REPORTAGE PHOTO — Organisée par l’Institut des métiers d’art, la 10e édition des Journées européennes des métiers d’art* se tient du 1er au 3 avril dans toute la France, mais aussi dans 19 pays d’Europe. Un événement auquel participe la mosaïste iséroise Guislaine Carrier, qui nous a ouvert les portes de son atelier à Domène et fait partager sa passion.
« Cela fait maintenant onze ans que je fais de la mosaïque », confie Guislaine. Seule dans son atelier, concentrée, elle assemble patiemment les différents éléments de pierre et d’ardoise de sa nouvelle création, l’enseigne qui sera apposée sur la façade de son atelier baptisé « Muséa création mosaïque ».
« C’est un travail long et technique, qui demande beaucoup de patience et de rigueur, qualités indispensables à ce type de métier. » Mais il faut aussi être manuel, avoir le sens de la composition et des couleurs (même si cela s’apprend). « Il faut bien être conscient que l’apprentissage est long, les progrès lents. On commence par des objets simples… Mais on peut tout faire quand on est passionné ! »
La mosaïque, un travail solitaire
Avant d’être une mosaïste à temps plein, Guislaine a été coiffeuse puis a travaillé dans le secteur de la petite enfance. Mais elle a toujours aimé bricoler, dessiner, créer. Au départ, la mosaïque, c’était un loisir. Elle se lance toute seule avant de suivre des cours dans l’atelier de Claire Monier, à Grenoble.
La passion chevillée au corps, elle suit une formation de trois mois à l’Afpa. À partir de 2007, elle anime des ateliers à la MJC de l’Abbaye, dans des établissements scolaires, et au Café des enfants à Grenoble, où elle propose des ateliers parents-enfants.
D’une activité de loisir, la mosaïque devient un travail à temps plein. En 2009, Guislaine crée son atelier « Muséa création mosaïque », musæa désignant en latin les grottes ornées de mosaïques dans l’Antiquité.
« Il faut beaucoup de temps pour apprendre les gestes, les bases, trouver son propre style. Il faut faire des essais, encore et encore, dans son atelier. La mosaïque exige de la concentration et du calme. C’est un travail solitaire. C’est pourquoi j’aime bien partir en formation ou participer à des expos. Cela rompt la solitude, et permet d’échanger avec les autres mosaïstes autour de nos techniques. »
Le principe de création
Lorsqu’on a une idée précise de ce que l’on veut créer, on choisit les matériaux appropriés – marbre, pierres, émail, verre, terre cuite de différentes couleurs –, qui seront découpés avec une pince ou un coupe-verre.
Un mètre carré de mosaïque représente environ un mois de travail et coûte entre 2.500 et 5.000 euros, selon les matériaux utilisés. Le plus long, ce qui demande le plus de travail, est d’agencer les différents éléments.
« Le processus de découverte et d’apprentissage ne s’arrête jamais », se réjouit Guislaine, qui fait régulièrement des formations pour se perfectionner. Mais elle aime aussi transmettre son savoir-faire, donne des cours et organise des stages dans son atelier auprès d’un public très varié, des jeunes enfants aux personnes âgées. Chaque année, ils sont une vingtaine à venir se former auprès d’elle.
Ce qu’elle regrette, c’est toute la partie commerciale du métier, pourtant indispensable pour pouvoir en vivre. « La création d’un objet est toujours très personnelle, d’où la difficulté de vendre sa propre production. Et pour réussir, il faut être un commercial à temps plein, démarcher les architectes, les professionnels du bâtiment, etc. Ce n’est pas tant l’apprentissage de la mosaïque qui est difficile, mais bien les réalités économiques d’un secteur qui n’est pas du tout porteur… », regrette-t-elle.
Un souffle nouveau
Chez les mosaïstes, il y a ceux qui ont fait les Beaux Arts ou l’Institut national des métiers d’art, et ceux, comme Guislaine, pour qui c’est une reconversion. « Depuis bientôt dix ans, il existe un nombre croissant de personnes qui, comme moi, se sont reconverties. Elles ont envie de se réunir, faire des choses ensemble, comme des festivals par exemple. Le problème, c’est que la mosaïque pâtit d’une image désuète. Nous essayons de montrer qu’il existe une création contemporaine très riche. L’association Mosaïque contemporaine en Rhône-Alpes, notamment, cherche à promouvoir le travail de ses membres en organisant des expos. On compte de plus en plus de festivals, et on constate que l’intérêt du public pour la mosaïque s’accroît. Une bonne nouvelle sans aucun doute », se réjouit Guislaine.
Passez le curseur sur la photo et cliquez sur la petite flèche en haut au centre pour démarrer le diaporama et découvrir les coulisses de l’atelier de Guislaine Carrier.
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Yuliya Ruzhechka
* Programme des Journées européennes des métiers d’art
UN PEU D’HISTOIRE
L’histoire de la mosaïque prend ses racines dans la Grèce antique, et les créations sont en galet. La civilisation romaine se nourrit ensuite de l’expérience grecque, développe la technique et utilise d’autres pierres qu’elle découpe. Ce que nous appelons aujourd’hui mosaïque traditionnelle se réfère à des créations en marbre. Les Byzantins perpétuent la tradition tout en y ajoutant un nouveau matériau, la pâte de verre.
Si, à l’origine, la mosaïque revêt une fonction utilitaire, la civilisation romaine commence à l’utiliser comme élément de décoration murale. Cependant, la dimension artistique de la mosaïque est tout à fait récente. « À partir des années 1920 – 1930, la mosaïque artisanale à usage utilitaire tend à disparaître, remplacée par la production industrielle », raconte Guislaine. C’est à partir des années 1960 qu’elle se fait une place parmi les beaux arts.
Ce qui différencie la mosaïque traditionnelle des créations actuelles, ce n’est pas tant la façon de travailler et les matériaux utilisés que la composition, le mélange des matières, le relief, l’agencement des matériaux, plus aléatoire, moins ordonné.