TRIBUNE LIBRE – Alors que les retraités sont appelés à se mobiliser ce 28 septembre 2017 contre la hausse de la CSG et pour la revalorisation des pensions, un retraité grenoblois a, lui, pris la plume. Fin juin, Jean Poussard a écrit à Emmanuel Macron, courrier resté sans réponse que nous publions intégralement. « Mon seul but est d’attirer l’attention sur la situation économique réelle du plus grand nombre des retraités et de plaider en leur faveur, souligne ce retraité du bâtiment. L’évocation de mon parcours professionnel n’est là que pour rappeler que, dans le privé, les pensions de retraite sont justement proportionnelles au nombre d’années consacrées au travail et aux efforts déployés. »
Monsieur le Président,
Il est à peu près certain que cette lettre ne parviendra pas jusqu’à vous, mais qui sait ? Je n’ai jamais douté que vous vouliez redresser le pays en assainissant son économie. Par contre, il ne m’était pas venu à l’esprit que les retraités seraient, comme sous la présidence de Hollande,
les premières victimes de vos décisions. Vous m’inspiriez plus de confiance.
Depuis trois ans, les pensions de retraite n’ont pas été revalorisées alors que les charges de la vie courante ont augmenté de même que de nombreuses taxes, prélèvements, et contributions obligatoires. Non Monsieur le Président, avec une pension mensuelle comprise entre 1 200 et 1 400 euros, un retraité n’est pas riche, et il est même pauvre s’il doit payer un loyer parce qu’il n’a pas eu la sagesse ou la possibilité d’acquérir la propriété de son logement pour ses vieux jours.
A titre de comparaison, ce niveau de revenus mensuels correspond souvent à ce que des parlementaires, ministres et autres qui pondent des lois et règlements, dépensent en un seul week-end pour leurs loisirs.
« Que le personnel politique arrête de planer… »
Il devient urgent que le personnel politique, jusqu’au plus haut niveau de l’État, arrête de planer à des altitudes depuis lesquelles la dure réalité de la condition de vie des petites gens (Hollande aurait dit des « sans dents », vous, vous dites maintenant « les gens qui ne sont rien »), leur échappe totalement.
Vous me permettrez de regarder midi à ma porte, et même si je suis loin d’en être réduit à la mendicité, de faire le point des conséquences sur mon budget de votre décision de le réduire encore de 1,75 % par l’augmentation de la CSG.
Comme une large majorité des ouvriers de l’immédiat après-guerre qui ont contribué au redressement du pays, avec pour tout diplôme un modeste certificat d’études primaires, j’ai commencé à travailler début 1946, je n’avais qu’un peu plus de quatorze ans. Le sens des responsabilités de l’Éducation nationale et la conscience professionnelle de nos maîtres faisaient que les gamins qui, comme moi, entraient déjà dans la vie professionnelle savaient lire, compter, s’exprimer correctement et maîtrisaient un bon bagages de connaissances générales.
Travailler pour faire face aux coups durs de la vieillesse
Ce fut ma chance, encore qu’un vieil adage dise que la chance ne sourit vraiment qu’aux esprits préparés. Ma vie fut consacrée au travail ainsi qu’à l’enrichissement de mes connaissances qui me permirent de progresser, d’acquérir des diplômes d’État et d’accéder à des fonctions de direction, dont celle de le filiale immobilière d’un établissement financier, puis de clore ma vie professionnelle à soixante-huit ans en qualité d’expert.
Issu d’une famille très pauvre, j’ai toujours vécu en veillant à la fois au bien-être de ma famille
et à épargner pour me constituer les moyens d’une retraite convenable qui me permettraient de faire face aux coups durs de la vieillesse, d’aider mes enfants et petits-enfants, sans jamais constituer une charge pour eux.
Tout ce que j’ai acquis ne l’a jamais été que par le travail, une bonne gestion de mes ressources,
de mon épargne, et une vie économe. Économe ne veut pas dire pingre. Je me suis toujours appliqué à distribuer chaque année à des associations caritatives ou d’entraide une somme correspondant à environ 2 % de mes revenus annuels.
« En me dépossédant des moyens, vous me dépossédez également du pouvoir »
Si je prends en compte la non-revalorisation de mes retraites pendant trois ans, les charges qui, dans le même temps, m’ont été assénées, auxquelles vient s’ajouter l’augmentation que vous avez décidée de la CSG, je ne pourrai retrouver l’équilibre budgétaire que je me suis toujours appliqué à respecter qu’en faisant des choix auxquels, Monsieur le Président, vous me contraignez.
N’ayant pas travaillé, même beaucoup travaillé, pendant cinquante-quatre ans pour que l’État me gruge et puise dans mes revenus et économies sans que je puisse m’en défendre, considérant que l’argent que vous venez de décider de me prendre servira au financement de bonnes œuvres, constatant d’autre part que les nantis qui nous gouvernent bénéficient de revenus beaucoup plus conséquents que les miens et d’avantages exorbitants sans que j’entende parler de les mettre véritablement à contribution, j’ai pris ma décision.
En me dépossédant des moyens, vous me dépossédez également du pouvoir. Vous me prenez l’argent des pauvres, alors prenez les pauvres avec ! Je vais informer les associations auxquelles je donnais qu’à compter du premier janvier prochain, je cesserai tout versement en leur expliquant bien que l’État vient juste de me prendre ce que je leur destinais. Je ne manquerai pas, bien sûr, de leur suggérer de s’adresser à vous pour assurer leur équilibre financier annuel.
Je ne doute pas un seul instant que vous leur réserverez un bon accueil et ferez le nécessaire en prélevant au besoin sur vos propres deniers. Toutefois, comme je doute que votre gouvernement consente à subvenir aux besoins de l’Église catholique, laïcité oblige, ma générosité lui restera acquise.
En conclusion, les retraités, qui ont massivement contribué à votre élection, parce qu’ils n’ont pas de pouvoir de nuisance, seront-ils les vaches à lait de votre quinquennat ?
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