Gauche divisée par les Insoumis et En marche, Droite affaibilie par un Front National qui espère des députés: tour d'horizon des Législatives en Nord-Isère.

Insoumis, En marche et FN jouent les tru­blions : quels dépu­tés pour le Nord-Isère ?

Insoumis, En marche et FN jouent les tru­blions : quels dépu­tés pour le Nord-Isère ?

DÉCRYPTAGE – Des légis­la­tives sans pré­cé­dent… Entre le mou­ve­ment des Insoumis et celui de la République En marche, les cartes semblent rebat­tues au sein du pay­sage poli­tique. Et les par­tis tra­di­tion­nels cherchent leur espace de res­pi­ra­tion. Dans le Nord-Isère, la forte pré­sence du Front natio­nal aug­mente ce sen­ti­ment. Vue d’en­semble de ses quatre circonscriptions.

6E CIRCONSCRIPTION : GAUCHE DÉSUNIE, DROITE DÉCHIRÉE

Ils sont onze can­di­dats à bri­guer un CDD de cinq ans à l’Assemblée natio­nale dans la sixième cir­cons­crip­tion de l’Isère. Un CDD qui prend des allures de CDI pour l’un d’entre eux : can­di­dat Les Républicains – UDI, le député-maire de Alain Moyne-Bressand est en effet réélu à l’Assemblée natio­nale sans dis­con­ti­nuer depuis… 1986.

Face à lui, une gauche pour le moins dés­unie : le Parti socia­liste lui oppose le maire de Sermérieu, Alexandre Bolleau, éga­le­ment vice-pré­sident de la Communauté de com­munes du Pays des cou­leurs. Lutte ouvrière est repré­senté par Denise Gomez et le PCF, pour sa part, pré­sente Frédérique Penavaire, secré­taire de la sec­tion du Parti et élue d’op­po­si­tion de Bourgoin-Jallieu. Europe Écologie – les Verts a éga­le­ment sa can­di­date : Cécile Viallon, ancienne conseillère régio­nale, pas­sion­née d’ha­bi­tat par­ti­ci­pa­tif et por­tant, sans sur­prise, la ques­tion du loge­ment comme thème fort de campagne.

De Nouvelle Donne à la France insoumise

À gauche tou­jours, la France insou­mise pro­pose la can­di­da­ture de Michael Aydin. La (légère) proxi­mité phy­sique entre le can­di­dat et Jean-Luc Mélenchon ne manque pas d’a­mu­ser sur la Toile, et les deux hommes par­tagent un passé com­mun au sein du PS. Michael Aydin a, pour sa part, quitté le Parti socia­liste parce qu’il ne s’y « retrou­vait plus », pour rejoindre Nouvelle Donne.

« Beaucoup de gens pré­tendent que Jean-Luc Mélenchon est un tyran, que Jean-Luc Mélenchon n’ad­met pas qu’on puisse avoir une pen­sée dif­fé­rente de la sienne. C’est com­plè­te­ment faux : je fais par­tie de Nouvelle Donne et j’ai pu rejoindre la France insou­mise », affirme-t-il ainsi au sein de sa vidéo de campagne.

Michael Aydin et sa suppléante Sylviane Nouet © Insoumis du Nord Isère 6ème Circonscription

Michael Aydin et sa sup­pléante Sylviane Nouet. © Insoumis du Nord Isère, 6e circonscription

Portant les valeurs d’une « démo­cra­tie réelle » et d’un « pro­tec­tion­nisme soli­daire », ce pas­sionné d’é­checs conclut son pro­pos par un argu­men­taire tout en finesse : « Il faut voter pour nous, pour vous per­mettre d’é­co­no­mi­ser des jour­nées de grève, des jour­nées de mani­fes­ta­tions. Pour évi­ter ce temps perdu, votez d’emblée pour la France insou­mise ! »

Une can­di­date de la société civile en marche

Face à ces cinq can­di­da­tures de gauche, le député-maire sor­tant n’est pas au bout de sa peine. S’y ajoutent encore la can­di­da­ture très mena­çante de Gérard Dézempte, sou­te­nue par le Front natio­nal (voir enca­dré) et celle de Cendra Motin, pour le mou­ve­ment La République en marche. Chef d’en­tre­prise spé­cia­li­sée dans les res­sources humaines, la jeune femme est un “pur pro­duit” de la société civile, chère au nou­veau pré­sident de la République.

