DÉCRYPTAGE – Des législatives sans précédent… Entre le mouvement des Insoumis et celui de la République En marche, les cartes semblent rebattues au sein du paysage politique. Et les partis traditionnels cherchent leur espace de respiration. Dans le Nord-Isère, la forte présence du Front national augmente ce sentiment. Vue d’ensemble de ses quatre circonscriptions.
6E CIRCONSCRIPTION : GAUCHE DÉSUNIE, DROITE DÉCHIRÉE
Ils sont onze candidats à briguer un CDD de cinq ans à l’Assemblée nationale dans la sixième circonscription de l’Isère. Un CDD qui prend des allures de CDI pour l’un d’entre eux : candidat Les Républicains – UDI, le député-maire de Alain Moyne-Bressand est en effet réélu à l’Assemblée nationale sans discontinuer depuis… 1986.
Face à lui, une gauche pour le moins désunie : le Parti socialiste lui oppose le maire de Sermérieu, Alexandre Bolleau, également vice-président de la Communauté de communes du Pays des couleurs. Lutte ouvrière est représenté par Denise Gomez et le PCF, pour sa part, présente Frédérique Penavaire, secrétaire de la section du Parti et élue d’opposition de Bourgoin-Jallieu. Europe Écologie – les Verts a également sa candidate : Cécile Viallon, ancienne conseillère régionale, passionnée d’habitat participatif et portant, sans surprise, la question du logement comme thème fort de campagne.
De Nouvelle Donne à la France insoumise
À gauche toujours, la France insoumise propose la candidature de Michael Aydin. La (légère) proximité physique entre le candidat et Jean-Luc Mélenchon ne manque pas d’amuser sur la Toile, et les deux hommes partagent un passé commun au sein du PS. Michael Aydin a, pour sa part, quitté le Parti socialiste parce qu’il ne s’y « retrouvait plus », pour rejoindre Nouvelle Donne.
« Beaucoup de gens prétendent que Jean-Luc Mélenchon est un tyran, que Jean-Luc Mélenchon n’admet pas qu’on puisse avoir une pensée différente de la sienne. C’est complètement faux : je fais partie de Nouvelle Donne et j’ai pu rejoindre la France insoumise », affirme-t-il ainsi au sein de sa vidéo de campagne.
Portant les valeurs d’une « démocratie réelle » et d’un « protectionnisme solidaire », ce passionné d’échecs conclut son propos par un argumentaire tout en finesse : « Il faut voter pour nous, pour vous permettre d’économiser des journées de grève, des journées de manifestations. Pour éviter ce temps perdu, votez d’emblée pour la France insoumise ! »
Une candidate de la société civile en marche
Face à ces cinq candidatures de gauche, le député-maire sortant n’est pas au bout de sa peine. S’y ajoutent encore la candidature très menaçante de Gérard Dézempte, soutenue par le Front national (voir encadré) et celle de Cendra Motin, pour le mouvement La République en marche. Chef d’entreprise spécialisée dans les ressources humaines, la jeune femme est un “pur produit” de la société civile, chère au nouveau président de la République.
Une candidate qui écrit vouloir « réconcilier les Français avec la politique et avec leurs élus ». Dans sa lettre de motivation adressée au mouvement En marche pour obtenir son investiture, elle affirmait ainsi : « J’ai envie de montrer à mes concitoyens que ce sont eux qui ont le pouvoir de faire changer les choses, par leur action et leur engagement, quel qu’il soit, associatif ou même politique, que les députés sont leurs représentants, et pas une puissance supérieure qui décide pour eux. »
Alain Moyne-Bressand prêt à « se remettre en cause »
Alain Moyne-Bressand observe ces “jeunes” candidatures avec un certain flegme. « On veut mettre en évidence le rajeunissement, le renouveau… Mais on peut être jeune et avoir des idées dépassées, et être élu en voulant toujours se remettre en cause. Ce n’est pas parce qu’on est élu qu’il faut faire pareil : il faut avoir des idées nouvelles, savoir écouter, s’adapter aux évolutions de la société. Mais ce n’est pas pour cela qu’on doit mettre des gens qui n’ont aucune expérience… »
Le député-maire sortant ne cache d’ailleurs pas son ironie vis-à-vis du mouvement En marche. « Ils ont fait un tirage au sort, un Koh-Lanta en quelque sorte ! », s’amuse-t-il. Mais, député depuis trente ans ou non, le candidat Les Républicains se défend de tout excès de confiance. « Je ne pars jamais en vainqueur d’office. Je pars en faisant une campagne, en expliquant le projet, en écoutant les concitoyens et en leur disant que je les ai écoutés, que je les ai compris. »
« On me pose des questions en matière de justice, en matière de sécurité… Le gouvernement Hollande est loin d’avoir fait ce qu’il devait faire, et il faut que l’on soit présent. On ne peut pas se dire : “Je suis élu à Paris, tout se passe bien.” Il faut être à Paris, mais sur le terrain aussi », insiste Alain Moyne-Bressand. Qui précise, puisque la loi l’y oblige, qu’il démissionnera à regret de son poste de maire de Crémieu en cas de réélection à l’Assemblée nationale.
