EN BREF – Le conseiller régional Stéphane Gemmani vient d’adresser au président de la République Emmanuel Macron une lettre teintée d’une profonde amertume. Le fondateur du Samu social de Grenoble semble en effet incrédule face à une directive ministérielle qui met fin au principe d’hébergement inconditionnel. Et, de ce fait, exclut les personnes en obligation de quitter le territoire français.
Un pas vers la rupture ? Le conseiller régional Stéphane Gemmani, soutien affiché d’Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, adresse au désormais président de la République une lettre remplie d’amertume. Celui qui fut fondateur du Samu social de Grenoble ne cache pas son désappointement face à une circulaire gouvernementale mettant fin au principe d’hébergement inconditionnel.
Stéphane Gemmani rappelle avoir, « modestement mais activement », contribué à l’écriture d’une partie du programme du candidat Macron. Son champ d’expertise ? Les questions de pauvreté, avec notamment une contribution intitulée « Pour un hébergement d’urgence diffus, pérenne et inconditionnel ». Une prophétie… inversée ?
Une circulaire mettant fin à l’hébergement inconditionnel
Révélée par Le Monde, une circulaire émanant du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb et du ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard, a mis de facto fin à l’hébergement inconditionnel. Elle a ainsi acté que « l’État n’était tenu d’assurer l’hébergement des personnes auxquelles une obligation de quitter le territoire (OQTF) avait été notifiée que pendant le temps strictement nécessaire à leur départ ».
Le dimanche 10 décembre déjà, le ministre de l’Intérieur avait provoqué la colère des associations en leur demandant de collaborer avec les autorités pour le contrôle des personnes hébergées.
Sur les réseaux sociaux, circule par ailleurs un document signé de la préfecture de Haute-Savoie, demandant aux « gestionnaires des dispositifs d’urgence » de communiquer chaque mois la liste nominative des personnes hébergées. Et ceci en prévision d’une action d’assignation à résidence des OQTF.
Un appel à « l’humanisme » et « l’indulgence » du président
Pour Stéphane Gemmani, « les demandeurs d’asile, les personnes en situation irrégulière ou les ressortissants de l’Union européenne démunis d’autorisation de travail doivent […] être pris en charge, sans distinction de statut administratif en centre d’hébergement d’urgence ». Et le conseiller régional d’ajouter : « Aucune discrimination ne saurait se justifier légalement pour distinguer les prestations offertes à ce public. »
Aussi appelle-t-il à la « générosité », à « l’humanisme » et à « l’indulgence » du président de la République, quitte à redoubler de compliments à son égard. « Vous êtes homme d’esprit, avec cette intelligence aiguë, vive et parfois mordante », écrit-il. Avant d’ajouter : « Et parce que vous êtes cet homme, avec le rang qui est maintenant le vôtre, vous ne pouvez cautionner une telle gestion de ces populations. »
« Cette déshumanisation qui s’opère au plus haut de l’État est aux antipodes des situations que nous pouvons trouver quotidiennement au sein de nos villes, de nos rues », affirme encore Stéphane Gemmani. Qui rappelle les « 14 millions de réfugiés » que compte le monde, témoins « d’une incidence inquiétante des violations des droits de l’homme, de conflits politiques et ethniques, d’un déséquilibre économique et déjà, d’un désastre écologique ».
Un plaidoyer pour des solutions durables
Mais au-delà de la question même des réfugiés, le tout récent Chevalier à l’ordre national du mérite plaide pour « de nouvelles solutions durables », tel qu’un hébergement « diffus », mieux réparti entre les communes, sur de petites unités, selon les capacités et les moyens. Tout en pourfendant, à l’image des associations de terrain, la « gestion au thermomètre », débloquant de nouvelles places d’hébergement en période hivernale, voire d’urgence en cas de grand froid.
« Dans les années 60, plus de 65 000 personnes vivaient dans des bidonvilles et la France a fait un choix juste en agissant pour la résorption de l’habitat indigne. Aujourd’hui, on estime que 20 000 personnes vivent dans des bidonvilles et beaucoup sont bloquées aux marges de l’hébergement d’urgence. Alors que le défi est sans commune mesure par rapport à ce qu’il fut il y a cinquante ans, les issues semblent plus éloignées que jamais ! », juge, pessimiste, Stéphane Gemmani.