FOCUS – La Ville de Grenoble expérimente depuis un an avec des commerçants volontaires, la distribution de cendriers de poche et la pose de cendriers de ville devant les bars, restaurants, entreprises et lieux culturels ou de rassemblements festifs. « Pas sur le trottoir, dans le cendar », tel est le slogan choisi par la municipalité dans le cadre de sa nouvelle campagne pour inciter les habitants « à cultiver les bons gestes au quotidien ». Dans le viseur ? Les jets de mégots sur la voie publique, tout autant que la pollution engendrée par ces incivilités.
C’est un geste devenu quasi banal pour beaucoup de nos concitoyens fumeurs. Tous les jours, d’énormes quantités de mégots sont jetées négligemment – voire même inconsciemment – d’une pichenette sur la voie publique. Ce phénomène a d’ailleurs encore pris plus d’ampleur depuis l’interdiction posée par la loi de 2007 de fumer dans les lieux à usage collectif.
Le mégot, un petit déchet certes, mais dont le cycle de vie entraîne de gros problèmes de pollution. En effet, au-delà d’une réelle pollution visuelle de nos rues, reste, beaucoup plus insidieuse, toute la pollution que l’on ne voit pas. « Un mégot c’est 4 000 substances toxiques, 500 litres d’eau pollués et 12 mois pour se désagréger dans la nature », indique le flyer distribué par des agents de la propreté de la Ville de Grenoble.
D’où l’injonction « Pas sur le trottoir, dans le cendar ! », figurant sur les cendriers de ville qui vont fleurir en ville devant les bars, restaurants, entreprises et lieux culturels ou de rassemblements festifs. L’idée ? « Cultiver les bons gestes au quotidien », prône la municipalité.
Une nouvelle expérimentation avec des commerçants volontaires
Les jets de mégots sur la voie publique constituent un véritable fléau que la Ville avait déjà décidé de combattre à travers une première expérimentation en 2015. Une chasse qui n’a pas donné les résultats escomptés, du fait des actes de vandalisme sur le matériel urbain installé et faute d’une filière de recyclage réellement efficace.
Suite à quoi, après avoir haussé le ton, la Ville a lancé, il y de ça un an, une nouvelle expérimentation menée avec des commerçants volontaires par sa « cellule propreté participative ». Les missions de cette entité ? Faire de la médiation sur les questions de pollution, de propreté, d’entretien et d’embellissement de l’espace public.
« Un des sujets phares sur lequel nous avons souhaité intervenir c’est les mégots puisque, d’une part, il y a un très gros enjeu environnemental et que, de l’autre, cela occasionne un surcroît de temps de travail qui pourrait être utilisé pour d’autres tâches beaucoup plus intéressantes », explique Lucille Lheureux, conseillère municipale déléguée aux espaces publics et à la nature en ville.
Pour autant, comment agir sur ce type d’incivilité propre aux fumeurs ? Le cendrier de poche siglé Ville de Grenoble est une première approche. « Nous les distribuons de la main à la main sur des événements tels la fête des Tuiles, le Cabaret frappé ou via des buralistes partenaires. Les fumeurs gardent ainsi les mégots dans leurs poches et s’en débarrassent ensuite par les moyens habituels », résume Lucille Lheureux.
Près de 7 000 cendriers de poche ont ainsi été distribués. « Ça répond vraiment à un usage, les gens les utilisent puis les gardent. C’est vraiment quelque chose qui fonctionne bien ! », se réjouit l’élue.
Répondre aux demandes des bars et des restaurateurs
L’autre méthode consiste à disposer de gros cendriers urbains « résistants à l’espace public » à proximité de commerces partenaires, généralement des bars mais aussi, au-delà, aux abords de lieux festifs comme à La Bobine ou à la Belle électrique. Actuellement, près d’une vingtaine de cafés, bars ou restaurants se prêtent de bonne grâce à l’expérimentation.
À charge pour ces partenaires de vider les cendriers et des les entretenir. « C’est un confort que nous leur apportons car ils n’ont pas à balayer sous leurs tables quand ils rangent leur terrasses le soir », estime la conseillère municipale.
« À travers ces deux démarches, nous répondons aux demandes des bars et des restaurateurs mais nous maintenons également une veille. Quand on sait qu’à un endroit s’accumulent beaucoup de mégots, l’équipe propreté participative va directement, d’elle-même, démarcher les commerçants pour établir un partenariat », précise Lucille Lheureux.
Qu’advient-il des mégots récupérés ? « Pour l’heure, ils sont jetés et incinérés. Ce n’est pas très satisfaisant mais nous avions l’urgence de la réduction et de la collecte de ces déchets et c’est déjà un grand pas un avant », juge Lucille Lheureux.
L’étape suivante ? « Nous avons besoin que la filière se structure et que des entrepreneurs proposent des solutions pour leur recyclage ».
« Il y a des gens qui s’en servent, d’autres pas du tout ou qui s’en foutent »
« Les mégots par terre sur la terrasse c’est, pour nous, tous les soirs à la fermeture un vrai fléau », explique quant à lui Karim Bennil, le gérant du John’s bar, situé rue Lafayette près de la terrasse duquel trône l’un des cendriers urbains posés par la Ville. Le cendrier à proximité ? « Il y a des gens qui s’en servent, d’autres pas du tout ou qui s’en foutent. On essaye de les sensibiliser malgré tout », rapporte le gérant.
Toujours est-il que Karim Bennil joue le jeu du partenariat à fond. « Je donne des cendriers portatifs aux clients. Comme ça, ça leur permet de toujours l’avoir sur eux où qu’ils aillent ».
Son travail de sensibilisation ne s’arrête pas là. « Je leur signale également la présence d’un cendrier à proximité mais j’en dispose aussi quelques-uns sur des tables », complète le cafetier.
Karim Bennil verrait plutôt d’un bon œil se concrétiser une autre piste explorée par la municipalité, celle de pouvoir remettre des cendriers sur toutes les tables. Une pratique qui, bien que non interdite, a disparu progressivement suite à la promulgation de la loi Évin en 1991 prohibant toute publicité sur le tabac. Publicités qui figurent généralement sur les cendriers donnés gratuitement aux cafetiers par leurs fournisseurs. L’autre raison de cette absence selon Karim Bennil ? « Ils peuvent aussi servir de projectiles lors des bagarres », rappelle-t-il.
Reste que ce problème de mégots jetés nonchalamment est avant tout une question de savoir-vivre en société. Pas sûr que la seule présence d’un cendrier, même à proximité, puisse vraiment inciter un fumeur à être plus civique.
Joël Kermabon