REPORTAGE VIDÉO – Le rideau est tombé sur la 16e édition de Festiv’Arts, le festival des arts de rue organisé par l’association étudiante éponyme qui s’est déroulé sur les places de Grenoble du 13 au 16 avril. Retour sur ce rendez-vous qui, depuis seize ans, tente courageusement, avec obstination et les moyens du bord, de valoriser les arts de rue et de créer du “vivre-ensemble”… ne serait-ce que quelques jours.
Serait-ce enfin l’exception qui confirme la règle ? Toujours est-il que c’est sous des auspices météorologiques favorables que s’est déroulée cette 16e édition de Festiv’Arts, le festival étudiant des arts de rue de Grenoble.
De quoi faire mentir Xavier Guicherd-Delannaz, le président de l’association éponyme organisatrice du festival qui, lors de l’édition précédente, nous confiait, peut-être un peu pour conjurer le sort, que « Festiv’arts sans la pluie, ce ne serait plus vraiment un Festiv’arts ! »
Cette édition 2017 ne s’est pas départie de sa spontanéité et de son joyeux désordre caractéristiques. Une marque de fabrique que cette “famille” d’étudiants bénévoles a su mettre au service du vivre-ensemble, au ras du trottoir mais jamais des pâquerettes.
Les pavés ou l’asphalte des places en guise de tréteaux
Durant quatre jours, du 13 au 16 avril, une trentaine de compagnies ont animé les places de l’hyper-centre de Grenoble au cours d’une quarantaine de spectacles dont certains joués plusieurs fois. L’âme du festival, ce sont ses bateleurs, baladins, jongleurs, comédiens et musiciens, représentant toutes les disciplines des arts de la rue. En guise de tréteaux ? Les pavés ou l’asphalte des places, parfois un petit carré tracé au sol à la craie, délimitant une scène autant improbable qu’éphémère.
Et puis surtout, omniprésente, cette envie viscérale de communiquer avec le public, d’être à sa portée l’espace temps d’une saynète, de quelques chansons. Avant de faire circuler un chapeau pour récolter quelques piécettes, voire, espèrent ces nouveaux saltimbanques, quelques billets…
Vous étiez en congés durant ce long week-end de Pâques ? Qu’à cela ne tienne, vous pourrez vous faire une petite idée du festival avec quelques images glanées au cours des deux premières journées. Une déambulation dans le centre de Grenoble où le public à pu s’initier aux rudiments de la slackline – discipline consistant à évoluer en équilibre sur une sangle tendue entre deux arbres – avant d’assister aux concerts de la soirée donnés au théâtre de verdure sur l’esplanade du musée. Le tout entre deux spectacles de rue.
Reportage Joël Kermabon
Des prestations artistiques inégales
Sur les places de Grenoble, des prestations artistique inégales, parfois géniales. Certaines troupes manquaient d’expérience. Normal, il faut bien se faire les dents. Au public de se faire son idée et aux artistes de s’y frotter. « Nous essayons de faire venir des compagnies amateurs, d’autres professionnelles ou qui cherchent à le devenir, explique Xavier Guicherd-Delannaz, mais tous ont cette volonté là d’aller vers le mieux pour que le public s’y retrouve et apprécie les spectacles malgré les inégalités qu’il peut y avoir. ».
Xavier Guicherd-Delannaz, président de l’association Festiv’Arts. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Quid de la rémunération des compagnies ? « Nous défrayons de manière très conséquente les troupes d’artistes qui se produisent sur le festival, justifie Xavier Guicherd-Delannaz. Cependant, cette année, nous avons fait le choix de rémunérer les seules prestations d’Antoine Le Ménestrel de la compagnie des Lézards bleus pour les spectacles d’ouverture et de clôture », expose le président de l’association.
Ces artistes parviennent-ils, au bout du compte, à vivre de leur art ? C’est la question que nous avons posée à Antoine Le Ménestrel, un professionnel confirmé, contrairement à la plupart de ses compagnons de rue.
