FOCUS – Le groupe d’opposition municipale Les Républicains – UDI et Société civile, présidé par Matthieu Chamussy, revient sur les deux premières années de la mandature d’Éric Piolle, le maire de Grenoble. Les opposants taclent la majorité et dénoncent un triple renoncement quant à sa gestion de la démocratie locale, de la vie quotidienne et de l’économie.
« Nous sommes ici sur une place qui a été ratiboisée, au sens propre du terme, au bout d’un projet d’autoroute à vélo, à côté d’un totem effondré par terre, là où il y avait une magnifique colonne Moris ! », lance, goguenard, Matthieu Chamussy, le président du groupe Les Républicains – UDI et Société civile.
Peut-être aurez-vous reconnu la place Victor Hugo ? C’est bien en effet cette place emblématique de Grenoble que décrit ainsi le conseiller municipal.
Et c’est le lieu qu’ont symboliquement choisi les sept élus du groupe afin d’exposer leur bilan sur la politique municipale impulsée par l’équipe d’Éric Piolle, désormais parvenue au tiers de son mandat.
« Un triple renoncement »
Matthieu Chamussy, il l’affirme haut et fort et ce n’est pas une surprise, est loin d’être satisfait des deux premières années de la mandature de Éric Piolle. Selon l’élu, elles témoignent d’un triple renoncement de l’équipe aux commandes de la machine municipale.
En cause, la démocratie locale, la vie quotidienne des Grenoblois et ce qu’il estime être le refus de la municipalité de vouloir porter l’économie d’une ville-centre qui a des responsabilités et du poids dans le contexte métropolitain.
Et d’endosser le costume de lanceur d’alerte.
« Ce deuxième anniversaire c’est pour dire notre colère, tirer la sonnette d’alarme et dire aux Grenoblois qu’il y a des personnes qui sont engagées et qui, elles, ne renoncent pas à servir leur ville et ses habitants. »
Le ton est donné. Qu’en est-il du premier de ces renoncements annoncés, à savoir le renoncement à la démocratie locale ?
Richard Cazenave, conseiller municipal et membre du groupe, exprime quant à lui toute l’étendue de sa déconvenue s’agissant, selon ce dernier, « d’une promesse de cette équipe qui prétendait renouveler la démocratie locale ».
« Les cendriers ? Il y a autant de mégots à côté que dedans »
Embrayant sur le deuxième renoncement, les préoccupations de vie quotidienne, Matthieu Chamussy dénonce une certaine appétence des élus de la majorité pour les débats nationaux, les enjeux idéologiques… Toutes choses qu’il oppose aux questions concernant la vie quotidienne des Grenoblois dont ils se désintéresseraient. Dans le collimateur : le cadre de vie, la sécurité, l’école… et la culture.
L’occasion pour Nathalie Béranger, conseillère municipale, de revenir sur la place Victor Hugo. « Il s’agit carrément d’une dégradation du cadre de vie […] Il y avait des arbres, il n’y en a plus, alors même qu’on aurait pu se passer de les couper ». L’élue estime qu’il fallait juste les entretenir, les élaguer. Autre objet de son irritation, les totems – jugés instables et inesthétiques – qui ont remplacé les colonnes Moris, dont l’un gît fracassé sur un trottoir de la place.
Quant aux cendriers expérimentaux, « ils ont coûté au total 5.500 euros mais il y a autant de mégots à côté qu’à l’intérieur », raille-t-elle. « Voilà ce que voient les touristes qui se promènent dans les rues de Grenoble », déplore l’élue.
« À Grenoble, la délinquance c’est “open bar” ! »
La sécurité des habitants est également au cœur des préoccupations des élus de droite. Pour Vincent Barbier, conseiller municipal, « à Grenoble, la délinquance c’est “open bar” ». Elle gagne, selon lui, du terrain et les actes de violence seraient en augmentation.
Une situation en partie imputable à l’abandon de la vidéosurveillance et au fait que la police municipale n’est pas armée.
Cependant, grand prince, l’élu tempère. « L’état de la ville était déjà catastrophique avant l’arrivée d’Éric Piolle […] Michel Destot et Jérôme Safar portent au moins autant de responsabilités que lui là-dessus », souligne-t-il.
Les élèves « entassés dans des préfabriqués »
Concernant les écoles, Bernadette Cadoux n’est guère plus tendre que ses collègues. Le plan école ? « Hypothétique et clinquant. La seule école qui sortira durant ce mandat c’est Jean Macé qui est, du reste, un “coup parti” de la majorité précédente », balaie l’élue.
Ce qu’elle trouve par contre très préoccupant, c’est « l’entassement des élèves dans des préfabriqués ». Une situation qui, d’après cette dernière, devrait perdurer durant les prochaines années. L’élue voit là une preuve flagrante du manque de prospective de la majorité en terme d’accroissement du nombre d’élèves.
Autre cible de Bernadette Cadoux, la politique culturelle de la Ville. « Avec la municipalisation de certains équipements, notamment le Tricycle, et les coupes de budget comme pour les Musiciens du Louvre, Corinne Bernard a considérablement appauvri le panel du choix des spectacles », considère-t-elle. Et d’ajouter : « Mais qui sont-ils pour nous orienter à ce point sur la culture ? »
« Ce sont les mêmes que l’on retrouve à la Métro ! »
Tout ça pour en arriver au troisième renoncement identifié : l’attitude de l’équipe municipale envers les acteurs économiques, notamment les commerçants. « J’ai l’impression qu’ils vivent un “Je t’aime, moi non plus” », explique Sylvie Pellat-Finet, citant la célèbre chanson de Serge Gainsbourg. D’après cette dernière, les commerçants ne sont pas écoutés et on pense pour eux. « “On sait ce qui est bien pour vous : c’est la piétonnisation du centre-ville, ce sont les autoroutes à vélos, ce sont les voitures qui ne rentrent plus dans la ville”, leur dit-on. Sauf que ce n’est pas ce que demandent les commerçants ! », objecte la conseillère municipale.
Quant au transfert de la compétence économique vers la Métropole, l’élue affirme ne pas être dupe. « Ce sont les mêmes que l’on y retrouve ! Et le discours qu’ils tenaient à la Ville, ils le tiennent à la Métro. »
En l’occurrence, selon Sylvie Pellat-Finet, un discours de défiance envers les acteurs économiques. Quant à développer l’économie sociale et solidaire, l’élue est dubitative.
« On n’a toujours pas démontré qu’elle était en capacité de créer une activité économique aussi importante que l’activité traditionnelle. Je ne dis pas qu’il n’en faut pas, je dis qu’il ne faut pas que ça », conclut-elle.
Qui n’avance pas, recule…
« Ces trois renoncements sont annonciateurs, si l’on ne réagit pas, d’un risque de déclassement de notre territoire, à force qu’ils [les membres de l’équipe municipale, ndlr] n’assument pas leurs responsabilités », explique Matthieu Chamussy. L’occasion pour l’élu de se faire augure et de prédire, sans prendre de grands risques « que dans la compétition de territoires qui se livre aujourd’hui, ceux qui n’avancent pas reculent ».
Et de conclure : « Sur le plan économique, dans le passé, Grenoble résistait mieux. Nous avons un François Hollande qui n’arrive pas à redresser la courbe dans le bon sens et un Éric Piolle qui parvient à l’inverser… dans le mauvais sens. »
Joël Kermabon