FOCUS – Le Planning familial de l’Isère fête ce vendredi 1er avril son 60e anniversaire. Fondé en 1961 à Grenoble, il n’a cessé de se battre pour le droit des femmes à l’avortement et à une contraception libre. Toujours présente dans le département avec sept antennes locales, l’association joue aujourd’hui encore un rôle majeur dans le droit de chacun à vivre une sexualité libre et épanouie.
Grenoble a marqué l’histoire du droit des femmes. En ouvrant le 10 juin 1961 le premier centre d’accueil de France, la capitale des Alpes a plus que jamais joué un rôle majeur dans la liberté sexuelle de ces dernières. L’association renseignait alors les adhérents qui souhaitaient avoir recours à des méthodes contraceptives efficaces.
« Cette permanence a rencontré un succès important, explique Maud Schwoerer, coprésidente du Planning familial de l’Isère. Après ce combat pour la contraception, le Planning familial a milité pour un accès correct à l’IVG »
Les docteurs grenoblois Annie Ferrey-Martin et Jacques Manent jouèrent un rôle majeur dans cette lutte. Leur arrestation pour avortement illégal en mai 1973, aux côtés de militantes, provoqua une vague d’indignation. Une grande manifestation de soutien fut organisée la même année, dans les rues de Grenoble. L’inculpation du docteur Annie Ferrey-Martin, bien que relaxée deux ans plus tard, « a relancé le débat sur l’avortement », commente Maud Schwoerer. « Le Planning familial est aussi une association féministe militante. Il a libéré la parole et a permis à la femme de mieux se connaître, notamment sur la notion de plaisir sexuel », ajoute-t-elle.
Une journée anniversaire pour célébrer soixante ans de combats
C’est cet engagement de longue date que s’apprêtent à célébrer les militants et salariés de l’établissement. À cette occasion, l’association accueille le 29e Congrès national du Planning familial, les 2 et 3 avril, à l’École supérieure du professorat et de l’éducation (Espé) de Grenoble. Réservé aux professionnels, ce temps de rencontres sera l’occasion de « redéfinir les grandes priorités du Planning », assure la bénévole. « Les thèmes du congrès seront probablement l’accès à la PMA [procréation médicalement assistée, ndlr] et la prostitution », complète-t-elle. Ce congrès sera aussi l’occasion pour l’association de redéfinir ses pratiques internes ; autrement dit de revoir son organisation.
La journée du 1er avril est en revanche ouverte à tous. Organisée par l’AD38 et la Fédération Rhône-Alpes, une matinée festive dans les rues de la ville avec des bénévoles a permis d’aller au-devant du public afin de provoquer des échanges autour des sexualités, des rapports femme/homme et du rôle actuel du Planning. Une soirée festive, à la mairie, avec le Grenoble Fixing Club Girls, un collectif de DJs et selectors grenoblois, clôturera cet anniversaire.
Le Planning familial « a toujours sa raison d’exister »
Aujourd’hui encore, la principale mission du Planning est de défendre une sexualité féminine libre et de tordre le cou aux traditions sexistes qui peuvent persister. Même si les grandes causes semblent désormais acquises, l’association « a toujours sa raison d’exister », commente la coprésidente.
« Certains ont encore en tête l’image de la femme qui doit enfanter. Sur l’aspect moral, toutes les femmes qui viennent avorter s’excusent d’utiliser ce droit. Il y a une culpabilisation, alors qu’aujourd’hui 40 % d’entre elles ont eu recours à l’IVG. On a tendance à oublier que le droit à l’avortement et à la contraception ne sont pas irréversibles. On a récemment pu le voir en Espagne », ajoute-t-elle. Le Sénat espagnol a, en effet, approuvé le 9 septembre 2015, une réforme de la loi sur l’avortement interdisant aux mineures d’avorter sans consentement parental.
