FOCUS – Environ deux cents salariés de STMicroelectronics des sites de Grenoble, Crolles et de la banlieue de Milan se sont rassemblés ce jeudi 10 mars, rue Félix Poulat, à l’appel des syndicats CGT et CFDT. Tous réclament un changement de stratégie sur le secteur des décodeurs numériques, actuellement dans la ligne de mire de la direction.
Ils sont arrivés par petits groupes, brandissant des drapeaux aux couleurs des syndicats ou encore avec des pancartes accrochées dans le dos pour se rassembler autour d’un camion sono stationné rue Félix Poulat.
Ce jeudi 10 mars, répondant à l’appel des syndicats CGT et CFDT, près de deux cents salariés de STMicroelectronics des sites de Crolles et de Grenoble étaient à nouveau dans la rue, rejoints pour l’occasion par quatre collègues italiens du site de Castelletto situé dans la banlieue de Milan.
Tous tenaient à manifester une nouvelle fois leur inquiétude suite à l’annonce, le 27 janvier dernier, du retrait de l’entreprise franco-italienne du secteur numérique.
Une décision, purement financière selon les syndicats, qui menacerait 1400 emplois à travers le monde, dont 600 en France. Les salariés dénoncent l’absence d’une véritable stratégie industrielle et des décisions stratégiques de court terme « désastreuses », qui risquent de porter un coup sévère à l’emploi. En particulier, dans le bassin grenoblois.
Changer de stratégie et de direction chez STMicro ?
« Le but de ce rassemblement est de demander un changement de stratégie et, notamment, un changement de la direction qui nous conduit droit dans le mur. » Sandy Bel, déléguée syndicale CGT, ne prend pas de pincettes et va droit au but : « Nous voulons que la gouvernance de STMicroelectronics revienne sur sa décision d’arrêter toute la partie numérique. Nous voulons sauver les emplois et, surtout, les compétences que nous avons capitalisées dans ce domaine. »
Malgré les difficultés rencontrées par la division CPD*, la déléguée syndicale demeure convaincue que le numérique reste un créneau porteur pour l’avenir.
« Nous avons l’outil industriel, les salariés sont motivés, mais nos dirigeants font des choix catastrophiques. C’est pour cela qu’il faut absolument changer de stratégie, réinvestir dans les personnes et dans l’entreprise pour qu’elle se redéveloppe », ajoute un autre intervenant de la CGT.
Et de souligner : « Pour un emploi STMicro, c’est trois ou quatre emplois indirects qui sont impactés ». Le syndicat entend donc bien faire entendre sa voix à la prochaine réunion du comité des actionnaires, prévue fin mai 2016.
« Du porte-monnaie du contribuable aux comptes en banque des actionnaires »
Le gouvernement est également dans le collimateur des syndicats. Car l’État français a contribué et continue de contribuer très significativement au développement de l’entreprise, à travers les programmes de recherche Nano 2012 et Nano 2017. « Où est passé cet argent ? », questionnent les salariés. Pour la CGT, la réponse coule de source : « Les financements sont passés du porte-monnaie du contribuable aux comptes en banque des actionnaires et dirigeants de STMicroelectronics ». Une assertion que confirme Pierre Mériaux, conseiller municipal écologiste de Grenoble.
Selon ce dernier, près de 1,4 milliard d’euros d’argent public ont été distribués par l’État et des collectivités sans qu’ils soient jamais assortis de garanties pour l’emploi et l’investissement.
La centrale syndicale va même plus loin. C’est avec la caution d’Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, que Carlo Bozotti, le patron du groupe franco-italien, « a décidé de retirer de STMicroelectronics ce qui en faisait le cœur des technologies les plus avancées ».
Le ministre des Finances aurait-il décidé d’allumer un contre-feu ? C’est la question que l’on peut se poser au vu de l’entretien qu’il a accordé à l’Express, ce mercredi 9 mars.
Évoquant le groupe STMicroelectronics – dont l’État français détient 27,5 % des parts, à parité avec l’État italien –, le ministre de l’Économie affirme avoir demandé « qu’on supprime le dividende, ou qu’on le baisse très fortement pour favoriser l’investissement ». Un vœu pieux ?
Quoi qu’il en soit, les salariés espèrent aussi pouvoir faire bouger les lignes grâce à une pétition adressée à Emmanuel Macron. Celle-ci a d’ores et déjà recueilli plus de 1.600 signatures sur les 2.500 attendues.
Joël Kermabon
DES ÉLUS VENUS EN SOUTIEN
De nombreux élus ont tenu à apporter publiquement leur soutien aux salariés de STMicroelectronics, tels Michèle Bonneton, députée écologiste de la 9e circonscription de l’Isère, Pierre Mériaux, conseiller municipal de Grenoble, Annie David, sénatrice de l’Isère, Claus Habfast, conseiller municipal de Grenoble. Sans oublier, Éric Piolle, le maire de Grenoble qui nous a précisé les raisons qui l’ont amené à participer à ce rassemblement.
* CPD pour consumer product division. Cette branche des activités de la nébuleuse STMicroelectronics fabrique des éléments contenus dans les box et les décodeurs numériques à destination des clients grand public.