La France va-t-elle être le premier grand pays à bannir toute nouvelle exploitation d’hydrocarbures ? C’est la promesse du projet de loi examiné à compter de ce mardi 3 octobre en séance publique à l’Assemblée nationale. Un projet de loi dont le rapporteur, le député de l’Isère Jean-Charles Colas-Roy (LREM) a rappelé l’importance, soulignant au passage des délais « très contraints » pour mener la vingtaine d’auditions.
Dans le contexte de réchauffement climatique, « nous devons dès à présent laisser 80 % des énergies fossiles dans le sous-sol ». L’Accord de Paris et la loi de transition énergétique* en toile de fond, l’Hexagone espère ainsi gagner une place de leader et entraîner d’autres pays dans son sillage.
« La France envoie au monde un signal fort, a poursuivi Jean-Charles Colas-Roy. Nous devenons le premier pays à interdire d’ici 2040 l’exploitation d’hydrocarbures sur son territoire. »
Cocorico ? S’il est voté en l’état, le texte prévoit de mettre fin à la recherche et à la production d’énergies fossiles à l’horizon 2040**. Pas d’interdiction pure et simple donc, comme l’espéraient les associations de défense de l’environnement, mais une transition en douceur puisque la loi laissera vingt-deux ans aux industriels pour voir venir.
Le texte ne dit rien sur les importations d’hydrocarbures
C’est peu dire qu’il a fallu user de contorsions pour contenter assez largement les uns – les pétroliers – sans braquer complètement les autres – les associations. « Les lobbys, je les sens en permanence sur mes épaules », déclarait Nicolas Hulot, le 11 septembre dernier, au journal Le Parisien. Le 21 septembre, le ministre de la Transition écologique signait un arrêté prolongeant le permis exclusif de recherche d’hydrocarbures dont bénéficie Total au large de la Guyane…
Fruit d’une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, présenté comme l’axe principal du plan climat du gouvernement, le texte de loi qui sera examiné dès ce mardi est construit autour de mesures phares. Outre l’interdiction de nouveaux permis d’exploration d’hydrocarbures, il encadre également le “droit de suite”. Un droit inscrit dans le code minier qui permet aux titulaires d’un permis de recherche d’obtenir quasi automatiquement une concession en cas de découverte.
Les associations réclamaient qu’il soit supprimé, dans la mesure où il fait courir un potentiel risque contentieux. Il a seulement été encadré : le droit de suite ne pourra donc pas, lui non plus, excéder 2040.
Seconde faille pour les associations : l’absence de dispositions pour réduire les importations. La France ne produisant que 1 % du pétrole consommé, elle importe massivement. Avec le risque, pointent non sans malice les pétroliers, d’émettre demain encore plus de gaz à effet de serre. Alors , « non-sens environnemental », comme le pointent des députés LR ? A cela, Jean-Charles Colas-Roy a répondu que ce projet n’était que le premier d’une longue série…
PC
* La loi de transition énergétique (2015) a pour objectif de baisser de 30 % la part des énergies fossiles dans le mix énergétique à l’horizon 2030.
** Depuis son passage devant les commissions développement durable et affaires économiques, le projet de loi a évolué. L’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures a été étendue afin d’éviter qu’une technique autre que celle de la fracturation hydraulique soit utilisée. De plus, via un amendement de Jean-Charles Colas Roy, le charbon, combustible fossile le plus émetteur de gaz à effet de serre, figure désormais sur la liste des substances interdites.