Une can­di­date qui écrit vou­loir « récon­ci­lier les Français avec la poli­tique et avec leurs élus ». Dans sa lettre de moti­va­tion adres­sée au mou­ve­ment En marche pour obte­nir son inves­ti­ture, elle affir­mait ainsi : « J’ai envie de mon­trer à mes conci­toyens que ce sont eux qui ont le pou­voir de faire chan­ger les choses, par leur action et leur enga­ge­ment, quel qu’il soit, asso­cia­tif ou même poli­tique, que les dépu­tés sont leurs repré­sen­tants, et pas une puis­sance supé­rieure qui décide pour eux. »

Alain Moyne-Bressand prêt à « se remettre en cause »

Alain Moyne-Bressand - DR

Alain Moyne-Bressand – DR

Alain Moyne-Bressand observe ces “jeunes” can­di­da­tures avec un cer­tain flegme. « On veut mettre en évi­dence le rajeu­nis­se­ment, le renou­veau… Mais on peut être jeune et avoir des idées dépas­sées, et être élu en vou­lant tou­jours se remettre en cause. Ce n’est pas parce qu’on est élu qu’il faut faire pareil : il faut avoir des idées nou­velles, savoir écou­ter, s’a­dap­ter aux évo­lu­tions de la société. Mais ce n’est pas pour cela qu’on doit mettre des gens qui n’ont aucune expé­rience… »

Le député-maire sor­tant ne cache d’ailleurs pas son iro­nie vis-à-vis du mou­ve­ment En marche. « Ils ont fait un tirage au sort, un Koh-Lanta en quelque sorte ! », s’a­muse-t-il. Mais, député depuis trente ans ou non, le can­di­dat Les Républicains se défend de tout excès de confiance. « Je ne pars jamais en vain­queur d’of­fice. Je pars en fai­sant une cam­pagne, en expli­quant le pro­jet, en écou­tant les conci­toyens et en leur disant que je les ai écou­tés, que je les ai com­pris. »

« On me pose des ques­tions en matière de jus­tice, en matière de sécu­rité… Le gou­ver­ne­ment Hollande est loin d’a­voir fait ce qu’il devait faire, et il faut que l’on soit pré­sent. On ne peut pas se dire : “Je suis élu à Paris, tout se passe bien.” Il faut être à Paris, mais sur le ter­rain aussi », insiste Alain Moyne-Bressand. Qui pré­cise, puisque la loi l’y oblige, qu’il démis­sion­nera à regret de son poste de maire de Crémieu en cas de réélec­tion à l’Assemblée nationale.

Tous les can­di­dats de la 6e cir­cons­crip­tion de l’Isère : Michael Aydin (France insou­mise), Alexandre Bolleau (PS), Gérard Dézempte (sou­tenu par le FN), Denise Gomez (LO), Bruno Liénard (indé­pen­dant), Cendra Motin (République En marche), Alain Moyne-Bressand (LR – UDI), Frédérique Penavaire (PCF), Isabelle Sadeski (Mouvement 100 %), Cécile Viallon (EELV), Jean-Baptiste Weber (UPR).

7E CIRCONSCRIPTION : LE PARTI SOCIALISTE AUX ABONNÉS ABSENTS

Un cas à part, la sep­tième cir­cons­crip­tion de l’Isère ? Elle est la seule du dépar­te­ment, avec la neu­vième, à pro­po­ser moins de dix can­di­dats aux élec­teurs. Et aussi la seule cir­cons­crip­tion du Nord-Isère où le député sor­tant ne se pré­sente pas. Président du Conseil dépar­te­men­tal de l’Isère, Jean-Pierre Barbier a en effet fait « le choix du Département » et laisse le champ libre à un autre can­di­dat Les Républicains.

Yannick Neuder, le can­di­dat en ques­tion, est lui-même vice-pré­sident du Conseil régio­nal Auvergne-Rhône-Alpes, pré­sident de la com­mu­nauté de com­munes Bièvre Isère com­mu­nauté, et maire de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs. Sans sur­prise, sa can­di­da­ture est par­ti­cu­liè­re­ment sou­te­nue par Jean-Pierre Barbier comme par Laurent Wauquiez, pré­sident de la Région.

Un com­bat serré en perspective ?

Le soutien de Laurent Wauquiez à Yannick Neuder. DR

Le sou­tien de Laurent Wauquiez à Yannick Neuder. DR

Et le can­di­dat d’af­fi­cher ses cou­leurs sur les réseaux sociaux : « Je me bat­trai CONTRE la hausse de la CSG pré­co­ni­sée par Macron ; je me bat­trai POUR une réécri­ture de la direc­tive euro­péenne des tra­vailleurs déta­chés ; je me bat­trai POUR un enca­dre­ment de l’immigration et la mise en place de quo­tas adap­tés à nos capa­ci­tés d’accueil et aux besoins de notre éco­no­mie (…) Je me bat­trai pour pro­té­ger la famille, pilier de notre société, pour­tant mise à mal par la gauche depuis 2012. Je me bat­trai pour res­tau­rer l’autorité de l’État par­tout en France. Vous l’avez com­pris, le com­bat ne fait que com­men­cer. »

Le « com­bat » risque d’être serré. En 2012, c’est avec une très courte avance que Jean-Pierre Barbier avait obtenu son siège à l’Assemblée natio­nale, face au socia­liste Didier Rambaud.

