FOCUS – Après le premier tour de la primaire à gauche et la victoire de Benoît Hamon qui reste en lice avec Manuel Valls, les états-majors fourbissent leurs armes avant le second tour. L’occasion pour les soutiens politiques et associatifs de Benoît Hamon d’exprimer les raisons de leur engagement ce mercredi 27 janvier au Barathym, café associatif situé au cœur du quartier de l’Arlequin.
« Ce lieu est assez symbolique puisque le bureau de vote de l’Arlequin a voté à 44 % pour Benoît Hamon lors du premier tour, explique Soizic Loquet-Naël, la mandataire de Benoît Hamon (PS) en Isère. C’est un lieu bien imprégné des valeurs et des positions qu’il défend, largement portées par les électeurs. »
Logique, dès lors, que les soutiens isérois de Benoît Hamon aient choisi pour leur conférence de presse, ce mercredi 27 janvier, le Barathym, café associatif niché au sein de l’Espace 600 au cœur du quartier de l’Arlequin à la Villeneuve.
Le candidat qui brigue l’investiture du Parti socialiste pour la prochaine élection présidentielle est d’ores et déjà soutenu par les partisans d’Arnaud Montebourg, pour le second tour de cette primaire. Mais aussi par de nombreuses autres personnalités politiques et associatives locales qui vont, tour à tour, expliquer les raisons de leur soutien.
Les propositions de Benoît Hamon ont séduit la jeunesse
« La mobilisation autour de Benoît Hamon au premier tour va encore s’amplifier, cette force nous permettra de rassembler au maximum. Les suffrages ont montré cette volonté de changement des électeurs, de tourner une page », lance pour galvaniser ses troupes Soizic Loquet-Naël. Un changement qui va passer par des propositions « fortement affirmées depuis le début de sa campagne ». Et de citer pêle-mêle, le revenu universel d’existence, la réduction de la part du nucléaire, la reconnaissance du vote blanc, la création d’un visa humanitaire…
« Mais aussi d’autres propositions particulièrement centrées sur la jeunesse et son avenir », poursuit la représentante de Benoît Hamon avant de passer la parole à Hugo David, l’animateur fédéral du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) de l’Isère, très actifs dans cette campagne.
« Nous les jeunes, nous soutenons massivement Benoît Hamon pour lequel la jeunesse s’est mobilisée au premier tour », expose le militant.
Quelles sont donc ces propositions qui ont autant séduit les jeunes ? En premier lieu, le projet très attractif d’un revenu universel d’existence, « une allocation d’autonomie pour lutter contre la précarité chez les jeunes, et également un facteur d’indépendance vis-à-vis des parents », argumente Hugo David.
Des propositions qui font mouche
Autre domaine dans lequel le candidat Benoît Hamon sort des schémas traditionnels, selon l’animateur fédéral : l’Éducation. « Il propose de faire en sorte que l’école s’adapte aux jeunes et non plus l’inverse […] afin que chacun puisse s’émanciper », s’enthousiasme-t-il.
Mais il propose aussi un service public de soutien scolaire, un récépissé de contrôle d’identité « pour lutter contre les discriminations » et la la création concomitante d’un observatoire des discriminations. Autant de propositions dans lesquelles « la jeunesse se retrouve pleinement », affirme en guise de conclusion Hugo David.
Un engouement de la jeunesse pour Benoît Hamon ? Oui, répond sans hésitation Coline, la responsable de la campagne “jeunes” du candidat, qui a pu constater que beaucoup d’entre eux avaient rallié ses idées jusque dans l’entre deux tours. Comme Martin, un bénévole très actif dans cette campagne qui ne ménage pas sa peine pour faire connaître le programme de l’ancien ministre.
Le revenu universel : un puissant outil de relance économique ?
« Aujourd’hui, on amplifie cette dynamique avec l’engagement d’un certain nombre d’acteurs, pas seulement des politiques mais également des acteurs associatifs militants », enchaîne Soizic Loquet-Naël. C’est notamment le cas de Patrick Colin de Verdière du Collectif Roosevelt mais aussi militant de Nouvelle Donne qui intervient dans le cadre de ces deux mouvements.
« Quand je vois quelqu’un du PS qui s’empare de sujets comme la réduction du temps de travail, la réforme fiscale et le revenu universel, je me dis “là, on va essayer de sortir de nos chapelles et l’accompagner”, déclare d’emblée le militant. On a un levier extraordinaire de changement de notre société et ce serait dommage de rater cette étape. »
Patrick Colin de Verdière en est convaincu, le revenu universel constitue « un puissant outil de relance économique » car les bénéficiaires « vont le dépenser pour des choses utiles », estime-t-il.
Quid de la faisabilité de cette mesure ? « C’est sûr que ça fait des grosses sommes ! Notre scénario c’est 500 milliards d’euros mais il faut dire que la protection sociale en France c’est un peu plus de 700 milliards. On n’est donc pas délirants par rapport aux dépenses actuelles », argumente Patrick Colin de Verdière. Pour ce dernier, la vraie question qui se pose c’est de savoir comment le financer. « Qu’est-ce qu’on remplace comme aides existantes, sachant que certaines ne doivent pas être remplacées, notamment l’assurance santé, l’assurance chômage, les retraites ? »
« Il faut arrêter de dire que c’est irréaliste, utopiste et infaisable ! »
Amandine Germain, conseillère départementale, tient à recadrer les choses. « La première étape du revenu universel, c’est-à-dire les jeunes de 18 à 25 ans et les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), c’est 45 milliards d’euros, ce qui équivaut au coût du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Il faut arrêter de dire que c’est irréaliste, utopiste et, partant, infaisable ! », s’insurge-t-elle.
