « vivant ». Autrement dit, un syn­di­cat proche des luttes sociales. Dans un com­mu­ni­qué paru le 5 décembre, Solidaires Isère appelle ainsi à rejoindre les actions menées par les Gilets jaunes, et « à déve­lop­per des mou­ve­ments de grève par­tout où c’est pos­sible ». Un pré­avis de grève illi­mité a même été déposé à comp­ter du 10 décembre, dans le but de « faire plier le gou­ver­ne­ment ».

« C’est une chose sur laquelle nous avons tou­jours insisté : vou­loir détruire notre local, c’é­tait vou­loir détruire notre syn­di­ca­lisme. Dans une époque où l’État met en place des réformes ins­pi­rées soit de Bruxelles, soit du Medef, sou­vent des deux, qu’est-ce que cela veut dire ? », plaide Étienne Ciapin. Loin des com­pro­mis­sions, c’est un syn­di­ca­lisme com­bat­tif que veut por­ter Solidaires. Celui qui « fera en sorte que le patro­nat perde le sou­rire, et qu’une grande par­tie de la popu­la­tion le regagne », conclut-il.

Florent Mathieu

SOLIDAIRES SAVOIE MENACÉ D’EXPULSION ?

À Chambéry aussi, Solidaires est invité à démé­na­ger. Le syn­di­cat Solidaires Savoie est actuel­le­ment logé dans un local privé, loué par Grand Chambéry. Un local de 156 mètres car­rés pour lequel la com­mu­nauté d’ag­glo­mé­ra­tion semble ne plus vou­loir payer, puis­qu’elle a mis fin à la conven­tion d’oc­cu­pa­tion signée en 2013.

Militants de Solidaires 73 lors du conseil municipal de Chambéry © Capture d'écran YouTube - Révolution permanente

Militants de Solidaires 73 lors du conseil muni­ci­pal de Chambéry. © Capture d’é­cran YouTube – Révolution permanente

Une solu­tion de rem­pla­ce­ment ? Grand Chambéry pro­pose au syn­di­cat un nou­veau local, au sein de la Maison des syn­di­cats de Chambéry, d’une super­fi­cie de… 20 mètres car­rés. Dans un cour­rier en date du 19 novembre, la vice-pré­si­dente en charge de la Concertation citoyenne Sylvie Koska tient tou­te­fois à ras­su­rer le syn­di­cat : l’es­pace « sera net­toyé et remis en pein­ture pour [son] arri­vée »

Le refus du syndicat

Certaine que cette déci­sion per­met au syn­di­cat « de pour­suivre ses mis­sions au sein d’un espace qui y est spé­ci­fi­que­ment dédiée », la vice-pré­si­dente invite Solidaires à « confir­mer son accord » auprès du pré­sident de la Maison des syn­di­cats. Et rap­pelle que ses locaux actuels « devront être libé­rés au 2 décembre 2018, date de fin du bail ».

La Maison des syndicats de Chambéry © Google Maps

La Maison des syn­di­cats de Chambéry. © Google Maps

Sans sur­prise, le syn­di­cat n’a pas « confirmé son accord ». « Cette pro­po­si­tion […] est tout sim­ple­ment inac­cep­table ! Vous nous pro­po­sez un débar­ras sans accès à l’eau, ni sani­taire, qui nous per­met­trait à peine de sto­cker notre maté­riel. Ce “local”, même repeint, ne nous per­met­trait pas de conti­nuer à assu­rer nos mis­sions syn­di­cales », répond Solidaires 73 à l’élue. 

Solidaires s’in­vite au conseil muni­ci­pal de Chambéry

Le syn­di­cat refuse de quit­ter ses locaux, et a encore fait savoir sa colère en s’in­vi­tant au conseil muni­ci­pal de Chambéry, le jeudi 22 novembre. Une inter­ven­tion syn­di­cale jugée « hors-sujet » par Michel Dantin, l’af­faire ne concer­nant pas direc­te­ment la muni­ci­pa­lité. Le maire de Chambéry est pour­tant éga­le­ment vice-pré­sident de la com­mu­nauté d’ag­glo­mé­ra­tion. Et Sylvie Koska occupe le poste d’ad­jointe de la Ville en charge de la Concertation citoyenne.

Ce sont, au final, les forces de l’ordre qui ont contraint les syn­di­ca­listes à éva­cuer le conseil muni­ci­pal, après une inter­rup­tion de séance de 35 minutes. Une mani­fes­ta­tion que Grand Chambéry n’a pas man­qué de condam­ner dans un com­mu­ni­qué cité par nos confrères du Dauphiné Libéré. Et dans lequel est jugé « inac­cep­table » le « déni de démo­cra­tie » com­mis par les mili­tants de Solidaires.

Florent Mathieu

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