EN BREF – Des petits porteurs de certificats coopératifs d’investissement émis par le Crédit agricole ont assigné la caisse régionale Sud Rhône-Alpes en justice. Objectif : obtenir que ces valeurs mobilières soient rachetées à la même valeur, ou s’en approchant, que celles détenues par Crédit agricole SA, la maison-mère. Pour l’association de défense des actionnaires minoritaires, la banque mutualiste, qui entend par cette opération simplifier sa structure mais aussi renforcer ses fonds propres, laisserait sur le bord de la route des centaines de petits porteurs en France. Et cinq milliards d’euros non remboursés…
Des petits porteurs de certificats coopératifs d’investissement (CCI), ces titres émis par les caisses régionales du Crédit agricole, ont assigné la caisse Sud Rhône-Alpes devant le tribunal de grande instance de Grenoble. Des particuliers et des institutionnels qui réclament que leurs certificats cotés en bourse soient rachetés à la valeur de l’actif net, histoire de ne pas être les dindons de la farce.
Car ils ne sont pas les seuls à être détenteurs de ces titres. Crédit agricole SA, qui détient par cet entremise 25 % du capital des caisses régionales, en possède également. Or la SA s’est arrangée avec les caisses pour les faire racheter, à hauteur de 18 milliards d’euros, à un prix plutôt avantageux, équivalent à 105 % de l’actif net.
Cinq milliards d’euros concernés en France
Dans l’histoire, les petits porteurs s’estiment lésés et crient au hold-up. « Les CCI sont rachetés à trois fois leur valeur en bourse uniquement à Crédit Agricole SA sans qu’une offre équivalente soit faite aux petits porteurs », souligne l’association de défense des actionnaires minoritaires (Adam) qui a pris le dossier en main pour le porter devant la justice après le refus des dirigeants de la banque d’accéder à ses demandes. « La simple équité de traitement nécessite que les titres des petits porteurs soient eux aussi rachetés au même prix. » L’Adam estime que cinq milliards d’euros sont concernés en France.
« Cela me choque qu’une banque puisse lever des fonds qu’elle ne rembourse jamais ! », s’insurge sa présidente Colette Neuville. « Et c’est d’autant plus choquant si on se réfère aux principes du mutualisme. » La caisse régionale Sud Rhône-Alpes n’est pas la seule à être assignée en justice. Treize caisses sont concernées par la procédure.
Car les caisses régionales ne semblent guère disposées à racheter ces titres rubis sur ongle, d’autant que rien les y oblige dans le code boursier. Pourquoi alors racheter ces certificats à l’un (CASA) mais pas aux autres ?
Depuis 2016, la banque mutualiste a décidé de simplifier sa structure au travers de l’opération Eurêka. Mais derrière, il s’agit d’abord pour le Crédit agricole de renforcer ses fonds propres et d’améliorer ses ratios de solvabilité pour satisfaire aux exigences de Bâle III. Et tant pis si l’opération en privilégie certains plus que d’autres…
Des « arguments sans fondement » pour le Crédit agricole
Dans un communiqué, la caisse régionale Sud Rhône-Alpes reste lapidaire.* « Les arguments qu’elle [l’association, ndlr] développe sont sans fondement et la Caisse régionale Sud Rhône-Alpes est donc très confiante sur l’issue de cette procédure. »
Les caisses régionales peuvent-elles renflouer Crédit agricole SA et supporter ces rachats sans faillir ? « Les caisses régionales sont très riches, continue Colette Neuville. Elles distribuent très peu, les parts sociales n’étant pas rémunérées et elles accumulent ainsi des fonds propres. C’est comme ça que le Crédit agricole reprend des fonds aux caisses régionales ». Sur le dos des petits actionnaires ?
Patricia Cerinsek
* Contactée, la caisse régionale du Crédit agricole Sud Rhône-Alpes a refusé de répondre à nos demandes d’interview.