Nicole Belloubet, ministre de la Justice. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Nicole Belloubet, garde des Sceaux : « Il n’y aura pas de fer­me­ture de lieux de justice »

Nicole Belloubet, garde des Sceaux : « Il n’y aura pas de fer­me­ture de lieux de justice »

FOCUS – Nicole Belloubet, garde des Sceaux et ministre de la Justice, était à Grenoble ce lundi 23 octobre. Après un pas­sage à la Maison de l’a­vo­cat, la ministre s’est ren­due au palais de jus­tice pour décou­vrir le Service d’accueil unique du jus­ti­ciable, puis échan­ger sur le “trai­te­ment du temps réel”. L’occasion de s’ex­pri­mer sur plu­sieurs sujets chauds dont le manque de magis­trats au par­quet de Grenoble, le risque de déser­ti­fi­ca­tion judi­ciaire, le manque d’in­dé­pen­dance du par­quet ou bien encore le débat sur le cannabis.

Échanges avec une des fonctionnaires du SAUJ. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Échanges avec une des fonc­tion­naires du SAUJ. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Après Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supé­rieur, de la Recherche et de l’Innovation, et Agnès Buzyn, ministre de la Santé, c’é­tait au tour de Nicole Belloubet, garde des Sceaux et ministre de la Justice, de se rendre en Isère ces 22 et 23 octobre.

A peine arri­vée, dimanche soir, la ministre a été l’in­vi­tée d’hon­neur d’une soi­rée dédiée à la lutte contre le racisme, l’an­ti­sé­mi­tisme et pour la paix, orga­ni­sée à l’oc­ca­sion du 15e dîner du Crif Grenoble-Dauphiné au World Trade Center de Grenoble.

Reçue à la Maison de l’a­vo­cat, ce lundi 23 octobre dans la mati­née, Nicole Belloubet a échangé avec le bâton­nier, Wilfried Samba-Sambeligue, et des membres du bar­reau, avant de se rendre au palais de jus­tice, où lui a été pré­senté le Service d’accueil unique du jus­ti­ciable (SAUJ). Après un temps d’é­change avec des magis­trats et des fonc­tion­naires de l’ins­ti­tu­tion judi­ciaire gre­no­bloise sur le “trai­te­ment du temps réel” (TTR), la ministre de la Justice a alors pris le temps de répondre à quelques ques­tions tous azimuts.

« Nous allons créer 1 000 emplois sup­plé­men­taires en 2018 »

« Je suis ici parce que je sou­haite me rendre dans l’en­semble des juri­dic­tions fran­çaises et des éta­blis­se­ments péni­ten­tiaires. Mais aussi parce que je viens de lan­cer les grands chan­tiers de la jus­tice », a expli­qué Nicole Belloubet, esti­mant que ces visites, dont celle de Grenoble, enri­chi­ront sa réflexion.

Le plan d’ac­tion, pré­senté le 6 octobre der­nier au palais de jus­tice de Nantes, com­prend cinq grands thèmes : la trans­for­ma­tion numé­rique, l’amélioration et la sim­pli­fi­ca­tion de la pro­cé­dure pénale et de la pro­cé­dure civile, l’adaptation de l’organisation ter­ri­to­riale ainsi que le sens et l’efficacité des peines.

Visite du palais de justice. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Visite du palais de jus­tice. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Mais ce sont sur des consi­dé­ra­tions plus locales que la ministre a eu à s’ex­pri­mer. Notamment sur le manque cruel de magis­trats au par­quet de Grenoble dont le pro­cu­reur de la République s’est à maintes reprises fait l’écho.

Cette situa­tion évo­luera-t-elle en 2018 ?

« En 2018, le bud­get de la jus­tice va aug­men­ter. Nous allons créer 1 000 emplois sup­plé­men­taires dont des emplois de magis­trats […] J’espère amé­lio­rer la situa­tion au par­quet de Grenoble », a annoncé la ministre de la Justice. Qui, si elle assure avoir conscience de cette situa­tion dif­fi­cile, n’en constate pas moins « qu’il y a par­fois une dif­fi­culté à atti­rer les magis­trats vers la fonc­tion de par­que­tier ».

Lors de la pré­sen­ta­tion du Service d’accueil unique du jus­ti­ciable – en cours d’ins­tal­la­tion dans d’autres juri­dic­tions – les inter­lo­cu­teurs avec les­quels la ministre s’est entre­te­nue ont évo­qué des manques de moyens et de locaux. Dès lors, quels remèdes à cet état de fait ?

Le service d’accueil unique du justiciable (SAUJ). © Joël Kermabon - Place Gre'net

Le ser­vice d’accueil unique du jus­ti­ciable (SAUJ). © Joël Kermabon – Place Gre’net

Outre l’aug­men­ta­tion du bud­get de la jus­tice, Nicole Belloubet a pro­mis que « les tra­vaux indis­pen­sables ser[aie]nt pro­gram­més dans le temps en don­nant la prio­rité aux SAUJ ». L’occasion pour la garde des Sceaux d’af­fir­mer son « obses­sion et sa volonté que la jus­tice soit plus claire, plus lisible et plus acces­sible pour le jus­ti­ciable ».

« Dans ce cadre-là, je vais mul­ti­plier les SAUJ qui sup­posent des gens com­pé­tents pour répondre, des lieux adap­tés… C’est ce à quoi réflé­chit la juri­dic­tion de Grenoble et nous les encou­ra­ge­rons et les accom­pa­gne­rons dans ce sens », a déclaré Nicole Belloubet.