Tous les candidats de la 6e circonscription de l’Isère : Michael Aydin (France insoumise), Alexandre Bolleau (PS), Gérard Dézempte (soutenu par le FN), Denise Gomez (LO), Bruno Liénard (indépendant), Cendra Motin (République En marche), Alain Moyne-Bressand (LR – UDI), Frédérique Penavaire (PCF), Isabelle Sadeski (Mouvement 100 %), Cécile Viallon (EELV), Jean-Baptiste Weber (UPR).
7E CIRCONSCRIPTION : LE PARTI SOCIALISTE AUX ABONNÉS ABSENTS
Un cas à part, la septième circonscription de l’Isère ? Elle est la seule du département, avec la neuvième, à proposer moins de dix candidats aux électeurs. Et aussi la seule circonscription du Nord-Isère où le député sortant ne se présente pas. Président du Conseil départemental de l’Isère, Jean-Pierre Barbier a en effet fait « le choix du Département » et laisse le champ libre à un autre candidat Les Républicains.
Yannick Neuder, le candidat en question, est lui-même vice-président du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, président de la communauté de communes Bièvre Isère communauté, et maire de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs. Sans surprise, sa candidature est particulièrement soutenue par Jean-Pierre Barbier comme par Laurent Wauquiez, président de la Région.
Un combat serré en perspective ?
Et le candidat d’afficher ses couleurs sur les réseaux sociaux : « Je me battrai CONTRE la hausse de la CSG préconisée par Macron ; je me battrai POUR une réécriture de la directive européenne des travailleurs détachés ; je me battrai POUR un encadrement de l’immigration et la mise en place de quotas adaptés à nos capacités d’accueil et aux besoins de notre économie (…) Je me battrai pour protéger la famille, pilier de notre société, pourtant mise à mal par la gauche depuis 2012. Je me battrai pour restaurer l’autorité de l’État partout en France. Vous l’avez compris, le combat ne fait que commencer. »
Le « combat » risque d’être serré. En 2012, c’est avec une très courte avance que Jean-Pierre Barbier avait obtenu son siège à l’Assemblée nationale, face au socialiste Didier Rambaud.
Mais la configuration de 2017 est bien différente : pas de candidat PS face à Yannick Neuder, et un candidat Front national qui peut s’appuyer sur les presque 30 % de suffrages obtenus par Marine Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle (voir encadré).
Le Parti socialiste pris de court
Le Parti socialiste a, en effet, renoncé à présenter un candidat dans la 7e circonscription. « Devant l’ampleur de la division de la gauche et le risque élevé du Front national dans cette circonscription, le Parti socialiste Isère a décidé de ne présenter aucun candidat », écrit le PS. Qui pourtant présente des candidats dans toutes les autres circonscriptions du Nord-Isère, où la division et le “risque FN” sont tout aussi présents…
Les socialistes semblent surtout avoir été pris de court par le ralliement de Monique Limon, leur candidate désignée, au mouvement En marche. Sa rivale pour l’investiture du PS, l’avocate Zerrin Bataray, se présente pour sa part sous les couleurs du… Parti communiste. De quoi y perdre son latin comme son Jaurès.