Mais la confi­gu­ra­tion de 2017 est bien dif­fé­rente : pas de can­di­dat PS face à Yannick Neuder, et un can­di­dat Front natio­nal qui peut s’ap­puyer sur les presque 30 % de suf­frages obte­nus par Marine Le Pen au pre­mier tour de l’é­lec­tion pré­si­den­tielle (voir encadré).

Le Parti socia­liste pris de court

Le Parti socia­liste a, en effet, renoncé à pré­sen­ter un can­di­dat dans la 7e cir­cons­crip­tion. « Devant l’ampleur de la divi­sion de la gauche et le risque élevé du Front natio­nal dans cette cir­cons­crip­tion, le Parti socia­liste Isère a décidé de ne pré­sen­ter aucun can­di­dat », écrit le PS. Qui pour­tant pré­sente des can­di­dats dans toutes les autres cir­cons­crip­tions du Nord-Isère, où la divi­sion et le “risque FN” sont tout aussi présents…

Les socia­listes semblent sur­tout avoir été pris de court par le ral­lie­ment de Monique Limon, leur can­di­date dési­gnée, au mou­ve­ment En marche. Sa rivale pour l’in­ves­ti­ture du PS, l’a­vo­cate Zerrin Bataray, se pré­sente pour sa part sous les cou­leurs du… Parti com­mu­niste. De quoi y perdre son latin comme son Jaurès.

Contrairement à d’autres can­di­dats En marche, Monique Limon n’est pas une novice en poli­tique. Jeune retrai­tée de 64 ans, elle a notam­ment tra­vaillé auprès du Conseil géné­ral de l’Isère et est aujourd’­hui maire du vil­lage de Bressieux. Elle reven­dique clai­re­ment sa liberté. « Je n’ai jamais été encar­tée nulle part ! », tient-elle à rap­pe­ler, prô­nant le « dépas­se­ment des par­tis ».

« Besoin de renou­veau et sta­bi­lité », plaide Monique Limon

L’absence de can­di­dat PS face à elle ? « Cela tra­duit peut-être le besoin d’un renou­veau en poli­tique, et d’ar­rê­ter de cloi­son­ner et de mettre les gens dans des cases, pour essayer de tra­vailler ensemble en ras­sem­blant les intel­li­gences. C’est ce que j’ai retrouvé dans la République en marche : quelque chose qui me convient pour avan­cer et contre­car­rer les extré­mismes », nous confie-t-elle.

Monique Limon. DR

Monique Limon. DR

Pour convaincre les élec­teurs qu’elle ren­contre, Monique Limon argu­mente sur la sta­bi­lité. « On ne va pas encore pas­ser cinq ans à essayer de faire pas­ser en force des idées, à faire le yo-yo ou la gué­guerre. C’est insup­por­table et je pense que les gens sont très conscients que l’on est à un point his­to­rique à ne pas lais­ser pas­ser, que nous devons être res­pon­sables et nous enga­ger. Il faut don­ner les moyens au pré­sident d’ap­pli­quer son pro­gramme. »

Un pro­gramme, dit-elle, issu de comi­tés locaux de la France entière, au sein des­quels « des Françaises et des Français qu’on disait dégoû­tés par la poli­tique ont répondu pré­sents ». « Je trouve ça très beau. J’ai tou­jours tra­vaillé dans ma car­rière pro­fes­sion­nelle en prô­nant le faire avec. Les mieux pla­cés, ce sont ceux qui ont les mains dans le cam­bouis ! »

La guerre des gauches a bien lieu

Pas sûr que le dis­cours convienne aux autres can­di­dats de gauche. Zerrin Bataray mène une cam­pagne féroce contre Emmanuel Macron… tout en se fai­sant accu­ser de récu­pé­ra­tion par la can­di­date de la France insou­mise, Valérie Bono. Motif ? La can­di­date et son sup­pléant se reven­diquent (abu­si­ve­ment selon les Insoumis) du Front de gauche. Et les « Fi » de moquer un Parti com­mu­niste « prêt à s’al­lier avec n’im­porte quelle éti­quette, “pourvu que cela puisse embê­ter Mélenchon” ».