Pour rester dans le registre de l’économie, Christophe Chevalier, ex-Ecopla, évoque quant à lui « la loi Ecopla ». Autrement dit, la loi de l’économie sociale et solidaire (ESS) portée par Benoît Hamon et votée le 21 juillet 2014 alors qu’il était était ministre de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.
Cette loi permet, entre autres, de donner la priorité aux salariés quand leur société est en cessation d’activité. « Si je suis là, c’est pour montrer qu’il l’a fait, bien que la loi ait été épurée », reconnaît l’ancien salarié d’Ecopla. « Quand une société est liquidée, l’humain n’existe plus et c’est ce qui nous est arrivé, regrette encore Christophe Chevalier. Cette loi doit exister. »
« Benoît Hamon m’a bluffé ! »
Des propos que confirme Laurence Thery, maire du Touvet. « Les propositions de Benoît Hamon sont la preuve d’une anticipation, d’une grande modernité et d’une transition économique. À partir du moment où l’on change de paradigme, où l’on se dit que le travail ne s’opère plus de la même façon, qu’on comprend que notre société est en train de muter, on en arrive à des dispositifs et à l’émergence de propositions telles que celles que l’on voit dans le programme de Benoît Hamon. »
Michel Vanotti, président d’une mutuelle, affirme, lui, avoir été « bluffé » par Benoît Hamon. « Parce que c’est le seul homme politique qui n’est pas entré dans le discours de l’économie, de la crise et qui remet l’humain au centre des débats. » Les raisons de cet engouement ? Entre autres propositions, la création d’un droit à la santé universel, sa position sur la lutte contre les déserts médicaux, la réforme de l’assiette des cotisations…
Du côté des politiques, Christophe Ferrari, le président de Grenoble-Alpes Métropole, a annoncé son ralliement à Benoît Hamon le soir même de l’annonce des résultats du premier tour, suivant en cela les consignes d’Arnaud Montebourg qu’il soutenait jusqu’alors.
Pour ce dernier c’est entendu : « Il faut savoir entendre l’expression du peuple de gauche. » Christophe Ferrari l’admet, les propositions d’Arnaud Montebourg et de Benoît Hamon n’étaient pas les mêmes. « Mais la dynamique portée par Benoît Hamon c’est la dynamique de rassemblement, et force est de constater qu’elle est là. C’est pour cela que je lui apporte tout mon soutien », confirme l’élu. Qui salue dans les propositions du candidat une autre vision de construction de la société et qui s’en explique.
Paul Bron : « On vote pour la gauche, là ! »
Hors du sérail socialiste, Paul Bron, conseiller municipal et membre du mouvement Go citoyenneté, aborde le thème de la politique de migration, thème très peu évoqué dans cette campagne, regrette-t-il. L’élu se dit extrêmement déçu de ce qu’ont fait François Hollande et Manuel Valls en la matière. « La France a été très frileuse alors que nous sommes une terre d’accueil et que l’on a la capacité d’accueillir bien plus de familles migrantes réfugiées que ce qui est fait actuellement », estime l’élu. Qui a notamment retenu deux propositions de Benoît Hamon.
Le vote des étrangers aux élections locales, « promesse de la gauche que personne n’a eu le courage politique de mener jusqu’au bout », et les visas humanitaires. Ces derniers, également évoqués par les jeunes socialistes du MJS, constituent en effet à ses yeux « une des solutions possible dans la panoplie d’accueil des migrants ».
Pour autant, et pour revenir à l’élection, Paul Bron ne souhaite pas que Benoît Hamon se place dans la position d’être uniquement le futur chef du PS. « Nous ne sommes pas qu’à un deuxième tour de primaire, on vote pour la gauche, là ! », s’exclame-t-il avec conviction. « Car qu’est-ce qui va se passer ? On va avoir trois têtes de gauche. Il y a un “deal”, il faut absolument que nous trouvions un compromis. Il faut que Benoît Hamon se mette dans la perspective de gagner la présidentielle ! », conclut Paul Bron.
Seul candidat à poser la question du stéréotype des genres
« Au titre de l’égalité femme – homme, ce qui m’intéresse chez Benoît Hamon c’est la volonté de travailler vraiment cette égalité. De rétablir ce que doit porter une République bienveillante. Notamment les questions de la prescription du viol, de l’égalité salariale… », explique Céline Deslattes, la présidente du Planning familial de l’Isère.
La militante féministe se réjouit et s’étonne à la fois que le candidat à la primaire ait été le seul à poser la question des stéréotypes de genre.
« À l’heure où la droite revient sur les questions de droit à l’avortement, où Trump signe des décrets anti-avortement, c’est intéressant un candidat qui porte ces éléments-là et il faut tous se mobiliser autour de lui ! », s’enflamme Céline Deslattes.
Joël Kermabon
NB : Différents soutiens isérois de Manuel Valls sollicités pour un article sur ce candidat à la primaire n’ont pour l’heure pas donné suite à nos demandes.