Contrairement à d’autres candidats En marche, Monique Limon n’est pas une novice en politique. Jeune retraitée de 64 ans, elle a notamment travaillé auprès du Conseil général de l’Isère et est aujourd’hui maire du village de Bressieux. Elle revendique clairement sa liberté. « Je n’ai jamais été encartée nulle part ! », tient-elle à rappeler, prônant le « dépassement des partis ».
« Besoin de renouveau et stabilité », plaide Monique Limon
L’absence de candidat PS face à elle ? « Cela traduit peut-être le besoin d’un renouveau en politique, et d’arrêter de cloisonner et de mettre les gens dans des cases, pour essayer de travailler ensemble en rassemblant les intelligences. C’est ce que j’ai retrouvé dans la République en marche : quelque chose qui me convient pour avancer et contrecarrer les extrémismes », nous confie-t-elle.
Pour convaincre les électeurs qu’elle rencontre, Monique Limon argumente sur la stabilité. « On ne va pas encore passer cinq ans à essayer de faire passer en force des idées, à faire le yo-yo ou la guéguerre. C’est insupportable et je pense que les gens sont très conscients que l’on est à un point historique à ne pas laisser passer, que nous devons être responsables et nous engager. Il faut donner les moyens au président d’appliquer son programme. »
Un programme, dit-elle, issu de comités locaux de la France entière, au sein desquels « des Françaises et des Français qu’on disait dégoûtés par la politique ont répondu présents ». « Je trouve ça très beau. J’ai toujours travaillé dans ma carrière professionnelle en prônant le faire avec. Les mieux placés, ce sont ceux qui ont les mains dans le cambouis ! »
La guerre des gauches a bien lieu
Pas sûr que le discours convienne aux autres candidats de gauche. Zerrin Bataray mène une campagne féroce contre Emmanuel Macron… tout en se faisant accuser de récupération par la candidate de la France insoumise, Valérie Bono. Motif ? La candidate et son suppléant se revendiquent (abusivement selon les Insoumis) du Front de gauche. Et les « Fi » de moquer un Parti communiste « prêt à s’allier avec n’importe quelle étiquette, “pourvu que cela puisse embêter Mélenchon” ».
« Voilà localement un triste soubresaut du vieux monde. Voilà ce dont les électeurs ne veulent définitivement plus », jugent encore les Insoumis de la septième. Leur candidate, adepte de l’anaphore, affirme faire partie « de ceux qui se lèvent tôt le matin pour aller travailler […], de ceux qui affrontent le volontariat du dimanche […], de ceux dont les conditions de travail ne se sont pas améliorées depuis longtemps […], de ceux qui connaissent les difficultés de l’accès aux soins sur [leur] territoire ».
Tous les candidats de la 7e circonscription de l’Isère : Zerrin Bataray (PCF), Valérie Bono (France insoumise), Pierre Delacroix (FN), Camélia Ghembaza (UPR), Monique Limon (République En marche), Yannick Neuder (LR – UDI), Nadine Nicolas (Debout la France), Bruno Perrodin (LO), Nadine Reux (EELV).
8E CIRCONSCRIPTION : DEUX CANDIDATS POUR MACRON ?
L’union de la gauche n’est décidément pas d’actualité sur le Nord Isère, et la huitième circonscription du département ne fait pas exception. Sur ces terres de droite, c’est un député sortant socialiste qui se représente face aux électeurs pour un second mandat. Erwann Binet a en effet été élu, d’une courte tête, en 2012.
Face à lui, le secrétaire départemental du Front national, Thibaut Monnier (cf. encadré). Et une candidate Les Républicains – UDI de 42 ans, Maryline Silvestre. Adjointe de Vienne chargée du Développement durable et de l’Environnement, elle est également conseillère communautaire auprès de la Communauté d’agglomération du Pays viennois. Son suppléant ? Thierry Kovacs, maire de Vienne et président des Républicains de l’Isère. Inutile de dire que la bataille politique est âpre.
Le discours l’est tout autant. Sur son site, Maryline Silvestre pose les bases d’une droite “décomplexée”, voulant « rétablir l’autorité de l’État, baisser les impôts, libérer le travail, créer des emplois, mettre fin à l’assistanat et aux droits sans devoirs, redresser notre système de santé, refonder l’école de la République, récompenser le mérite, défendre la famille et redonner toute sa place à notre agriculture ».
