De gauche à droite : Philippe André, Alexandre Leraitre, David Gendreau, NadineBoux, Delphine Batho et Rosa Mendes. © JOël Kermabon - Place Gre'net

Hydroélectricité : « La main invi­sible du mar­ché » aura-t-elle rai­son de la tran­si­tion énergétique ?

Hydroélectricité : « La main invi­sible du mar­ché » aura-t-elle rai­son de la tran­si­tion énergétique ?

FOCUS – Une soi­rée-débat sur la tran­si­tion éner­gé­tique et l’a­ve­nir de l’hy­dro­élec­tri­cité avait lieu ce lundi 22 jan­vier à l’Hôtel de Ville de Grenoble à l’i­ni­tia­tive de l’u­ni­ver­sité popu­laire Up ! et des inter­syn­di­cales GE Hydro et EDF de Grenoble. Comment réus­sir la tran­si­tion éner­gé­tique alors que l’hy­dro­élec­tri­cité est dans la tour­mente ? Une ques­tions majeure au centre des trois tables rondes aux­quelles ont pu assis­ter quelque 250 per­sonnes. Parmi les invi­tés de marque, l’an­cienne ministre de l’Écologie Delphine Batho.

Le salon d'honneur de l'Hôtel de ville plein à craquer. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Le salon d’hon­neur de l’Hôtel de ville plein à cra­quer. © Joël Kermabon – Place Gre’net

« Réussir la tran­si­tion éner­gé­tique ? L’hydroélectricité dans la tour­mente ». Tel était le thème des trois tables rondes orga­ni­sées ce lundi 22 jan­vier 2018 dans le salon d’hon­neur de l’Hôtel de ville de Grenoble par l’Université popu­laire Up ! et les inter­syn­di­cales de GE Hydro et d’EDF.

L’objectif de cette soi­rée ? Mettre le focus sur ce sec­teur bien cha­huté en France alors que ces deux entre­prises risquent de perdre de nom­breux emplois. Soit 345 pour GE Hydro tan­dis que EDF envi­sage d’en sup­pri­mer près de 6 000 en quatre ans.

Des sala­riés… et de nom­breux politiques

Parmi les 250 per­sonnes pré­sentes dans le salon d’hon­neur de la mai­rie de Grenoble, de nom­breuses per­son­na­li­tés. Notamment Delphine Batho, dépu­tée des Deux-Sèvres et ancienne ministre de l’Écologie du deuxième gou­ver­ne­ment Ayrault, et les deux jeunes réa­li­sa­teurs du film Guerre Fantôme David Gendreau et Alexandre Leraître.

Mais aussi de nom­breux élus : Éric Piolle, maire EELV de Grenoble, Christophe Ferrari, pré­sident de Grenoble-Alpes Métropole, les dépu­tés Marie-Noëlle Battistel (PS) et Jean-Charles Colas-Roy (LREM), le séna­teur EELV Guillaume Gontard… Et, éco­lo­gie oblige, de nom­breux conseillers muni­ci­paux de la majo­rité municipale.

Dans le public, très nom­breux, des sala­riés d’EDF et bien sûr de GE Hydro venus écou­ter leurs deux égé­ries, Nadine Boux et Rosa Mendes, toutes deux membres de l’in­ter­syn­di­cale en lutte.

Retour sur la soirée débat sur la transition énergétique et l’avenir de l’hydroélectricité qui s’est déroulée ce 22 janvier à l’Hôtel de Ville de Grenoble. Présentation de la soirée par Philippe André (Up!). © Joël Kermabon - Place Gre'net

Présentation de la soi­rée par Philippe André (Up!). © Joël Kermabon – Place Gre’net

« L’hydroélectricité c’est la pre­mière des sources d’éner­gies renou­ve­lables avec 12 % de la pro­duc­tion d’élec­tri­cité natio­nale. La tran­si­tion éner­gé­tique ne pourra pas réus­sir sans elle ! », déclare à la fin de son intro­duc­tion Philippe André, syn­di­ca­liste Sud éner­gie à EDF et membre de Up !

« Guerre éco­no­mique » et « tra­hi­son des élites natio­nales »

Le sec­teur est dans la tour­mente à Grenoble avec le plan social qui frappe GE Hydro depuis le début de l’été 2017. C’est du moins ce que se sont atta­chés à retra­cer Rosa Mendes et Nadine Boux – en com­pa­gnie des deux réa­li­sa­teurs de Guerre Fantôme et de Delphine Batho –, au cours de la pre­mière table ronde de la soirée.

De gauche à droite : Philippe André, Alexandre Leraitre, David Gendreau, NadineBoux, Delphine Batho et Rosa Mendes. © JOël Kermabon - Place Gre'net

De gauche à droite : Philippe André, Alexandre Leraitre, David Gendreau, Nadine Boux, Delphine Batho et Rosa Mendes. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Son thème ? Les sala­riés de GE Hydro face aux enjeux de la tran­si­tion éner­gé­tique. Avec pour cadre l’é­vo­ca­tion de la mise à mal de l’intérêt géné­ral par « une guerre éco­no­mique » et la « tra­hi­son des élites natio­nales » qui ont pré­sidé au rachat du groupe Alstom par le géant amé­ri­cain General Electric. Tenants et abou­tis­sants que vont rap­pe­ler les deux réa­li­sa­teurs invités.