« Il n’y aura aucune fer­me­ture de lieux de justice »

Autre point abordé : la numé­ri­sa­tion de la jus­tice, l’un des points clefs des pro­messes de cam­pagne d’Emmanuel Macron, le pré­sident de la République. Où en est-on ? « Je sou­haite vrai­ment que nous accé­lé­rions le pro­ces­sus de numé­ri­sa­tion […] Nous avons des cré­dits pour l’ac­cé­lé­rer et faire en sorte que les jus­ti­ciables puissent avoir accès direc­te­ment sur la pla­te­forme justice.fr au suivi de leurs pro­cé­dures, à l’aide juri­dic­tion­nelle… Nous sou­hai­tons vrai­ment faire un effort puis­sant dans ce domaine », a pro­mis Nicole Belloubet.

Visite au pas de charge du palais de justice. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Visite au pas de charge du palais de jus­tice. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Récemment, plu­sieurs bar­reaux de la région Auvergne-Rhône-Alpes se sont émus des consé­quences de la refonte de la carte judi­ciaire. Notamment la sup­pres­sion de nom­breuses cours d’appel dont celle de Chambéry.

Quid de la déser­ti­fi­ca­tion judi­ciaire ? « Je ne peux pas à la fois vous dire que la jus­tice doit être proche du jus­ti­ciable, claire et visible pour lui, et vous dire que nous allons fer­mer des lieux de jus­tice », répond Nicole Belloubet.

Qui, bien qu’elle assure qu’il n’y aura aucune fer­me­ture de lieux de jus­tice, pousse quand même la pous­sière sous le tapis. « Il est cer­tain en revanche que la numé­ri­sa­tion, la sim­pli­fi­ca­tion des pro­cé­dures auront évi­dem­ment des inci­dences dont nous devrons mesu­rer l’im­pact […] Nous ne pour­rons pas en faire l’é­co­no­mie », explique-t-elle, évasive.

« Je suis pro­fes­seur de droit public, je connais­sais peu le monde de la magistrature »

« Je ne connais­sais pas les magis­trats, c’est un monde que je découvre. Je découvre aussi une envie que les choses évo­luent, une volonté de chan­ge­ment qui me frappe », avait déclaré Nicole Belloubet le 7 octobre der­nier lors d’une inter­view accor­dée au JDD. Un entre­tien où la ministre de la Justice détaillait ses cinq pro­jets de réforme de l’ins­ti­tu­tion judi­ciaire. Les connaît-elle mieux désor­mais ? La concer­ta­tion est-elle lan­cée et va-t-elle fonctionner ?

Nicole Belloubet, ministre de la Justice. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Nicole Belloubet, ministre de la Justice. © Joël Kermabon

« Je suis pro­fes­seur de droit public et je connais­sais assez peu le monde de la magis­tra­ture. Toutes les visites que je fais et les dia­logues que je construis avec les magis­trats du siège et du par­quet me donnent une connais­sance un peu plus intime de ce monde », confesse la garde des Sceaux.

La ministre se veut ras­su­rante. « Nous lan­çons autour des cinq chan­tiers de la jus­tice une concer­ta­tion extrê­me­ment étroite, non seule­ment avec les magis­trats mais aussi avec l’en­semble des pro­fes­sions du droit et les élus », assure-t-elle.

Quant au ser­pent de mer de l’in­dé­pen­dance du par­quet vis-à-vis du pou­voir exé­cu­tif, Nicole Belloubet confirme qu’une révi­sion de la Constitution va être enga­gée. « L’un des volets de cette réforme consti­tu­tion­nelle por­tera sur l’in­dé­pen­dance de la jus­tice et donc sur l’é­vo­lu­tion du sta­tut du par­quet, notam­ment sur la nomi­na­tion […] Je por­te­rai ça devant le Parlement », pré­cise la ministre.

Le calen­drier ? « Nous sou­hai­te­rions pou­voir dépo­ser un pro­jet de révi­sion consti­tu­tion­nelle au début du prin­temps devant les chambres pour un congrès, si les choses se passent bien, l’été », espère Nicole Belloubet.

Sur le can­na­bis : « Nous évo­lue­rons, c’est certain ! »

Concernant les décla­ra­tions de Jean-Yves Coquillat, pro­cu­reur de la République de Grenoble, au sujet de la ville « pour­rie et gan­gre­née par le tra­fic de drogue » et sa pro­po­si­tion d’ou­vrir le débat sur le can­na­bis – sans for­cé­ment le légaliser ?

Jean-Yves Coquillat, procureur de Grenoble. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Jean-Yves Coquillat, pro­cu­reur de Grenoble. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Nicole Belloubet confirme :

« Ma posi­tion est conforme à ce qu’a dit le pro­cu­reur. Nous dis­cu­tons de la manière dont nous pou­vons aller vers une ver­ba­li­sa­tion des infrac­tions de consom­ma­tion du can­na­bis. Nous n’en sommes qu’au stade de la réflexion et nous allons voir com­ment tout cela peut se concré­ti­ser », a exposé la garde des Sceaux.

Et celle-ci de sou­li­gner qu’une mis­sion par­le­men­taire est en cours sur ce sujet et devrait rendre très pro­chai­ne­ment ses conclu­sions. « Mais nous évo­lue­rons, c’est cer­tain ! », a conclu Nicole Belloubet.

Joël Kermabon

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