« Voilà loca­le­ment un triste sou­bre­saut du vieux monde. Voilà ce dont les élec­teurs ne veulent défi­ni­ti­ve­ment plus », jugent encore les Insoumis de la sep­tième. Leur can­di­date, adepte de l’a­na­phore, affirme faire par­tie « de ceux qui se lèvent tôt le matin pour aller tra­vailler […], de ceux qui affrontent le volon­ta­riat du dimanche […], de ceux dont les condi­tions de tra­vail ne se sont pas amé­lio­rées depuis long­temps […], de ceux qui connaissent les dif­fi­cul­tés de l’ac­cès aux soins sur [leur] ter­ri­toire ».

Tous les can­di­dats de la 7e cir­cons­crip­tion de l’Isère : Zerrin Bataray (PCF), Valérie Bono (France insou­mise), Pierre Delacroix (FN), Camélia Ghembaza (UPR), Monique Limon (République En marche), Yannick Neuder (LR – UDI), Nadine Nicolas (Debout la France), Bruno Perrodin (LO), Nadine Reux (EELV).

8E CIRCONSCRIPTION : DEUX CANDIDATS POUR MACRON ?

L’union de la gauche n’est déci­dé­ment pas d’ac­tua­lité sur le Nord Isère, et la hui­tième cir­cons­crip­tion du dépar­te­ment ne fait pas excep­tion. Sur ces terres de droite, c’est un député sor­tant socia­liste qui se repré­sente face aux élec­teurs pour un second man­dat. Erwann Binet a en effet été élu, d’une courte tête, en 2012.

Le maire de Vienne est suppléant de son adjointe. DR

Le maire de Vienne est sup­pléant de son adjointe. DR

Face à lui, le secré­taire dépar­te­men­tal du Front natio­nal, Thibaut Monnier (cf. enca­dré). Et une can­di­date Les Républicains – UDI de 42 ans, Maryline Silvestre. Adjointe de Vienne char­gée du Développement durable et de l’Environnement, elle est éga­le­ment conseillère com­mu­nau­taire auprès de la Communauté d’ag­glo­mé­ra­tion du Pays vien­nois. Son sup­pléant ? Thierry Kovacs, maire de Vienne et pré­sident des Républicains de l’Isère. Inutile de dire que la bataille poli­tique est âpre.

Le dis­cours l’est tout autant. Sur son site, Maryline Silvestre pose les bases d’une droite “décom­plexée”, vou­lant « réta­blir l’autorité de l’État, bais­ser les impôts, libé­rer le tra­vail, créer des emplois, mettre fin à l’assistanat et aux droits sans devoirs, redres­ser notre sys­tème de santé, refon­der l’école de la République, récom­pen­ser le mérite, défendre la famille et redon­ner toute sa place à notre agri­cul­ture ».

Une indé­si­rable can­di­da­ture écologiste

Mais le député sor­tant pour­rait para­phra­ser Voltaire en priant Dieu de le « gar­der de ses amis » plus encore que de ses enne­mis. Les amis en ques­tion ? Europe Écologie – Les Verts, dont le can­di­dat dési­gné, Éric Berger, a refusé de reti­rer sa can­di­da­ture, ainsi que l’exigent les accords pas­sés entre les éco­lo­gistes et le Parti socialiste.

« J’ai été informé qu’EELV me reti­rait son sou­tien au motif d’un accord natio­nal. Cette déci­sion, qui prive une fois de plus les élec­teurs de cette cir­cons­crip­tion d’une can­di­da­ture por­tant les valeurs de l’écologie et de la soli­da­rité n’a aucun sens dans le contexte poli­tique actuel », a ainsi déclaré le can­di­dat. Si sa can­di­da­ture n’ap­pa­raît pas sur le site offi­ciel d’EELV, Éric Berger n’en conti­nue pas moins d’u­ti­li­ser le logo du mou­ve­ment sur son maté­riel de campagne.

Face à cette can­di­da­ture, Erwann Binet ne cache pas son amer­tume : « J’aurais aimé que les éco­lo­gistes res­pectent l’ac­cord qu’ils ont passé avec le PS. On avait de bonnes rela­tions sur le Nord-Isère avec eux, aujourd’­hui ça a changé. Et moi, je ne fais pas confiance à un parti qui tra­hit les accords pas­sés ensemble, les yeux dans les yeux. Il y aura des suites… »

Erwann Binet face à Macron : ambi­guïté… ou clarté ?

Amertume tou­jours, le député PS regrette que le mou­ve­ment En marche ne lui ait pas apporté son sou­tien. Erwann Binet n’a en effet jamais caché son désir de proxi­mité avec Emmanuel Macron. Face à lui, se pré­sente ainsi Caroline Abadie, qui arpente le ter­rain à la ren­contre des élec­teurs. Et dénonce volon­tiers « l’ambiguïté dont fait preuve Erwann Binet vis-à-vis d’En Marche et d’Emmanuel Macron ».