« Sans cela, on ne com­pren­drait pas pour­quoi aujourd’­hui le site de Grenoble est frappé par un plan social », tient à sou­li­gner Rosa Mendes.

« Une vaste mas­ca­rade qui ne cachait que des enjeux poli­tiques et économiques »

« Cette vente, vous l’a­vez com­pris on l’a en tra­vers. On nous l’a­vait pour­tant annon­cée comme une bonne chose », enchaîne Rosa Mendes à la fin de l’in­ter­ven­tion à deux voix de David Gendreau et Alexandre Leraître. Avec sa com­pagne de lutte, Nadine Boux, les deux membres de l’in­ter­syn­di­cale de GE Hydro vont à leur tour retra­cer sept mois de lutte pied à pied.

Dernier épi­sode en date : le refus par la Direction régio­nale des entre­prises, de la concur­rence, de la consom­ma­tion, du tra­vail et de l’emploi (Direccte) d’ho­mo­lo­guer le plan de sau­ve­garde de l’emploi (PSE) sou­mis par la direc­tion de GE Hydro. « En fait, ce n’é­tait qu’une vaste mas­ca­rade qui ne cachait que des enjeux poli­tiques, éco­no­miques et sur­tout per­son­nels. L’addition est amère aujourd’­hui », déplore Nadine Boux.

Rosa Mendes, meme bre de l'intersyndicale de GE Hydro. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Rosa Mendes, membre de l’in­ter­syn­di­cale de GE Hydro. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Si les deux repré­sen­tantes des sala­riés se féli­citent du sou­tien des poli­tiques locaux dont notam­ment celui d’Éric Piolle et d’autres élus, ces der­nières n’ont pas man­qué de dénon­cer le lob­bying des grands groupes indus­triels sur l’État, tout autant que « l’é­trange silence » du gou­ver­ne­ment. « Je crois que Nicolas Hulot ne nous a pas enten­dus », lance Rosa Mendes.

« Je crois qu’il est malade. Il est très silen­cieux, ce gar­çon », rétorque avec une pointe d’i­ro­nie Nadine Boux. Pour autant, Rosa Mendes l’as­sure, « il est encore temps d’a­gir, il n’est pas trop tard, nous sommes ouverts ».

En la matière, Delphine Batho sait de quoi elle parle puis­qu’elle était membre de la com­mis­sion d’en­quête char­gée d’examiner les déci­sions de l’État en matière de poli­tique indus­trielle por­tant notam­ment sur le rachat d’Alstom.

« Ce que vous vivez, je le vis comme un crève-cœur. Tout avait été dit sur l’im­por­tance de l’hy­drau­lique et de tous vos savoirs-faire, sur une his­toire qui a plus de cent ans, sur un fleu­ron indus­triel pour la tran­si­tion éner­gé­tique […] Tout a été dit sur la vente d’Alstom à General Electric. Ceux qui, main­te­nant, font sem­blant d’être sur­pris le savent bien, les dés étaient pipés », se désole Delphine Batho.

L’État ne joue pas plei­ne­ment son rôle, pour les syndicalistes

On l’aura com­pris, l’État était dans la ligne de mire des inter­ve­nants. Cela ne fera que se confir­mer au cours de la deuxième table ronde consa­crée aux sala­riés d’EDF face aux enjeux de la tran­si­tion éner­gé­tique. Avec une ques­tion cen­trale sans conces­sion : com­ment EDF est-elle en train de rater le virage de la tran­si­tion énergétique ?

« Nous aussi, à EDF, nous vivons un plan social com­plè­te­ment passé sous silence et nous vous com­pre­nons d’au­tant mieux », expose Anne Debrégeas de Sud Énergie EDF aux repré­sen­tantes de GE Hydro. De fait, c’est près de 10 % du per­son­nel qui, d’ici 2019 et au-delà, vont être sup­pri­més par non-rem­pla­ce­ment. « Une aber­ra­tion en période de tran­si­tion éner­gé­tique », estime la syn­di­ca­liste, pour laquelle l’État « a laissé faire ».

De gauche à droite : Vincent Fristot, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel et Guillaume Gontard. © Joël Kermabon - Place Gre'net

De gauche à droite : Vincent Fristot, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel et Guillaume Gontard. © Joël Kermabon – Place Gre’net

L’État, action­naire majo­ri­taire, « ne joue abso­lu­ment pas son rôle et a laissé EDF entrer en contra­dic­tion avec les objec­tifs de pas­ser de 75 % à 50 % de nucléaire avant 2015 et d’aug­men­ter la part des éner­gies renou­ve­lables », pour­suit Anne Debrégeas. Qui pré­cise que la part du pho­to­vol­taïque par rap­port à la pro­duc­tion totale est infé­rieure à 0,5 %.

