TROIS QUESTIONS À – Marie Desplechin, auteure, entre autres, de Sans moi et de La vie sauve, co-anime la réunion du mouvement national Notre primaire, ce mercredi 30 mars à Grenoble. Elle vient ainsi à la rencontre du « peuple de gauche » qui espère – tout comme elle et les premiers 80.000 signataires de l’appel Notre primaire – convaincre l’ensemble des candidats de la gauche au sens large de s’entendre pour n’en choisir qu’un(e) seul(e) au final. Une nécessité selon elle, au vu du contexte politique actuel…
Vous êtes à Grenoble, ce mercredi 30 mars, à 20 heures à la Chaufferie. Non pas pour présenter votre dernier livre, mais parce que vous avez signé « l’appel pour l’organisation d’une primaire des gauches et des écologistes ». On vous connaissait écrivaine, mais pas si engagée politiquement… Qu’est-ce qui vous motive ?
Marie Desplechin : C’est la seule chance que des idées de gauche soient présentes au second tour des présidentielles de 2017 ! Si les gens de la gauche, au sens large, partent en ordre dispersé au premier tour, ce sera un second tour avec, d’un côté, un candidat du FN et en face, pour l’heure, soit Alain Juppé, soit Nicolas Sarkozy !
En fait, cet appel est une espèce de retour à la citoyenneté, un sursaut car, depuis quelque temps, on est dans une impasse complète. C’est désespérant. Un sentiment de dépression frappe une partie des gens qui se disent ou se disaient de gauche. […] Lors d’une réunion à Lille, quelqu’un a pris la parole et c’était saisissant de l’entendre. Il a commencé à dire : “Voilà, c’est une première ce soir, je ne suis jamais allé à une réunion politique… On s’est foutu de moi quand j’ai dit que je venais, mais j’en avais marre de râler tout seul devant ma radio.” […]
Vous remarquerez qu’il y a peu de gens appartenant à des partis politiques, tout au moins dans les premiers signataires de l’appel… Je suis bien typique de la majorité de ces signataires. Mes engagements, ça fait un bout de temps qu’ils ne passent plus par la politique, à l’exception des grandes manifestations. Mais comme beaucoup, je suis engagée dans mon quartier, dans l’associatif, dans le réseau RESF [Réseau éducation sans frontières, ndlr], etc. Enfin, oui, signer cet appel, c’est cohérent avec toute ma vie, avec ce que j’écris, avec les articles que j’ai faits, avec les prises de positions publiques que j’ai pu avoir.
A quoi peut aboutir cet appel que plus de 80.000 personnes ont pour le moment signé ? Qu’en attendez-vous ?
Cet appel demande quelque chose de très concret : organiser des primaires larges, c’est-à-dire une primaire où n’importe quel candidat peut se présenter, qu’il soit du PS, de mouvements de gauche, écologistes, issu de partis classiques ou de la “Société civile” – une expression qui veut dire “des gens hors partis” et commence d’ailleurs à m’énerver ! Que ces gens-là puissent se présenter à “notre primaire”, à partir du moment où ils se reconnaissent dans les idées de gauche.
Reste à se mettre bien d’accord sur ces idées ! Puis à débattre ensemble avec les gens, les citoyens, la base – moi, vous, eux – de tous les sujets. Toutes les questions, remarques venant de qui que ce soit sont légitimes.
Vous allez me demander – ce que veulent souvent savoir les journalistes politiques – « Qui sont les candidats ? » Il y en a de nombreux… Je vous jure que, pour le moment, on s’en fout ! Le problème, ce n’est pas les candidats, ce sont les idées. Que pense-t-on de l’Europe ? Est-ce qu’il faut une VIe République ? D’où viennent les problèmes que rencontrent les partis politiques ? La question de la fiscalité… Je ne sais pas, n’importe ! C’est aux gens de le dire, à nous tous d’en parler.
Est-ce que cet appel va aboutir ? Ça n’est pas gagné mais, au moins, on pourra dire qu’on a essayé. Jusqu’à maintenant – à l’exception notable et regrettable de Mélenchon –, de nombreux candidats discutent ensemble pour essayer de voir comment on peut s’arranger…
Connaissez-vous Grenoble ? Suivez-vous la politique qui y est menée par son maire Eric Piolle (EELV) et son équipe ? Qu’en pensez-vous ?
Je n’ai pas de jugement. Ne suivant pas de près ce qui se passe à Grenoble, je ne vais pas juger non plus les actions… Mais ce qui est super intéressant, ce sont les processus démocratiques mis en place.
Il y a un retour d’expériences qui est important à observer, surtout qu’il n’y a pas trente villes qui le font… Il est extrêmement rassurant que des gens cherchent à bousculer les modes de gouvernance. Que ça marche ou pas, d’ailleurs… C’est bien, déjà, d’essayer. C’est évidemment incroyablement intéressant et excitant que les citoyens d’une ville tentent de faire fonctionner vraiment la démocratie.
Propos recueillis par Séverine Cattiaux