Même si, au plan législatif, les choses ont récemment évolué, il reste encore du chemin à parcourir. Depuis la loi du 4 août 2014, l’avortement est pris en charge à 100 % par l’assurance maladie, pour toutes les femmes. Mais les délais pour avorter demeurent longs. « Les délais légaux sont de sept semaines pour une IVG médicamenteuse et de douze semaines pour une IVG chirurgicale. Mais les délais d’attente pour une IVG dans les établissements de santé sont trop longs. Cela est en partie dû au fait que 5 % des établissements publics et 50 % des établissements privés pratiquant l’avortement ont fermé ces dix dernières années. Puisque les délais sont longs, la femme n’a pas le choix de sa liberté », s’indigne Maud Schwoerer.
Autre point noir pour la bénévole : la clause de conscience. Elle permet à un médecin de refuser de pratiquer une IVG s’il estime que l’acte est contraire à ses principes. Plus de quarante ans après l’adoption de la loi Veil, cette notion figure toujours dans les textes de loi.
« Un rôle d’agitateur social »
Au-delà de son rôle d’accompagnement individuel, le Planning familial est aussi une association féministe et militante qui mène des missions de prévention et d’information. Elle œuvre notamment pour une société plus égalitaire, en dénonçant entre autres la dictature des normes, l’hypersexualisation ou la pornographie.
Le Planning « a un rôle d’agitateur, de surveillance et d’adaptateur. Il est aussi un lanceur d’alerte », précise Maud Schwoerer. L’association s’efforce de permettre à chacun de bénéficier du même degré d’information, notamment dans les milieux les plus défavorisés.
À ce titre, ses conseillères interviennent régulièrement dans les établissements scolaires de l’agglomération, même si la tâche s’avère parfois compliquée. « Souvent, les chefs d’établissement ont peur de la réaction des parents d’élèves. Les textes de loi prévoient pourtant que les écoles organisent trois cours d’éducation sexuelle par an, de la primaire à la terminale. Mais le rythme n’est pas respecté, soit par manque d’intérêt, soit par ignorance », commente-t-elle.
Le Planning familial de l’Isère reçoit régulièrement des jeunes femmes qui n’ont pas pu se procurer la pilule du lendemain, les pharmaciens refusant de la leur fournir car ils estiment que cela représente un risque pour leur santé. « L’information n’est pas homogène et parfois fausse. C’est un des points qui doit bouger », conclut-elle.
Maïlys Medjadj
DES SUBVENTIONS PUBLIQUES EN BAISSE
Avec ses sept centres départementaux (Bourgoin-Jallieu, Villefontaine, Saint-Égrève, Eybens, Villard-Bonnot, Grenoble-Gambetta et Grenoble-Interquartier), le Planning familial de l’Isère assure une mission de service public. Il est mandaté par le Conseil départemental pour mener des actions de planification et perçoit à ce titre des subventions annuelles. Celles-ci représentent 80 % du budget de la structure. De quoi financer les sept centres du département et les salaires des soixante salariés (environ trente temps pleins).
Cette manne financière tend toutefois à diminuer. « Ces baisses budgétaires amènent à des restructurations, une diminution du nombre d’animations dans les écoles, une restriction des horaires d’ouverture et une baisse de la présence des médecins », déplore Maud Schwoerer.
En tant qu’association féministe militante, le Planning familial a aussi un rôle d’agitateur social et perçoit de ce fait une seconde subvention du Conseil départemental. Autrement dit, une subvention pour « éveiller les consciences » et s’assurer du maintien des acquis. « On cherche aussi d’autres sources de financement en faisant appel à des partenariats », ajoute-t-elle.
Demandez le programme !
Vendredi 1er avril, le Planning familial de l’Isère fête ses soixante ans avec notamment une réception à partir de 19 h 30, à l’Hôtel de Ville, suivie dès 21 heures d’une soirée festive avec le Grenoble Mixing Girls Club – collectif de DJs et selectors grenobloises.