« L’électricité n’est pas une mar­chan­dise comme les autres. C’est un bien de pre­mière néces­sité au cœur de la pro­blé­ma­tique envi­ron­ne­men­tale. Les choix doivent s’o­pé­rer non pas sur des cri­tères de ren­ta­bi­lité mais sur des cri­tères de mini­mi­sa­tion de l’im­pact éco­lo­gique », conclut-elle.

« Trouver des solu­tions à des pro­blèmes que nous avons nous-mêmes créés »

« Autrefois, nous avions une entre­prise qui s’appelait EDF-GDF. Aujourd’hui, c’est plus de 150 entre­prises, constate Cédric Thuderoz, de la CGT EDF. Et ce sys­tème-là, il a fallu le cas­ser par tous les moyens. »

Un déman­tè­le­ment du sec­teur éner­gie « où l’on essaie de trou­ver des solu­tions aux pro­blèmes que nous avons nous-mêmes créés », iro­nise le syn­di­ca­liste. Et d’in­ter­ro­ger : « Comment dans ce contexte de casse du ser­vice public avan­cer sur la tran­si­tion éner­gé­tique ? »

Cette dis­per­sion fait l’é­co­no­mie de l’a­na­lyse objec­tive des réelles capa­ci­tés de pro­duc­tion, selon Cédric Thuderoz. Pourtant, l’en­jeu est de taille et le chal­lenge pri­mor­dial moti­vant. Ne s’a­git-il pas d’as­su­rer à tous les Français une four­ni­ture d’élec­tri­cité opti­male à des tarifs raisonnables ?

Elections législatives. Soirée électorale à la Préfecture de l'Isère. 11 juin 2017. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'net

Marie-Noëlle Battistel. Soirée des élec­tions légis­la­tives à la pré­fec­ture de l’Isère, 11 juin 2017. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net

L’occasion pour Marie-Noëlle Battistel, dépu­tée de la 4cir­cons­crip­tion de l’Isère et pré­si­dente de la com­mis­sion des affaires éco­no­miques, de reve­nir sur son rap­port par­le­men­taire concer­nant la tran­si­tion énergétique.

Notamment sur l’in­jonc­tion de la Commission euro­péenne au gou­ver­ne­ment fran­çais concer­nant l’o­bli­ga­tion de renou­vel­le­ments de conces­sions et de ges­tion des ouvrages hydroélectriques.

« Y a‑t-il une réelle volonté de l’État de résis­ter encore à la Commission euro­péenne et de dire non à la mise en concur­rence des ouvrages hydro­élec­triques parce qu’ils sont stra­té­giques en matière d’in­dé­pen­dance éner­gé­tique ? », s’interroge-t-elle.

L’affaire semble, en tout cas, bien mal par­tie puisque le Premier ministre Édouard Philippe aurait dit aux syn­di­cats d’EDF que « le Gouvernement ne reviendra[it] pas sur le prin­cipe de mise en concur­rence des construc­tions hydrau­liques », révèle Philippe André.

« La main invi­sible du mar­ché ne fera pas la tran­si­tion énergétique »

« Même si les objec­tifs dans le domaine de l’en­vi­ron­ne­ment ne sont pas atteints, des éner­gies renou­ve­lables se sont déve­lop­pées. Le pro­blème c’est que l’État a déve­loppé des aides sans pen­ser à la stra­té­gie indus­trielle qui allait avec », sou­ligne Delphine Batho.

L’ancienne ministre de l’Environnement prône « un grand com­pro­mis social autour de la tran­si­tion éner­gé­tique ». Ce qui per­met­trait, selon elle, de sor­tir des blo­cages sociaux dès que l’on veut fer­mer une cen­trale nucléaire ou à char­bon. Et ce « à la condi­tion que nous repre­nions la main sur notre sou­ve­rai­neté éner­gé­tique », assure-t-elle.

De gauche à droite : Nadine Boux, Delphine Batho et Rosa Mendes. © Joël Kermabon - Place Gre'net

De gauche à droite : Nadine Boux, Delphine Batho et Rosa Mendes. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Pourquoi ? « Parce qu’il faut com­prendre que la main invi­sible du mar­ché ne fera pas la tran­si­tion éner­gé­tique », explique l’an­cienne ministre.

Quant au bilan – qu’elle estime très néga­tif – de la trans­for­ma­tion de la société EDF en une société ano­nyme, il faut reve­nir sur son sta­tut, affirme Delphine Batho. Certes pas avec une « natio­na­li­sa­tion à l’an­cienne mais en recher­chant une forme moderne qui res­semble un peu au modèle coopé­ra­tif, en fai­sant en sorte que la part déte­nue par le sec­teur privé soit déte­nue par les sala­riés et les consom­ma­teurs », plaide la députée.

Au final, un large consen­sus a régné durant ces tables rondes. Lesquelles sont arri­vées à leur terme avec les inter­ven­tions des élus locaux qui se sont expri­més sur la ques­tion d’une éner­gie plus locale et plus citoyenne. Se sont ainsi suc­cédé Vincent Fristot, pré­sident de GEG, Éric Piolle, Christophe Ferrari, Guillaume Gontard et à nou­veau Delphine Batho qui a conclu ce cycle de tables rondes.

Joël Kermabon

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