Débat public : Caroline Abadie et Erwann Binet, deux concurrents pro-Macron ? DR

Débat public : Caroline Abadie et Erwann Binet, deux concur­rents pro-Macron ? DR

Ambiguïté ? Il est vrai qu’une affiche de cam­pagne du can­di­dat Binet a fait jaser, repré­sen­tant le socia­liste ser­rant la main d’Emmanuel Macron. Cette affiche, le Macron-com­pa­tible Erwann Binet l’as­sume tota­le­ment. « À par­tir du moment où la can­di­date En marche était dési­gnée, il fal­lait que je puisse, moi, mani­fes­ter mon posi­tion­ne­ment, et celui du PS, vis-à-vis d’Emmanuel Macron. Je l’ai sou­tenu quand il était ministre, j’ai tra­vaillé de manière très proche avec lui. Je ne vais pas faire sem­blant de chan­ger d’a­vis main­te­nant, alors qu’ils ont pris la déci­sion de pré­sen­ter une can­di­date contre moi. Ce n’est pas En marche qui va déci­der de mes posi­tions ou de celles du PS ! »

Et le député sor­tant de plai­der pour une « poli­tique de coa­li­tion », et un Parti socia­liste « construc­tif et vigi­lant ». « Ce n’est pas parce qu’on n’est pas dans la République En marche que l’on est oppo­sant à Emmanuel Macron. Ça, c’é­tait le monde d’a­vant. Dans le nou­veau monde, les règles changent : on peut être dans un parti dif­fé­rent et être dans une majo­rité pré­si­den­tielle. »

« Les Insoumis ne sont plus de gauche » juge le député PS

Pas ques­tion non plus, pour Erwann Binet, de quit­ter le PS : « Je ne juge pas ceux qui ont tourné le dos au Parti socia­liste, mais ce n’est mon truc. Le PS, je lui dois ce que je suis aujourd’­hui. Lla sec­tion PS de Vienne est celle qui tient encore debout dans ce dépar­te­ment, je ne veux pas tour­ner le dos à tout cela », nous confie-t-il encore.

Celui qui fut rap­por­teur de la loi sur le mariage pour tous veut assu­mer le bilan du pré­sident Hollande, et juge que le PS devra se « refon­der », quitte à se débar­ras­ser de ceux qui « ouvrent la bouche en prê­chant pour leur propre cha­pelle ». Et inutile de cher­cher chez lui une moindre proxi­mité avec la France insou­mise : Erwann Binet n’a pas de mots assez durs contre Jean-Luc Mélenchon.

Myriam Thieulent. DR

Myriam Thieulent. DR

« Je pense qu’on n’a plus grand chose de com­mun avec les Insoumis : on devra refon­der la gauche, mais les Insoumis s’é­loignent de la gauche. Mélenchon, c’est Beppe Grillo [humo­riste ita­lien recon­verti dans la poli­tique et consi­déré par cer­tains comme popu­liste, ndlr]. On n’est plus de gauche quand on s’é­loigne du pro­jet euro­péen à ce point. On n’est plus de gauche quand on refuse l’in­ter­ven­tion exté­rieure de la France au Mali. On n’est plus de gauche quand on fait de l’hy­po­cri­sie à ce point-là ! »

La can­di­date des Insoumis dans la hui­tième, Myriam Thieulent, appré­ciera. Habitante de Vienne et tech­ni­cienne à la CPAM du Rhône, la jeune femme de 42 ans défend un pro­gramme qui, pour elle, « est le seul à allier le social et l’é­co­lo­gie ». « Il existe une alter­na­tive à la poli­tique “ni de gauche, ni de gauche” d’Emmanuel Macron, iro­nise-t-elle dans sa vidéo de cam­pagne. C’est le pro­gramme de l’Avenir en com­mun ! »

Tous les can­di­dats de la 8e cir­cons­crip­tion de l’Isère : Caroline Abadie (République En marche), Véronique Barrow (UPR), Éric Berger (EELV-Indépendant), Erwann Binet (PS), Michèle Durieux (indé­pen­dant), Jacqueline Godard (indé­pen­dant), Jacques Lacaille (LO), Thibaut Monnier (FN), Maryline Silvestre (LR – UDI), Myriam Thieulent (France insoumise).

10E CIRCONSCRIPTION : MATCH-RETOUR OU COMPÉTITION INÉDITE ? 

La dixième cir­cons­crip­tion de l’Isère va-t-elle assis­ter au match-retour de 2012 ? Lors des pré­cé­dentes élec­tions légis­la­tives, l’é­lue PS d’op­po­si­tion de Villefontaine Joëlle Huillier deve­nait la pre­mière femme dépu­tée du Nord-Isère, avec une avance de… 0,9 % sur son concur­rent, le Républicain Vincent Chriqui. Aujourd’hui, l’une et l’autre sont de nou­veau candidats.

