FOCUS – Le “squat” du 6 rue Jay à Grenoble est privé d’électricité depuis une dizaine de jours. En cause, des factures impayées qui s’accumulent et des accords de paiement qui n’auraient pas été respectés. Les associations interpellent GEG ainsi que la Ville de Grenoble, propriétaire de l’immeuble.
L’association du Dal 38 (Droit au logement Isère) tire la sonnette d’alarme. Depuis maintenant plus de dix jours, les occupants du 6 rue Jay à Grenoble vivent sans électricité. Face à l’accumulation de factures impayées, Gaz électricité de Grenoble (GEG) a en effet coupé le courant de ce squat installé en plein centre-ville.
C’est en avril 2016 qu’une quarantaine de personnes, principalement des familles avec enfants, se sont installées au 6 rue Jay, un immeuble alors à l’abandon appartenant à la Ville. Les associations et collectifs tels que le Dal 38 ou encore l’Assemblée de mal-logés ont alors fait un symbole de cette occupation. « Lors de l’installation, GEG a rétabli le courant à la demande des personnes et familles dans la nécessité évidente d’éclairage et de chauffage », relate le Dal 38.
Une facture impayée de 10 000 euros
Mais aujourd’hui, la facture d’électricité s’élèverait à près de 10 000 euros. Un accord passé avec le directeur de l’entreprise a permis le gel d’une somme de 5 000 euros, en échange d’un versement de 1 000 euros, fait valoir l’association. Mais gel ne signifie pas annulation, et GEG réclame toujours environ 3 000 euros de factures non payées.
« À un moment, il faut bien que quelqu’un paye les factures ! », juge Vincent Fristot, adjoint de Grenoble en charge de la délégation urbanisme, logement, habitat et transition énergétique, et président de GEG. « GEG a une dimension sociale de travail avec les personnes, pour retrouver un rythme de paiement, échelonner la facturation en différentes propositions de règlements. L’accord trouvé n’a pas été honoré. Ce qui a obligé GEG à appliquer les dispositifs en pareil cas », explique encore l’élu.
Des « dispositifs » impliquant donc une coupure d’électricité. Le Dal s’en indigne : « Nous rappelons la délibération du Conseil d’État qui rapproche les besoins d’eau et d’électricité du droit fondamental à la vie privée et familiale, en conformité avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme », écrit l’association.
Un potentiel projet de logement social ?
Le Dal 38 assure encore que Vincent Fristot n’a pas donné suite à ses demandes de rendez-vous. En retour, l’élu regrette la position de l’association. « Par principe, c’est dommage de faire du rapport de force. On peut discuter avec certaines associations, envisager des conventions d’occupation précaire, mais pour ça il faut être dans le principe d’une discussion sereine. Nous sommes capables de discuter, et comprenons tout à fait les situations sociales difficiles ! »
Vincent Fristot met en avant la responsabilité de la municipalité. « En tant que propriétaire des lieux, la Ville a des obligations par rapport aux contribuables grenoblois et au voisinage », rappelle-t-il. De plus, l’emplacement même de l’immeuble actuellement occupé, à proximité du cours Alsace-Lorraine, pourrait en faire un bon candidat pour un futur logement social. « Le projet n’est pas arrêté mais on est sur cette possibilité », confie l’élu.
Qui poursuit : « Les occupants aujourd’hui savent qu’ils ne sont pas dans leur droit en effectuant un rapport de force. L’intérêt est plutôt d’aboutir à un apaisement. Nous travaillons dans ce sens. C’est important que l’on puisse travailler sereinement. Les personnes ont des droits : reprenons les choses par rapport au droit des personnes », estime-t-il encore.
Des élus aux abonnés absents ?
Des agents de la Ville ont pu procéder à une visite du squat le mardi 12 octobre. Une visite technique en lien avec les projets futurs de la municipalité qui s’est déroulée de manière satisfaisante, selon les deux camps. Le Dal espérait-il un rétablissement du courant suite à cette visite ? Toujours est-il que, la coupure restant d’actualité, ses militants ont “investi” le local de GEG, square Docteur-Martin.
Résultat : le directeur de l’agence a refusé de faire rétablir le courant. « Il s’est contenté de faire appel à la police pour nous faire partir (nous sommes partis avant son arrivée). M. Fristot, malgré nos appels tous azimuts est resté injoignable ainsi que d’autres élus, tous en réunion ! », écrit l’association.
Des conditions difficiles, décrit un occupant
Pendant ce temps, et sans surprise, Le Dal 38 décrit des habitants « dans une situation très difficile, alors que les températures sont de plus en plus fraiches ». Bamenya, jeune Rwandais de 32 ans, se loge dans l’immeuble depuis près d’un an, et fait état de conditions de vie difficiles.
« La porte d’en bas n’a pas de serrure, les personnes peuvent entrer faire ce qu’elles veulent. Il y a vraiment un problème de va-et-vient. Des gens viennent pisser dans la cave. Nous avons ce souci de savoir qui peut nous protéger. »
« C’est très inquiétant s’il n’y a pas d’électricité. On peut attraper des maladies… mais aussi avoir des problèmes si l’on essaye de dénoncer ça. On n’a pas de prise de parole pour parler avec des gens, trouver une solution rapide… », ajoute enfin Bamenya, désabusé.