Une indésirable candidature écologiste
Mais le député sortant pourrait paraphraser Voltaire en priant Dieu de le « garder de ses amis » plus encore que de ses ennemis. Les amis en question ? Europe Écologie – Les Verts, dont le candidat désigné, Éric Berger, a refusé de retirer sa candidature, ainsi que l’exigent les accords passés entre les écologistes et le Parti socialiste.
« J’ai été informé qu’EELV me retirait son soutien au motif d’un accord national. Cette décision, qui prive une fois de plus les électeurs de cette circonscription d’une candidature portant les valeurs de l’écologie et de la solidarité n’a aucun sens dans le contexte politique actuel », a ainsi déclaré le candidat. Si sa candidature n’apparaît pas sur le site officiel d’EELV, Éric Berger n’en continue pas moins d’utiliser le logo du mouvement sur son matériel de campagne.
Face à cette candidature, Erwann Binet ne cache pas son amertume : « J’aurais aimé que les écologistes respectent l’accord qu’ils ont passé avec le PS. On avait de bonnes relations sur le Nord-Isère avec eux, aujourd’hui ça a changé. Et moi, je ne fais pas confiance à un parti qui trahit les accords passés ensemble, les yeux dans les yeux. Il y aura des suites… »
Erwann Binet face à Macron : ambiguïté… ou clarté ?
Amertume toujours, le député PS regrette que le mouvement En marche ne lui ait pas apporté son soutien. Erwann Binet n’a en effet jamais caché son désir de proximité avec Emmanuel Macron. Face à lui, se présente ainsi Caroline Abadie, qui arpente le terrain à la rencontre des électeurs. Et dénonce volontiers « l’ambiguïté dont fait preuve Erwann Binet vis-à-vis d’En Marche et d’Emmanuel Macron ».
Ambiguïté ? Il est vrai qu’une affiche de campagne du candidat Binet a fait jaser, représentant le socialiste serrant la main d’Emmanuel Macron. Cette affiche, le Macron-compatible Erwann Binet l’assume totalement. « À partir du moment où la candidate En marche était désignée, il fallait que je puisse, moi, manifester mon positionnement, et celui du PS, vis-à-vis d’Emmanuel Macron. Je l’ai soutenu quand il était ministre, j’ai travaillé de manière très proche avec lui. Je ne vais pas faire semblant de changer d’avis maintenant, alors qu’ils ont pris la décision de présenter une candidate contre moi. Ce n’est pas En marche qui va décider de mes positions ou de celles du PS ! »
Et le député sortant de plaider pour une « politique de coalition », et un Parti socialiste « constructif et vigilant ». « Ce n’est pas parce qu’on n’est pas dans la République En marche que l’on est opposant à Emmanuel Macron. Ça, c’était le monde d’avant. Dans le nouveau monde, les règles changent : on peut être dans un parti différent et être dans une majorité présidentielle. »
« Les Insoumis ne sont plus de gauche » juge le député PS
Pas question non plus, pour Erwann Binet, de quitter le PS : « Je ne juge pas ceux qui ont tourné le dos au Parti socialiste, mais ce n’est mon truc. Le PS, je lui dois ce que je suis aujourd’hui. Lla section PS de Vienne est celle qui tient encore debout dans ce département, je ne veux pas tourner le dos à tout cela », nous confie-t-il encore.
Celui qui fut rapporteur de la loi sur le mariage pour tous veut assumer le bilan du président Hollande, et juge que le PS devra se « refonder », quitte à se débarrasser de ceux qui « ouvrent la bouche en prêchant pour leur propre chapelle ». Et inutile de chercher chez lui une moindre proximité avec la France insoumise : Erwann Binet n’a pas de mots assez durs contre Jean-Luc Mélenchon.