Mais la nou­velle confi­gu­ra­tion du pay­sage poli­tique pour­rait bien rema­nier les cartes. Au pre­mier tour de la pré­si­den­tielle, Marine Le Pen était lar­ge­ment en tête des suf­frages dans la cir­cons­crip­tion, avec un score de 28,20 %, sui­vie d’Emmanuel Macron, cré­dité de 21,73 % des suf­frages. François Fillon, pour sa part, n’a­vait la faveur que de 15,54 % d’é­lec­teurs, soit près de 5 points de moins que son score national.

Vincent Chriqui, der­nier direc­teur de cam­pagne du can­di­dat Fillon

Vincent Chriqui. DR

Vincent Chriqui. DR

Le chiffre n’est pas ano­din : Vincent Chriqui est un fidèle du can­di­dat Les Républicains, devenu son direc­teur de cam­pagne après la démis­sion de Patrick Stefanini. Et ceci à un moment où beau­coup pen­saient que le can­di­dat Fillon allait jeter l’é­ponge, embourbé dans l’af­faire dite du “Penelopegate”.

Même à Bourgoin-Jallieu, la ville dont Vincent Chriqui est maire depuis 2014, François Fillon n’ob­tient “que” la deuxième place avec 20,38 % des voix, loin der­rière Emmanuel Macron et au coude à coude avec Jean-Luc Mélenchon. Autant dire que l’af­faire ne sera pas simple pour le can­di­dat des Républicains.

Elle le sera encore moins pour la dépu­tée sor­tante Joëlle Huillier. La socia­liste est ainsi confron­tée à un can­di­dat PCF, Mehdi Sahraoui. Et un can­di­dat EELV, Frédéric Espinoza Curt, ancien réser­viste de la Marine natio­nale qui entend s’im­pli­quer « prio­ri­tai­re­ment sur les ques­tions diplo­ma­tiques et de défense natio­nale, notam­ment le désar­me­ment nucléaire et les pro­ces­sus de paix dans le monde ».

Insoumis et En marche se font face

À gauche tou­jours, le PS peut comp­ter sur la pré­sence d’un can­di­dat de la France insou­mise face à lui. Le vil­lard (habi­tant de Villefontaine) Thierry Monchatre-Jacquot, issu du Parti de gauche, n’est pas du genre à mâcher ses mots : « Si nous vou­lons le même par­le­ment alors voté (sic) pour la MACRON FAMILY… Les mêmes effets se feront sen­tir à court terme. Mais il sera trop tard… Dès lors, ceux qui auront répondu aux sirènes du macron­nisme se trans­for­me­ront peut être en INSOUMIS mais il sera trop tard. L’insoumission com­mence aujourd’­hui et le 11 juin dans les urnes, après il res­tera les larmes… », lance-t-il ainsi sur les réseaux sociaux.

Pour lui répondre, c’est la conseillère régio­nale d’op­po­si­tion Marjolaine Meynier-Millefert qui repré­sente la République en marche. La jeune femme de 34 ans est élue à la Région sur la liste Socialistes, démo­crates, éco­lo­gistes et appa­ren­tés. Non-encar­tée jus­qu’ici, elle voit en la pré­si­dence d’Emmanuel Macron « le début d’une nou­velle époque démo­cra­tique : celle du retour des citoyens au cœur de notre vie poli­tique ».

Marjolaine Meynier-Millefert (à droite) et Caroline Abadie (candidate En marche dans la 8ème) reçoivent le soutien de François Bayrou le 5 mai. DR

Marjolaine Meynier-Millefert (à droite) et Caroline Abadie (can­di­date En marche dans la 8e) ont reçu le sou­tien de François Bayrou le 5 mai. DR

« Je vous asso­cie­rai à mon action, et qui que vous soyez, d’où que vous veniez sur cette 10cir­cons­crip­tion, je serai votre dépu­tée et por­te­rai vos aspi­ra­tions. Je n’oublierai pas que ma voix ne porte que parce qu’elle est ren­for­cée par toutes les vôtres », annonce la can­di­date aux élec­teurs dans sa pro­fes­sion de foi.

