EN BREF – Un an et demi que, sur le dossier du Center parcs de Roybon, la Frapna réclamait à l’Office national des forêts la communication d’informations environnementales ayant trait aux mesures compensatoires. Des informations consignées dans les échanges entre l’établissement public et le groupe Pierre & Vacances. La question n’est pas anodine : les mesures compensatoires sont au cœur du contentieux au Conseil d’État.
L’Office national des forêts vient de se faire tirer l’oreille par le juge. Le tribunal administratif de Lyon l’a condamné, le 3 avril dernier, à communiquer sous quatre mois à la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (Frapna) les informations environnementales qu’il détient dans le cadre de ses échanges avec le groupe Pierre & Vacances sur le projet de Center parcs à Roybon. Au cœur de ces échanges : les mesures compensatoires.
Le projet de Center parcs prévoit en effet la destruction de 76 hectares* de zones humides dans la forêt des Chambarans. Superficies que la loi oblige à compenser selon la règle du « un pour deux » : pour un hectare détruit, deux doivent être restaurés. Mais les zones humides se faisant rares, Pierre & Vacances a dû aller grappiller 150 hectares dans cinq départements, en Isère mais aussi dans l’Ain, la Savoie, la Haute-Savoie et l’Ardèche. Des mesures qui, d’après nos informations, seraient éparpillées sur une vingtaine de sites au total.
« En fait, on ne sait rien », résume le conseiller juridique de la Frapna
Pour trouver ces terres à restaurer, Pierre & Vacances s’est tourné vers l’ONF. « Au-delà de ses indéniables compétences en matière de génie écologique, l’Office présente en effet le formidable avantage de « disposer » de surfaces suffisantes dans le secteur concerné pour participer à ces mesures imposées, souligne la Frapna. On rappellera simplement que la gestion durable des forêts est d’ores et déjà un objectif qui lui est assigné dans le cadre de ses obligations de service public. »
En plus des 150 hectares, une vingtaine d’autres ont été trouvés dans la zone des Chambarans. Sur quels critères ? Les fonctionnalités écologiques détruites, que ce soit en matière de biodiversité, de stockage et de filtration de l’eau, seront-elles reconstruites à juste mesure ? Pour l’association, c’est l’opacité la plus totale. « En fait, on ne sait rien », résume Emmanuel Wormser, le conseiller juridique de la Frapna.
« Alors que les promoteurs de Center parcs clament, depuis le démarrage du projet, que celui-ci se fait en concertation avec la société civile, dans une transparence exemplaire, il a fallu saisir le juge pour espérer obtenir ces informations, en rappelant les règles applicables prévues par le Code de l’environnement, largement inspirées du droit de l’Union européenne et de la Convention d’Aarhus », souligne la Frapna.
La partie de ping-pong continue
L’association se bat depuis octobre 2015 pour récupérer ces informations. Jusque-là, l’ONF a toujours refusé de les communiquer, justifiant que celles-ci, recueillies dans le cadre de ses activités commerciales, ne relevaient pas de ses missions de service public. La commission d’accès aux documents administratifs (Cada) a eu beau s’en mêler, l’ONF n’en a rien fait. La justice, elle, n’a pas vu les choses ainsi et a ordonné à l’Office national des forêts de s’exécuter. Il a quatre mois pour le faire.
« L’Office national des forêts ne peut utilement faire valoir, pour s’opposer à la demande de l’association requérante, que les documents à contenu environnemental réclamés, établis dans le cadre de ses relations commerciales avec le groupe Pierre & Vacances, porteur du projet dit « Center Parcs » de Roybon, relèvent de ses activités commerciales régies par l’article L. 221 – 6 du code forestier et que, de ce fait, ils n’ont pas un caractère administratif et ne concernent pas l’exercice de ses missions de service public », souligne le tribunal.
La question du contenu de ces échanges n’est pas anodine. Car les mesures compensatoires sont au cœur du contentieux. Le 16 décembre 2016, la cour d’appel de Lyon a confirmé l’annulation de deux des trois arrêtés préfectoraux autorisant le Center parcs à Roybon, pointant notamment l’insuffisance des mesures de compensation et, ce faisant, confirmant l’illégalité du programme immobilier.
Depuis, Pierre & Vacances a fait appel. Le dossier est sur la table du Conseil d’État. La partie de ping-pong continue. A tous les niveaux…
Patricia Cerinsek
* Le chiffre est contesté, notamment par les opposants au projet qui se basent sur l’appréciation du commissaire-enquêteur qui a diligenté l’enquête publique.