« Je pense qu’on n’a plus grand chose de commun avec les Insoumis : on devra refonder la gauche, mais les Insoumis s’éloignent de la gauche. Mélenchon, c’est Beppe Grillo [humoriste italien reconverti dans la politique et considéré par certains comme populiste, ndlr]. On n’est plus de gauche quand on s’éloigne du projet européen à ce point. On n’est plus de gauche quand on refuse l’intervention extérieure de la France au Mali. On n’est plus de gauche quand on fait de l’hypocrisie à ce point-là ! »
La candidate des Insoumis dans la huitième, Myriam Thieulent, appréciera. Habitante de Vienne et technicienne à la CPAM du Rhône, la jeune femme de 42 ans défend un programme qui, pour elle, « est le seul à allier le social et l’écologie ». « Il existe une alternative à la politique “ni de gauche, ni de gauche” d’Emmanuel Macron, ironise-t-elle dans sa vidéo de campagne. C’est le programme de l’Avenir en commun ! »
Tous les candidats de la 8e circonscription de l’Isère : Caroline Abadie (République En marche), Véronique Barrow (UPR), Éric Berger (EELV-Indépendant), Erwann Binet (PS), Michèle Durieux (indépendant), Jacqueline Godard (indépendant), Jacques Lacaille (LO), Thibaut Monnier (FN), Maryline Silvestre (LR – UDI), Myriam Thieulent (France insoumise).
10E CIRCONSCRIPTION : MATCH-RETOUR OU COMPÉTITION INÉDITE ?
La dixième circonscription de l’Isère va-t-elle assister au match-retour de 2012 ? Lors des précédentes élections législatives, l’élue PS d’opposition de Villefontaine Joëlle Huillier devenait la première femme députée du Nord-Isère, avec une avance de… 0,9 % sur son concurrent, le Républicain Vincent Chriqui. Aujourd’hui, l’une et l’autre sont de nouveau candidats.
Mais la nouvelle configuration du paysage politique pourrait bien remanier les cartes. Au premier tour de la présidentielle, Marine Le Pen était largement en tête des suffrages dans la circonscription, avec un score de 28,20 %, suivie d’Emmanuel Macron, crédité de 21,73 % des suffrages. François Fillon, pour sa part, n’avait la faveur que de 15,54 % d’électeurs, soit près de 5 points de moins que son score national.
Vincent Chriqui, dernier directeur de campagne du candidat Fillon
Le chiffre n’est pas anodin : Vincent Chriqui est un fidèle du candidat Les Républicains, devenu son directeur de campagne après la démission de Patrick Stefanini. Et ceci à un moment où beaucoup pensaient que le candidat Fillon allait jeter l’éponge, embourbé dans l’affaire dite du “Penelopegate”.
Même à Bourgoin-Jallieu, la ville dont Vincent Chriqui est maire depuis 2014, François Fillon n’obtient “que” la deuxième place avec 20,38 % des voix, loin derrière Emmanuel Macron et au coude à coude avec Jean-Luc Mélenchon. Autant dire que l’affaire ne sera pas simple pour le candidat des Républicains.
Elle le sera encore moins pour la députée sortante Joëlle Huillier. La socialiste est ainsi confrontée à un candidat PCF, Mehdi Sahraoui. Et un candidat EELV, Frédéric Espinoza Curt, ancien réserviste de la Marine nationale qui entend s’impliquer « prioritairement sur les questions diplomatiques et de défense nationale, notamment le désarmement nucléaire et les processus de paix dans le monde ».
Insoumis et En marche se font face
À gauche toujours, le PS peut compter sur la présence d’un candidat de la France insoumise face à lui. Le villard (habitant de Villefontaine) Thierry Monchatre-Jacquot, issu du Parti de gauche, n’est pas du genre à mâcher ses mots : « Si nous voulons le même parlement alors voté (sic) pour la MACRON FAMILY… Les mêmes effets se feront sentir à court terme. Mais il sera trop tard… Dès lors, ceux qui auront répondu aux sirènes du macronnisme se transformeront peut être en INSOUMIS mais il sera trop tard. L’insoumission commence aujourd’hui et le 11 juin dans les urnes, après il restera les larmes… », lance-t-il ainsi sur les réseaux sociaux.
Pour lui répondre, c’est la conseillère régionale d’opposition Marjolaine Meynier-Millefert qui représente la République en marche. La jeune femme de 34 ans est élue à la Région sur la liste Socialistes, démocrates, écologistes et apparentés. Non-encartée jusqu’ici, elle voit en la présidence d’Emmanuel Macron « le début d’une nouvelle époque démocratique : celle du retour des citoyens au cœur de notre vie politique ».