« Un député n’est pas une super assis­tante sociale », juge le can­di­dat FN

Une concep­tion du rôle de député bien dif­fé­rente de celle du can­di­dat Front natio­nal Alain Breuil, éga­le­ment conseiller régio­nal et conseiller muni­ci­pal d’op­po­si­tion de Grenoble. « Le député, selon moi, n’est pas seule­ment l’a­vo­cat ou la super assis­tante sociale de sa cir­cons­crip­tion. Il est là pour faire les lois de la République, pour voter le bud­get de l’État et pour contrô­ler le bud­get du gou­ver­ne­ment. Il n’est pas une fac­tion locale. »

Et si le can­di­dat affirme bien connaître la dixième cir­cons­crip­tion de l’Isère, de par ses dépla­ce­ments et ses occu­pa­tions pro­fes­sion­nelles, il avoue sans ambages : « Si on m’a­vait dit : “puisque vous avez fait votre ser­vice mili­taire dans la Marine, vous allez par­tir à Lorient”, je serais parti à Lorient. Je suis chez moi par­tout en France ! »

Alain Breuil « déso­béit » à Marine Le Pen sur l’euro

Mais la dis­ci­pline a ses limites, et pour mener cam­pagne Alain Breuil n’a pas l’in­ten­tion de renon­cer à ses thèmes de pré­di­lec­tion. Il ne par­tage ainsi pas le désir de Marine Le Pen de mettre la ques­tion de la sor­tie de l’euro en sour­dine. « Marine Le Pen a demandé de mettre la pédale douce sur l’euro, et moi je vais déso­béir à Marine Le Pen : l’euro, 17 ans après, c’est la catas­trophe plus que jamais, je le pense en mon âme et conscience. »

Alain Breuil au Conseil municipal de Grenoble © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'net

Alain Breuil au conseil muni­ci­pal de Grenoble. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net

« Marine Le Pen a une très grande qua­lité, pour­suit le can­di­dat Front natio­nal : elle est juriste de for­ma­tion. Je peux pen­ser, du haut de mes 58 ans, que je com­prends l’é­co­no­mie par­fois un peu mieux qu’elle. Parce que c’est mon métier. Parce que je sais ce que c’est qu’une entre­prise qui délo­ca­lise, qui n’ar­rive plus à vendre à l’ex­port parce que la mon­naie est trop chère. Je le connais, je l’ai vécu. »

Pour autant, la ques­tion de quit­ter le FN si le parti renon­çait à la sor­tie de l’euro ne se pose pas. « Il fau­drait qu’il y ait beau­coup d’autres rai­sons, mais j’es­saye­rai de faire valoir cette ligne que l’euro n’est pas bon pour nous ». Et quit­ter quelques-unes de ses fonc­tions, en cas d’é­lec­tion au titre de député (cf. enca­dré) ? « Député, je conser­ve­rai mon man­dat de conseiller muni­ci­pal à Grenoble, et j’a­ban­don­ne­rai celui de conseiller régio­nal », répond le Grenoblois.

Tous les can­di­dats de la 10e cir­cons­crip­tion de l’Isère : Alain Breuil (FN), Clément Bordes (LO), Nourredine Bouricha (Alliance éco­lo­giste indé­pen­dante), Vincent Chriqui (LR – UDI), Frédéric Espinoza (EELV), Valérie Eynard (Mouvement 100 %), Laurent Favre (Mouvement des pro­gres­sistes), Vincent Gobert (indé­pen­dant), Joëlle Huillier (PS), Marjolaine Meynier-Millefert (République En marche), Thierry Monchatre-Jacquot (France insou­mise), Nicolas Monin-Veyret (Debout la France), Mehdi Sahraoui (PCF), Clément Volle (UPR).

Florent Mathieu

DES DÉPUTÉS FRONT NATIONAL DANS LE NORD-ISÈRE ?

Le Front natio­nal peut-il rem­por­ter des dépu­tés dans le Nord-Isère ? Les chiffres obte­nus par Marine Le Pen dans les quatre cir­cons­crip­tions ont de quoi don­ner des ailes au parti d’ex­trême droite. 31,28 % des suf­frages dans la 6e cir­cons­crip­tion, 29,58 % dans la 7e, 26,41 % dans la 8e et 28,20 % dans la 10e. À chaque fois, la can­di­date arrive en tête devant Emmanuel Macron.

Et si le can­di­dat En marche obtient la majo­rité dans cha­cune des divi­sions au second tour, c’est avec un score bien infé­rieur à sa moyenne natio­nale : entre 53,64 % et 60,06 %, contre 66,10 % sur l’en­semble de l’Hexagone. La rup­ture est nette avec le Sud-Isère, où Emmanuel Macron l’emporte par­fois avec plus de 70, sinon 75 % des suffrages…

Le Front répu­bli­cain fera-t-il barrage ?