La buvette, unique source de recettes
Si les concerts n’ont, a priori, pas grand chose à voir avec les arts de la rue au sens strict du terme, ils permettent de générer les seules recettes du festival via la buvette… Concernant le choix des groupes, un seul critère, essentiel aux yeux du président de Festiv’Arts : la promotion de la scène locale et notamment les groupes grenoblois.
D’un point de vue économique, la recette, si l’on ose dire, fonctionne à merveille. Plus le groupe est reconnu et apprécié, plus le public afflue et plus il y a des chances que la buvette fasse du chiffre. D’un point de vue artistique et musical, c’est aussi l’occasion de découvertes et de belles surprises, avec à chaque soirée son thème : reggae, rock, électro…
« Nous avons eu des bons chiffres jusqu’à présent et je n’ai aucune inquiétude pour la dernière soirée [celle du dimanche] », nous confie-t-il, visiblement serein. Un seul bémol cependant : trois des journées du festival se déroulent durant le week-end pascal, qui voit généralement la ville se vider de ses étudiants, l’une des cibles importantes du festival. Là aussi, Xavier Guicherd-Delannaz se veut rassurant : si incidence il y a eu sur la fréquentation, il n’y a pas de quoi s’en inquiéter.
« On ne parle quasiment pas de culture dans les programmes électoraux »
« Je trouve ça magnifique que des étudiants s’engagent et construisent un projet comme Festiv’Arts », s’enthousiasme Xavier Guicherd-Delannaz. « Surtout en cette période d’élections où l’on ne parle quasiment pas de culture dans les programmes électoraux », souligne-t-il, quelque peu amer.
« C’est quelque chose qui m’attriste car ce qui se passe, notamment sur ce festival, c’est une sorte de rempart contre toute la violence et tout ce qui peut se passer de négatif aujourd’hui dans notre société ».
Une bénévole qui collait des affiches du festival se serait d’ailleurs fait « insulter par des militants de partis politiques de droite et d’extrême droite […] Je trouve inadmissible que l’on insulte des bénévoles d’une association apolitique qui travaillent d’arrache-pied depuis au moins six mois et participent ainsi à la création d’un “vivre ensemble” fédérateur », tempête, profondément révolté, le président de Festiv’Arts.
« Nous sommes en période électorale. Il y a des tensions, certes, mais tout cela ne devrait pas arriver dans un pays où la liberté culturelle doit pouvoir s’exprimer. Et aujourd’hui Festiv’Arts, c’est l’expression de cette liberté-là ! », conclut Xavier Guicherd-Delannaz
Joël Kermabon
UN FESTIVAL QUI REVIENT DE LOIN
Après être passé par une période de vaches maigres en 2015 et avoir repris du poil de la bête en 2016, Festiv’Arts renoue avec des finances à l’équilibre pour cette 16e édition. De quoi asseoir ce festival – entièrement gratuit – de façon plus pérenne, selon son président qui annonce un budget de près de 27 800 euros, du fait de subventions diverses.
« Financièrement le festival se porte très bien cette année. Nous avons eu un très gros soutien de l’Université qui, grâce au label Initiative d’excellence (Idex), nous a octroyé un financement supplémentaire de 8 000 euros auxquels se rajoutent 3 500 euros au titre de la Communauté d’Universités et Établissements (ComUE) », se félicite Xavier Guicherd-Delannaz. Le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) n’est pas en reste avec une subvention de 500 euros et une seconde de 9 000 euros du Fond de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE).
Viennent ensuite compléter ce pactole universitaire les 1 000 euros versés par Grenoble INP. Les collectivités locales ont participé, pour ce qui les concerne, à hauteur de 1 300 euros pour la ville de Grenoble, 3 000 euros pour la Région et enfin 1 500 euros pour le Département.
Sans compter sur le soutien logistique de la ville de Grenoble et notamment les personnels de son service événementiel « qui nous ont aidé à faire une très belle édition de ce festival en nous fournissant des matériels et des moyens de communication », tient à souligner, reconnaissant, le président de Festiv’Arts.