« Je vous associerai à mon action, et qui que vous soyez, d’où que vous veniez sur cette 10e circonscription, je serai votre députée et porterai vos aspirations. Je n’oublierai pas que ma voix ne porte que parce qu’elle est renforcée par toutes les vôtres », annonce la candidate aux électeurs dans sa profession de foi.
« Un député n’est pas une super assistante sociale », juge le candidat FN
Une conception du rôle de député bien différente de celle du candidat Front national Alain Breuil, également conseiller régional et conseiller municipal d’opposition de Grenoble. « Le député, selon moi, n’est pas seulement l’avocat ou la super assistante sociale de sa circonscription. Il est là pour faire les lois de la République, pour voter le budget de l’État et pour contrôler le budget du gouvernement. Il n’est pas une faction locale. »
Et si le candidat affirme bien connaître la dixième circonscription de l’Isère, de par ses déplacements et ses occupations professionnelles, il avoue sans ambages : « Si on m’avait dit : “puisque vous avez fait votre service militaire dans la Marine, vous allez partir à Lorient”, je serais parti à Lorient. Je suis chez moi partout en France ! »
Alain Breuil « désobéit » à Marine Le Pen sur l’euro
Mais la discipline a ses limites, et pour mener campagne Alain Breuil n’a pas l’intention de renoncer à ses thèmes de prédilection. Il ne partage ainsi pas le désir de Marine Le Pen de mettre la question de la sortie de l’euro en sourdine. « Marine Le Pen a demandé de mettre la pédale douce sur l’euro, et moi je vais désobéir à Marine Le Pen : l’euro, 17 ans après, c’est la catastrophe plus que jamais, je le pense en mon âme et conscience. »
« Marine Le Pen a une très grande qualité, poursuit le candidat Front national : elle est juriste de formation. Je peux penser, du haut de mes 58 ans, que je comprends l’économie parfois un peu mieux qu’elle. Parce que c’est mon métier. Parce que je sais ce que c’est qu’une entreprise qui délocalise, qui n’arrive plus à vendre à l’export parce que la monnaie est trop chère. Je le connais, je l’ai vécu. »
Pour autant, la question de quitter le FN si le parti renonçait à la sortie de l’euro ne se pose pas. « Il faudrait qu’il y ait beaucoup d’autres raisons, mais j’essayerai de faire valoir cette ligne que l’euro n’est pas bon pour nous ». Et quitter quelques-unes de ses fonctions, en cas d’élection au titre de député (cf. encadré) ? « Député, je conserverai mon mandat de conseiller municipal à Grenoble, et j’abandonnerai celui de conseiller régional », répond le Grenoblois.
Tous les candidats de la 10e circonscription de l’Isère : Alain Breuil (FN), Clément Bordes (LO), Nourredine Bouricha (Alliance écologiste indépendante), Vincent Chriqui (LR – UDI), Frédéric Espinoza (EELV), Valérie Eynard (Mouvement 100 %), Laurent Favre (Mouvement des progressistes), Vincent Gobert (indépendant), Joëlle Huillier (PS), Marjolaine Meynier-Millefert (République En marche), Thierry Monchatre-Jacquot (France insoumise), Nicolas Monin-Veyret (Debout la France), Mehdi Sahraoui (PCF), Clément Volle (UPR).
Florent Mathieu
DES DÉPUTÉS FRONT NATIONAL DANS LE NORD-ISÈRE ?
Le Front national peut-il remporter des députés dans le Nord-Isère ? Les chiffres obtenus par Marine Le Pen dans les quatre circonscriptions ont de quoi donner des ailes au parti d’extrême droite. 31,28 % des suffrages dans la 6e circonscription, 29,58 % dans la 7e, 26,41 % dans la 8e et 28,20 % dans la 10e. À chaque fois, la candidate arrive en tête devant Emmanuel Macron.