Alain Breuil. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'net

Alain Breuil. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net

Alain Breuil, can­di­dat Front natio­nal dans la 10e cir­cons­crip­tion, nous met dans la confi­dence : « Dans trois ou quatre cir­cons­crip­tions, nous avons quelques ambi­tions. À moins que nos adver­saires nous refassent le coup du Front répu­bli­cain. Ils sont peut-être prêts à nous faire encore le coup du désis­te­ment contre les vilains affreux du Front natio­nal. Cela nous inter­pelle sur qui tire vrai­ment les ficelles dans notre pays… »

François Baroin a, en effet, annoncé la fin du “ni-ni” de rigueur jus­qu’ici chez les Républicains, en faveur d’un désis­te­ment clair si une can­di­da­ture de droite pou­vait per­mettre à un can­di­dat FN de l’emporter. Interrogé sur cette direc­tive, un député sor­tant comme Alain Moyne-Bressand, can­di­dat dans la 6e cir­cons­crip­tion, pré­fère jouer la carte de l’es­quive : « Je ne suis pas dans cette démarche là, je veux gagner, le reste on verra. »

Gérard Dézempte, des Républicains au Front national

La situa­tion est d’au­tant plus inso­lite dans la 6e qu’Alain Moyne-Bressand est opposé à un ancien de sa propre famille poli­tique. Gérard Dézempte, maire de Charvieu-Chavagneux, avait fait par­ler de lui en annon­çant que sa com­mune s’en­ga­geait à accueillir des migrants à condi­tion qu’il s’a­gisse de chré­tiens. Ou, plus récem­ment, en inter­di­sant les cours d’a­rabe sur sa com­mune. Sa can­di­da­ture a reçu le sou­tien de Philippe de Villiers ainsi que du Front natio­nal. Et le can­di­dat FN ori­gi­nel­le­ment dési­gné Éric de Massas a été prié de ran­ger ses ambi­tions au placard.

Gérard Dézempte © Nathalie Germain - Front National Isère

Gérard Dézempte. © Nathalie Germain – Front natio­nal Isère

Alain Breuil a du mal à cacher son iro­nie vis-à-vis de ce “ral­lie­ment” au Front natio­nal. « Monsieur Dézempte approche des 70 ans, il vou­drait vrai­ment être député une fois, ça lui ferait vrai­ment plai­sir… Il y a un oppor­tu­nisme notoire, et je n’au­rais pas aimé être à la place d’Éric de Massas qui était le can­di­dat investi. Mais si l’on veut que d’autres per­sonnes viennent à nous, il faut quand même qu’on leur ouvre les bras… »

« Quand on regarde l’in­té­rêt supé­rieur du mou­ve­ment, je crois qu’il est bien de tendre la main, pour­suit Alain Breuil. On l’a ten­due à Guaino qui n’en a pas voulu, on l’a ten­due à Nicolas Dupont-Aignan qui l’a vou­lue un peu, et puis un peu moins… Si on ne fait pas des pas dans leur direc­tion, on ne fera rien. J’espère que pour le coup, on a fait le bon choix… »

Un ancien de l’UDI can­di­dat FN dans la 7e

Dans la 7e cir­cons­crip­tion, c’est Pierre Delacroix qui repré­sente le Front natio­nal. Élu conseiller régio­nal Auvergne-Rhône-Alpes FN en 2015, le méde­cin lyon­nais appar­te­nait aupa­ra­vant à l’UDI. Une « belle prise » pour l’ex­trême droite, lar­ge­ment com­men­tée alors dans la presse locale comme natio­nale. Pierre Delacroix est éga­le­ment fon­da­teur de l’as­so­cia­tion France Humanitaire, très active notam­ment dans l’aide appor­tée aux Chrétiens d’Orient.

Là encore, la can­di­date FN pres­sen­tie pour la 7e cir­cons­crip­tion a dû céder sa place. Paulette Roure demeure cepen­dant sup­pléante du lyon­nais Pierre Delacroix. Un “arran­ge­ment” qui ne satis­fait pas tout le monde, ainsi que l’ex­prime, avec un sens très per­son­nel de l’or­tho­graphe, un élec­teur sur Facebook : « Je crois qu il faut balayer devant sa porte et faut le faire très très vite car si se par­tie poli­tique et le même que les autre je casse ma carte du fn. »

Plus “clas­siques”, les 8e et 10e cir­cons­crip­tions pré­sentent, côté FN, les can­di­da­tures de Thibaut Monnier et d’Alain Breuil. Dans la 8e, c’est donc le conseiller régio­nal et secré­taire dépar­te­men­tal du parti en per­sonne – adepte des ralen­tis mélo­dra­ma­tiques dans son clip de cam­pagne – qui affron­tera le député sor­tant Erwann Binet sur ses terres. Dans la 10e, Alain Breuil est une figure bien connue du FN isé­rois, conseiller muni­ci­pal de Grenoble et conseiller régio­nal Auvergne-Rhône-Alpes.

Florent Mathieu

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