FOCUS – Les Rencontres autour du film ethnographique fêtent leurs 20 ans. Sous l’appellation « Déplacer le regard », le festival grenoblois continue d’œuvrer pour cette forme de cinéma de l’altérité assez peu visible en salle. Du 14 au 20 novembre, à cheval entre le campus de Saint-Martin‑d’Hères et la ville de Grenoble, la programmation fouille aussi bien dans l’âge d’or du genre que dans les expérimentations les plus contemporaines.
Le mois de novembre porte la marque du septième art à Grenoble. Les cinéphiles croulent littéralement sous les propositions : le mois du film documentaire, (du 3 au 30 novembre), Alimenterre (festival de films documentaires, du 15 octobre au 30 novembre), le tympan dans l’œil (festival de ciné-concert, du 15 novembre au 10 décembre), Les Rencontres du Cinéma italien (du 16 au 27 novembre), les Rencontres Ciné Montagne (du 15 au 19 novembre)…
Et enfin, les Rencontres autour du film ethnographique, du 14 au 20 novembre. Qui c’est, le petit dernier ? Pas le dernier né en réalité puisque le rendez-vous fête cette année sa 20e édition. D’où notre envie d’en savoir plus.
Aujourd’hui, c’est l’association Oasis qui porte le festival mais ce dernier résulte de l’association, en 1996, de personnes attachées au cinéma d’une part et à l’anthropologie d’autre part. Le but ? Accorder une visibilité plus grande à des films privés de modèles de diffusion à grande échelle. Des films de nature ethnographique. Qu’est-ce à dire ?
C’est quoi un film ethnographique ?
« Les films qu’on propose sous ce titre sont des films documentaires ou appartenant au cinéma du réel, prévient Jacopo Rasmi, président de l’association Oasis, aux manettes du festival. Tous essayent de montrer et de comprendre certains modes de vie qui parfois sont distants de notre monde et de notre perception. Toutefois, on n’est pas attaché à une représentation “traditionnelle” de l’ethnographie, qui serait du côté de l’exploration aventureuse. » Exit donc le folklore qu’on accole souvent à l’étude d’ethnies exotiques.
Les films programmés peuvent s’intéresser à des questions très contemporaines : la Chine actuelle ou les migrations, par exemple. Ils peuvent aussi s’éloigner de la question de l’homme à proprement parler, ou plutôt l’aborder par la bande, via le monde animal en l’occurrence (l’un des fils rouges de cette programmation). « Faire de l’anthropologie c’est aussi comprendre comment l’homme crée des relations avec son environnement », explique Jacopo Rasmi.
L’ancien et le nouveau
Si la programmation donne dans le film ethnographique ultra-contemporain (pour exemple, Black code, jeudi 17 novembre à l’Amphidice, est sorti en 2015), quelques modèles du genre, autrement plus anciens, sont aussi de la partie. L’incontournable Jean Rouch, l’un des maîtres du cinéma ethnographique, est bien sûr présent via La chasse au lion à l’arc (1967). Il sera projeté au cinéma le Méliès samedi 19 novembre dans une version restaurée.
Pour remonter aux racines du film ethnographique, l’association programme également Grass : A Nations’s Battle for Life. Le film, sorti en 1924 – ce qui en fait l’un des premiers du genre –, sera présenté dans une version ciné-concert à la Cinémathèque jeudi 17 novembre.
Ce documentaire sur un peuple kurde migrant vers les pâturages perses a été réalisé par trois journalistes, qui deviendront plus tard les réalisateurs de King Kong. De fait, tous les cinéastes de films ethnographiques ne se sont pas illustrés dans ce seul genre. La preuve avec cette journée dédiée à Werner Herzog (vendredi 18 novembre), qui est plus connu pour son œuvre fictive que pour sa production documentaire.
Pourquoi un festival ?
On l’a dit plus haut, les films à vocation ethnographique ne bénéficient pas toujours des réseaux de distribution comparables aux métrages mainstream. Par ailleurs, la forme du festival permet un accompagnement qui s’avère souvent indispensable pour contextualiser ces films, brassant nécessairement des questions d’ordre éthique, politique ou culturel. C’est pourquoi chaque séance se clôt par l’intervention d’experts de tous horizons, à l’image de l’éclectisme de la programmation.
« Une bonne moitié des intervenants est liée à l’université Grenoble-Alpes (enseignants ou doctorants) mais il y a aussi des intervenants extérieurs venus d’autres équipes de recherche ou des professionnels du cinéma (réalisateurs, producteurs) », détaille le président de l’association Oasis.
« Un des points de notre action est d’essayer de relier le plus possible le savoir universitaire à un public plus vaste en amenant des étudiants et des professeurs de la fac en ville et inversement. » Un échange facilité par la diversité des lieux de programmation, aussi bien liés au campus de Saint-Martin‑d’Hères (comme la Maison des Sciences de l’Homme – Alpes) qu’à la ville de Grenoble (Cinémathèque, Musée dauphinois, cinéma Le Méliès…).
Adèle Duminy
Infos pratiques
XXe Rencontres autour du cinéma ethnographique
Déplacer le regard
Grenoble, du 14 au 20 novembre 2016
Détail de la programmation sur le site du festival