FOCUS – Le conseil municipal de ce lundi 26 juin a statué sur le plan stratégique d’investissement de 23 millions d’euros que la Ville de Grenoble et son CCAS mettent en œuvre pour l’hébergement des personnes âgées. Il vise à améliorer d’ici 2021
l’offre de résidence en autonomie et d’Ehpad pour répondre « de manière globale et intégrale » aux besoins de nos aînés.
Aujourd’hui, à Grenoble, un habitant sur cinq est âgé de soixante ans et plus. Et près de 6 400 habitants de la métropole sont sur liste d’attente pour entrer dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) dans l’agglomération. Un constat alarmant quant on sait qu’à Grenoble la population de personnes âgées augmente régulièrement de 1 % par an, dépassant ainsi la moyenne française.
Ajoutez à cela la question de l’isolement des personnes âgées en milieu urbain, le vieillissement des structures d’accueil existantes et les normes de sécurité qui méritent d’être renforcées. « C’est le cas pour de nombreux établissements ouverts dans les années 1970 qui nécessitent aujourd’hui un plan de modernisation d’envergure », souligne la ville de Grenoble.
De fait, il devenait urgent – au-delà du maintien de l’offre existante – de prévoir des opérations de rénovation et l’ouverture de nouveaux établissements. C’était bien là tout le propos de la première délibération du conseil municipal de ce lundi 26 juin. Les élus ont eu à statuer sur le plan stratégique d’investissement d’un montant de 23 millions d’euros, réparti de 2017 à 2021, visant à « améliorer l’offre publique de résidence en autonomie et d’Ehpad ».
Deux grands axes : faire du neuf et réhabiliter
« C’est un travail de gestion sur le long terme qui est nécessaire puisque ces équipements atteignent maintenant les quarante voire cinquante ans. C’est maintenant qu’il faut donc prendre des décisions qui n’ont pas forcément été prises par le passé », explique non sans malice Vincent Fristot, conseiller municipal délégué à l’urbanisme. Le plan de la municipalité s’articule autour de deux grands axes : faire du neuf et réhabiliter.
Du neuf avec l’Ehpad Flaubert « dont le dossier est bien lancé », mais aussi avec le positionnement sur Jean Macé, dans le secteur de la Presqu’île, d’une résidence autonomie. Quant aux opérations de réhabilitation et d’amélioration du confort et de la qualité d’accueil, elles concerneront au premier chef la rénovation complète de l’Ehpad Saint-Laurent. Établissement pour lequel Actis investira 4,3 millions d’euros avec une participation d’environ 1 million d’euros de la Ville, « sans que cela entraîne une augmentation spécifique des loyers », assure, prudent, l’élu. Après la rénovation de la résidence du Lac, livrée en février 2017, vont suivre – parmi d’autres opérations (voir carte) – des interventions sur la résidence des Alpins et sur l’Ehpad Lucie Pellat.
Autant de rénovations qui « permettront de repartir pour les décennies à venir avec ces équipement qui ont souffert de travaux différés », rappelle Vincent Fristot. Quant à l’avenir du site Notre-Dame qui sera libéré en fin d’année, « une étude de devenir est en cours […] Il nous a été proposé que ce site puisse conserver une vocation d’accueil de personnes âgées, partielle ou totale, et donc nous intégrons cette dimension dans la réflexion », explique le conseiller municipal.
Enfin, deux transferts sont également programmés : ceux des Ehpad Narvik et Delphinelles qui migreront sur Flaubert à l’horizon 2021.
La Ville présente dans l’accompagnement des personnes âgées à domicile
« C’est bien une démarche globale sur l’ensemble des résidences que propose ce plan porté par la Ville de Grenoble et le CCAS. Mais il faut rappeler aussi que nous sommes présents dans un certain nombre d’actions d’accompagnement des personnes âgées à domicile », tient à préciser Alain Denoyelle, conseiller municipal délégué à l’action sociale et vice-président du Centre communal d’action sociale (CCAS).
Notamment la restauration à domicile qui sert 400 personnes à travers toute la ville ainsi que le suivi des soins infirmiers à domicile (Siad), qui concerne environ 250 personnes. L’élu souligne encore le rôle important joué par les pôles d’animation gérontologiques intergénérationnels (Pagi) du CCAS. Ceux-ci proposent, dans chaque secteur de la ville, tout un ensemble d’activités aux personnes âgées pour s’assurer de leur autonomie et de leur bien-être. « Nous agissons aujourd’hui pour pouvoir prévoir et anticiper les évolutions nécessaires demain pour l’accompagnement des personnes âgées », conclut Alain Denoyelle.
Quelle place pour les seniors ?
Paul Bron, conseiller municipal du groupe d’opposition Rassemblement de gauche et de progrès, juge pour sa part ce plan peu clair et peu précis. « La place des seniors pose une vraie question de société. L’habitant âgé est d’abord un citoyen acteur dans la ville et son usage de la ville est parlant pour l’ensemble des habitants », estime-t-il. Or il considère que la porteuse de la délibération, Kheira Capdepon, conseillère municipale déléguée aux personnes âgées et à la politique intergénérationnelle, s’est cantonnée à se livrer à un état des lieux.
« Un état des lieux ce n’est pas une politique », lui reproche-t-il. « Où est-ce qu’on va ? Quelle est la place des seniors dans la ville ? Quel est le projet, le plan stratégique que vous proposez pour ces personnes là ? », questionne-t-il tout en assurant que son groupe votera la délibération.
Pour l’élu, l’enjeu du maintien à domicile n’est pas vraiment abordé dans ce plan. Or nombre d’associations ou clubs de personnes âgées qui y travaillent se trouvent en grande difficulté. « Comment allez-vous redynamiser ces structures ? », s’inquiète-t-il. Avant de soulever la question du logement des vieux migrants.
« Étrangement, vous n’en parlez absolument pas dans cette délibération alors qu’on sait qu’ils sont dans des situations de grande précarité et que les établissements qui peuvent les accueillir ne correspondent pas culturellement à ce type de personnes », souligne Paul Bron. L’élu évoque aussi d’autres axes complémentaires qui auraient pu être abordés par la Ville : les logements adaptés au maintien à domicile, les parcours résidentiels pour favoriser les logements intergénérationnels, le développement d’une offre de petits logements « à loyer très social »… « On ne les voit pas, ces idées, dans ce plan dit stratégique ! », tance l’élu.
Une absente : la dimension métropolitaine
« Votre majorité à des problèmes avec la notion de vision stratégique », lance Lionel Filippi, conseiller municipal du groupe Les Républicains – UDI et Société civile. « Votre plan se résume en deux phrases […] et l’on s’aperçoit du manque d’ambition global même sur les questions d’hébergement », poursuit-il.
Lionel Filippi regrette en effet que n’ait pas été présentée « une vision chiffrée où à la fois on traite les questions d’hébergement, de logements en intégrant la problématique de l’habitat intergénérationnel ». Selon l’élu, un certain nombre de mises en perspectives ont été éludées : l’accessibilité, le maintien du lien social, la qualité de l’accompagnement par les établissements, le travail autour de l’amélioration du logement, les questions de transport…
« Au-delà de ça, il y a une question qui n’est absolument pas traitée et qui est pourtant sous-jacente à ce plan stratégique. C’est celle de l’autonomie des personnes âgées […], en intégrant les personnes qui souffrent d’un handicap », relève encore Lionel Filippi. Qui déplore également l’absence de la dimension métropolitaine. Notamment le travail avec d’autres CCAS pour « partager une vraie vision à l’échelle de la Métropole, au lieu de se cantonner à la ville de Grenoble ».
Joël Kermabon