FOCUS – Trois ans d’interdiction d’exercer, dont un an avec sursis. La cour d’appel de Grenoble a rendu son verdict à l’encontre du célèbre avocat pénaliste Bernard Ripert, ce jeudi 23 juin. L’homme de loi était poursuivi pour des “manquements à la discipline” et risquait la radiation définitive du barreau. Pour ses avocats, il s’agit toutefois d’une « radiation de fait », déguisée.
« Nous sommes secoués et abattus. Même quand on sait à quel point ils en veulent à Bernard Ripert, on ne pouvait anticiper qu’ils souhaitent le condamner à la mort professionnelle », se révolte Me Ronald Gallo, l’un des défenseurs de Me Bernard Ripert.
L’avocat vient juste de prendre connaissance de l’arrêt de la Cour d’appel, rendu ce jeudi 23 juin à l’encontre de l’avocat historique du groupe Action directe.
La juridiction prononce dans son arrêt « une interdiction temporaire d’exercer pour une durée de trois années, assortie d’un sursis d’une année », les deux autres années étant fermes et la décision exécutoire dès qu’elle sera valablement notifiée à Me Ripert.
Un procès fleuve
Cet arrêt de la cour d’appel signe la fin d’un procès qui s’est déroulé au cours de deux audiences fleuves, les 2 et 9 juin derniers. Le ténor du barreau, bien entouré et défendu par de nombreux confrères en robes noires, s’était pourtant battu comme un lion. Notamment sur la recevabilité de la procédure d’appel engagée à son encontre, qu’il estimait entachée de « graves irrégularités ».
C’est ainsi qu’il avait réussi à transformer l’audience du 2 juin en une tribune, où ce n’était plus lui l’accusé mais bel et bien les magistrats de la cour d’appel. Rien de moins. Quant au procureur général Paul Michel, il l’avait souvent pointé d’un doigt accusateur, lui reprochant notamment d’être l’éminence grise du complot qui l’avait conduit à comparaître devant la juridiction d’appel.
Bien qu’à l’issue de ces deux audiences Paul Michel ait requis contre le pénaliste sa radiation du barreau, la cour d’appel ne l’a pas suivi dans ses réquisitions.
Les attendus de l’arrêt – que nous avons pu consulter – soulignent en l’espèce le caractère disproportionné de la peine requise par le magistrat du parquet au regard des manquements à la discipline reprochés à Me Ripert.
Une « radiation de fait » pour les avocats de Me Ripert
Pour autant, les défenseurs du pénaliste affirment ne pas être dupes. Selon eux, cette relative clémence de la cour d’appel qui prend des apparences de demi-mesure, voire de compromis, n’est qu’une manière de déguiser les choses. Ils en sont intimement convaincus, il s’agit bel et bien là d’une « radiation de fait ». Une élimination.
Me Ronald Gallo ne manque d’ailleurs pas de s’en émouvoir. « Après l’avoir hospitalisé d’office en psychiatrie, ils lui interdisent aujourd’hui de travailler et de gagner sa vie. L’éliminer professionnellement c’est un peu l’éliminer physiquement », dénonce-t-il avec amertume.
Et de s’insurger. « Mais qu’a-t-il fait à ce point là pour justifier une telle férocité ? C’est un tombeau que la cour vient de dresser. Ils n’ont pas osé le radier […] Mais là, ils font semblant, c’est hypocrite ! »
Cependant, tout n’est pas joué, du moins est-ce le sentiment de l’homme de loi qui, prenant le parti de l’optimisme, envisage un recours en cassation. « Il y aura un pourvoi et cette décision sera cassée. Mais, dans l’intervalle, Ripert sera interdit d’exercer », regrette-il néanmoins.
Joël Kermabon
« Être jugé par ses pairs, pas par ceux qu’on combat ! »
Retour sur les faits qui ont conduit Me Ripert devant la cour d’appel. Depuis le 5 février 2016, l’avocat était frappé d’une suspension d’exercice d’une durée de quatre mois.
Cette sanction disciplinaire, prononcée par la cour d’appel de Grenoble, pointait certains manquements déontologiques de l’avocat, notamment des injures ou autres comportements déplacés à l’endroit de magistrats.
Le 9 mai dernier, le Conseil régional de discipline des barreaux relaxait le pénaliste. Cependant, le procureur général avait interjeté appel de cette décision, renvoyant l’affaire devant la cour d’appel ce 2 juin. C’est bien là que le bât blesse, selon Me Ronald Gallo. Et ce dernier d’élargir le débat en soulignant « l’inadéquation des procédures disciplinaires intentées contre des membres des barreaux ».