DÉCRYPTAGE - Pédiatres en arrêt-maladie, démissions collectives en réanimation, mutation pour harcèlement… Après le suicide en novembre dernier d’un jeune neurochirurgien, le malaise grandit au CHU de Grenoble. Au chevet de l'établissement, la ministre de la Santé Agnès Buzyn réclame un plan d’actions. Derrière, le député de l'Isère Olivier Véran tire la sonnette d'alarme quant à la situation des hôpitaux en France. Tout en défendant et votant des coupes sombres dans le budget de l'hôpital public…
⇒ Temps de lecture : 10-13 min
L’hôpital public va mal. Ce n’est pas nouveau. Mais à Grenoble, le malaise a éclaté au grand jour. En cette fin d’année 2017, deux services tournent a minima. Et pas des moindres.
En réanimation, la démission collective, il y a un mois, de quatre médecins suite à des tensions internes au sein de l’équipe médicale n’a certes pas fait grand bruit.
En la matière, le milieu hospitalier sait se faire discret. C’est le moins que l’on puisse dire. Dans les couloirs du CHU, on parle volontiers de « chape de plomb ». Mais après le suicide d’un jeune neurochirurgien, le 2 novembre dernier, mettant en évidence une inquiétante souffrance professionnelle au CHU de Grenoble, le malaise en réa vient mettre en lumière une situation qui devient intenable.
Un service réanimation au ralenti…
Les quatre praticiens partis, un des deux chefs de service en burn-out, ne resterait d’après nos informations pour faire tourner le service qu’une chef de service, qui doit se partager avec ses fonctions universitaires, et un praticien… à temps partiel.
C’est peu dire que le sous-effectif est inquiétant. La réa n’est pas le seul service sous tension. En diabétologie pédiatrique, les deux médecins, à bout, sont toujours en arrêt maladie. Dans une lettre adressée à leurs patients, les deux endocrinologues soulignent avoir alerté la direction depuis des années face à l’afflux d’enfants touchés par cette maladie.
En quinze ans, le nombre de patients pris en charge est passé de 60 à 250. Le nombre de médecins est, lui, resté le même. Seul un demi-poste de puéricultrice a permis de « renforcer » l’équipe soignante. Jusqu’à ce que cela craque. C’était il y a trois semaines.
Dans leur lettre, les médecins font état de ce qui leur serait reproché par la direction du CHU : des consultations trop longues, trop d’éducation thérapeutique aussi, suivant pourtant en cela les préconisations de la Haute autorité de santé. Et partant de là, pas assez d’examens, pas assez d’hospitalisations aux urgences et en réanimation. Bref, pas rentable.
« Utiliser au mieux les moyens qui nous sont alloués »
Les deux médecins pointent le « discours comptable » de la direction et n’hésitent pas à parler de « maltraitance institutionnelle ». La culture du chiffre est-elle passée devant la qualité des soins ? Dans un communiqué, la direction dément avoir tenu de tels propos. Et réfute mener une « politique financière au détriment de la prise en charge des patients : un hôpital ne cherche pas la rentabilité mais à utiliser au mieux les moyens qui lui sont alloués », explique-t-elle.
Elle s'est, en tout cas, décidée à recevoir l’association des Jeunes diabétiques de l’Isère qui avait publiquement tiré la sonnette d’alarme il y a trois semaines. Un premier pas mais loin d’être satisfaisant.
Car le service jongle toujours avec des bouts de ficelle. Sans médecins. Une organisation transitoire a certes été mise en place, passant par les urgences et réorientant les jeunes patients vers d’autres hôpitaux, à Voiron, Chambéry, voire Lyon.
Poursuivez votre lecture
Il vous reste 67 % de l’article à lire. Obtenez un accès illimité.
Vous êtes déjà abonné.e ? Connectez-vous