FOCUS – Les premiers à intervenir sur les lieux des catastrophes. Les premiers sur qui compter. Vous l’aurez deviné, nous parlons du Samu et des sapeurs-pompiers. Sans oublier qu’ensuite toute une chaîne humaine s’organise pour sauver des vies à l’hôpital. Ces professionnels sont-ils préparés aux risques d’attaques multiples en Isère ? Éléments de réponse avec ces spécialistes de l’urgence.
« J’étais à Paris le 7 janvier 2015 pour une réunion avec les Samu à la maison des sapeurs-pompiers, située à 200 mètres des locaux de Charlie Hebdo.
Arrivés dans les premiers sur les lieux de l’attentat, j’ai participé aux côtés de Patrice Pelloux à la médicalisation des premières victimes », se souvient Christophe Roux, médecin-colonel responsable du service de santé et de secours médical au Service départemental d’incendie et de secours de l’Isère (Sdis 38). Il réalise ce jour-là que de tels actes peuvent survenir et se reproduire.
Un retour d’expérience de Paris prévu en janvier
Mieux vaut prévenir que guérir. Pompiers et centres hospitaliers de l’Isère se préparent donc à l’éventualité d’attentats multiples à l’arme lourde. Et pour pallier les lacunes éventuelles, « un retour d’expérience sur le drame des attentats de Paris est prévu en janvier pour aborder les spécificités de prise en charge de nombreux blessés quasiment de guerre », indique Benjamin Garel, directeur de la qualité et des usagers au centre hospitalier universitaire de Grenoble.
Pour autant, les services de secours et de soins de l’Isère ne seront pas pris au dépourvu, d’après le colonel Roux. « Un nombre élevé de victimes d’attentats est un cas de figure que nous envisageons depuis plusieurs années pour préparer la doctrine et entraîner le personnel », précise-t-il.
Et tenant à mettre l’accent sur la complémentarité des services publics, il ajoute : « Nous travaillons d’ailleurs régulièrement sur cette problématique avec le Samu. »
4000 pompiers volontaires en Isère
En cas d’attentat d’ampleur, la montée en puissance des secours est essentielle.
« Côté pompiers, nous arrivons à mobiliser énormément de personnels en un temps très court, grâce à la composante principale du Sdis : les pompiers volontaires », explique le médecin-chef. Soit, au total, plus de 4000 en Isère, en complément des pompiers professionnels.
Et bien des fois, ensemble, ils ont su démontrer leur capacité de mobilisation générale à l’occasion d’interventions d’ampleur, comme par exemple sur le théâtre d’inondations.
De plus, sous l’égide de la zone de défense sud-est, les pompiers de l’Isère partagent « des moyens et une doctrine commune » avec les autres départements des régions Auvergne et Rhône-Alpes. De quoi mobiliser rapidement des renforts extérieurs en cas de crise majeure.
Ce dispositif à l’échelon zonal existe depuis plusieurs années et est, là encore, tout à fait opérationnel selon le colonel. Et pour cause : « Nous le sollicitons assez régulièrement. Par exemple, au travers de colonnes de renfort qui convergent vers le Sud dans le cas des feux de forêts de grande ampleur. »
Un plan blanc bien rôdé au CHU
Quant aux hôpitaux, ils sont dotés d’un dispositif de crise dénommé plan blanc* : « Le plan blanc permet de rappeler énormément de personnes très rapidement pour pouvoir prendre en charge les blessés graves », explique Benjamin Garel. Les structures hospitalières étant ouvertes 24h/24 et 7j/7, tout le personnel ne travaille pas en même temps, ce qui constitue une réserve de secours pour l’établissement.
Bien que le dispositif de rappel soit bien rôdé, « à chaque fois que le plan blanc est déclenché, on est surpris de l’implication du personnel qui revient souvent de lui-même. À Paris, des collègues nous ont rapporté que des médecins du privé sont revenus à l’hôpital public pour les aider », souligne non sans reconnaissance Benjamin Garel.
Aussi, pour faire face à une situation de crise, une organisation spécifique est nécessaire afin de maintenir la continuité des soins et préserver la sécurité de l’ensemble des patients et du personnel. La disponibilité en lits en fait partie.
« Quand il y a un afflux de blessés, on essaie de voir les patients qui pourraient retourner chez eux. On accélère quelques sorties. On peut aussi en transférer certains vers d’autres établissements : des patients déjà hospitalisés et assez facilement transportables ou des victimes de la catastrophe dont on a stabilisé l’état », explique Benjamin Garel. Et de préciser au passage que le CHU de Grenoble coopère régulièrement avec le CHU de Lyon, les hôpitaux de Chambéry ou Annecy.
Quant à l’expérience de telles situations exceptionnelles, le CHU de Grenoble n’est pas en reste : « On active régulièrement des mini plans blancs. Ce fut le cas, par exemple, lors de l’accident de car dans la descente de Laffrey en 2007, quand nous avons dû très rapidement prendre en charge une vingtaine de blessés très graves. En 2013 aussi, lors de l’accident de car dans la descente de l’Alpe d’Huez. »
Un exercice de grande envergure tous les ans
Au-delà de l’expérience acquise en situation concrète, chaque année, des exercices d’entraînement aux situations de crise sont planifiés en Isère comme partout en France.
Avec 87 sites Seveso seuil haut en région Rhône-Alpes, de nombreuses simulations concernent le risque NRBC (Nucléaires, Radiologiques, Biologiques et Chimiques). Comme les pompiers, « l’hôpital et le Samu sont préparés à ces risques et la pharmacie détient des antidotes pour certaines attaques possibles », précise Benjamin Garel.
« Cela peut consister à tester une chaîne de décontamination par rapport à une attaque chimique ou la prise en charge d’une attaque multiple », explique Benjamin Garel.
D’une manière générale, les exercices sont programmés à l’échelon national, zonal, ou départemental avec un exercice de très grande envergure tous les ans.
Concernant la préparation spécifique aux risques d’attentats multiples par armes lourdes, Benjamin Garel comme le colonel Roux ont souhaité rester particulièrement discrets sur le sujet, invoquant le secret défense.
Un accompagnement psychologique des personnels
Comme certaines interventions en situation réelle ont un impact psychologique fort et qu’il s’agit pour les secours de maintenir l’ensemble du personnel opérationnel, cet aspect est aujourd’hui bien intégré.
Aussi, l’hôpital dispose-t-il de la cellule d’urgence médico-psychologique de l’Isère (CUMP38) pour les victimes comme pour le personnel. « Au Sdis, nous avons aussi une cellule médicale psychologique dédiée à la prise en charge individuelle ou collective des sapeurs-pompiers pendant ou après certaines interventions », révèle quant à lui, le colonel Roux.
Véronique Magnin
* Le plan blanc se décline en différentes couleurs, selon les services de l’hôpital qui ont besoin d’être renforcés : « Si les patients ont besoin de chirurgie, on déclenche le plan “hôpital rouge”. Le plan vert, c’est pour la médecine. On le lance, par exemple, en cas d’intoxication collective. Enfin, nous avons le plan “hôpital jaune” pour la pédiatrie », précise Benjamin Garel.
Comment réagir en cas d’attaque terroriste ?
À la suite des attentats du 13 novembre 2015, le gouvernement lance une campagne de sensibilisation pour mieux préparer et protéger les citoyens face à la menace terroriste qui s’articulent autour du triptyque : « s’échapper, se cacher, alerter ».
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