Et si le candidat En marche obtient la majorité dans chacune des divisions au second tour, c’est avec un score bien inférieur à sa moyenne nationale : entre 53,64 % et 60,06 %, contre 66,10 % sur l’ensemble de l’Hexagone. La rupture est nette avec le Sud-Isère, où Emmanuel Macron l’emporte parfois avec plus de 70, sinon 75 % des suffrages…
Le Front républicain fera-t-il barrage ?
Alain Breuil, candidat Front national dans la 10e circonscription, nous met dans la confidence : « Dans trois ou quatre circonscriptions, nous avons quelques ambitions. À moins que nos adversaires nous refassent le coup du Front républicain. Ils sont peut-être prêts à nous faire encore le coup du désistement contre les vilains affreux du Front national. Cela nous interpelle sur qui tire vraiment les ficelles dans notre pays… »
François Baroin a, en effet, annoncé la fin du “ni-ni” de rigueur jusqu’ici chez les Républicains, en faveur d’un désistement clair si une candidature de droite pouvait permettre à un candidat FN de l’emporter. Interrogé sur cette directive, un député sortant comme Alain Moyne-Bressand, candidat dans la 6e circonscription, préfère jouer la carte de l’esquive : « Je ne suis pas dans cette démarche là, je veux gagner, le reste on verra. »
Gérard Dézempte, des Républicains au Front national
La situation est d’autant plus insolite dans la 6e qu’Alain Moyne-Bressand est opposé à un ancien de sa propre famille politique. Gérard Dézempte, maire de Charvieu-Chavagneux, avait fait parler de lui en annonçant que sa commune s’engageait à accueillir des migrants à condition qu’il s’agisse de chrétiens. Ou, plus récemment, en interdisant les cours d’arabe sur sa commune. Sa candidature a reçu le soutien de Philippe de Villiers ainsi que du Front national. Et le candidat FN originellement désigné Éric de Massas a été prié de ranger ses ambitions au placard.
Alain Breuil a du mal à cacher son ironie vis-à-vis de ce “ralliement” au Front national. « Monsieur Dézempte approche des 70 ans, il voudrait vraiment être député une fois, ça lui ferait vraiment plaisir… Il y a un opportunisme notoire, et je n’aurais pas aimé être à la place d’Éric de Massas qui était le candidat investi. Mais si l’on veut que d’autres personnes viennent à nous, il faut quand même qu’on leur ouvre les bras… »
« Quand on regarde l’intérêt supérieur du mouvement, je crois qu’il est bien de tendre la main, poursuit Alain Breuil. On l’a tendue à Guaino qui n’en a pas voulu, on l’a tendue à Nicolas Dupont-Aignan qui l’a voulue un peu, et puis un peu moins… Si on ne fait pas des pas dans leur direction, on ne fera rien. J’espère que pour le coup, on a fait le bon choix… »
Un ancien de l’UDI candidat FN dans la 7e
Dans la 7e circonscription, c’est Pierre Delacroix qui représente le Front national. Élu conseiller régional Auvergne-Rhône-Alpes FN en 2015, le médecin lyonnais appartenait auparavant à l’UDI. Une « belle prise » pour l’extrême droite, largement commentée alors dans la presse locale comme nationale. Pierre Delacroix est également fondateur de l’association France Humanitaire, très active notamment dans l’aide apportée aux Chrétiens d’Orient.
Là encore, la candidate FN pressentie pour la 7e circonscription a dû céder sa place. Paulette Roure demeure cependant suppléante du lyonnais Pierre Delacroix. Un “arrangement” qui ne satisfait pas tout le monde, ainsi que l’exprime, avec un sens très personnel de l’orthographe, un électeur sur Facebook : « Je crois qu il faut balayer devant sa porte et faut le faire très très vite car si se partie politique et le même que les autre je casse ma carte du fn. »
Plus “classiques”, les 8e et 10e circonscriptions présentent, côté FN, les candidatures de Thibaut Monnier et d’Alain Breuil. Dans la 8e, c’est donc le conseiller régional et secrétaire départemental du parti en personne – adepte des ralentis mélodramatiques dans son clip de campagne – qui affrontera le député sortant Erwann Binet sur ses terres. Dans la 10e, Alain Breuil est une figure bien connue du FN isérois, conseiller municipal de Grenoble et conseiller régional Auvergne-Rhône-Alpes.