Aurélie Monkam-Noubissi, mère de Kevin. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Pour la mère de Kevin, aucun accusé n’a fait preuve de compassion

Pour la mère de Kevin, aucun accusé n’a fait preuve de compassion

REPORTAGE – Ce mardi 17 novembre, Aurélie Monkam-Noubissi, la mère de Kevin, croi­sait pour la pre­mière fois le regard des douze accu­sés des meurtres de son fils et de Sofiane Tadbirt. Venue pour témoi­gner devant la cour d’as­sises des mineurs, à l’oc­ca­sion de l’en­quête de per­son­na­lité sur les deux vic­times, elle a livré ses tout pre­miers sen­ti­ments à la sor­tie de l’audience.

© Joël Kermabon - Place Gre'net

Des audiences à huit clos. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Le pro­cès des douze accu­sés des meurtres de Kevin Noubissi et Sofiane Tadbirt se pour­suit… dans le secret du pré­toire, la publi­cité des audiences deman­dée à corps et à cris par les par­ties civiles et cer­tains avo­cats de la défense ayant été refu­sée par la cour. Après deux pre­mières semaines consa­crées à l’exa­men de la per­son­na­lité des accu­sés, est venu le tour, ce mardi 17 novembre, de celui des vic­times. C’était éga­le­ment le jour choisi par le groupe Coexister Grenoble pour appe­ler à un ras­sem­ble­ment paci­fique en sou­tien aux familles, devant le tribunal.

A l’in­té­rieur, dans la salle des pas per­dus, assez peu de monde tou­te­fois : les familles et les proches, des amis, des cama­rades d’é­tudes ou encore des voi­sins, quelques ano­nymes… Tous déplorent amè­re­ment que les audiences se déroulent à huis clos. Réunis en petits groupes, conver­sant à voix basse, ils se can­tonnent à livrer quelques impres­sions géné­rales, rien d’in­time. La dou­leur, voire pour cer­tains la colère, sont trop présentes.

Aurélie Monkam-Noubissi, mère de Kevin. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Aurélie Monkam-Noubissi, mère de Kevin, dans la salle des pas per­dus du tri­bu­nal. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Dans la salle d’au­dience atte­nante, les par­cours et per­son­na­li­tés de Kevin et Sofiane sont désor­mais au cœur des échanges. Une redou­table épreuve pour Aurélie Monkam-Noubissi, la mère de Kevin, confron­tée pour la pre­mière fois à l’en­semble des meur­triers pré­su­més de son fils.

Un face-à-face rela­ti­ve­ment tar­dif, après quinze jours de pro­cès, qu’elle explique par des obli­ga­tions pro­fes­sion­nelles : « J’ai aussi une autre vie. Je tra­vaille, je dois gagner ma vie ». Elle avait bien aperçu quatre d’entre eux lors des confron­ta­tions « mais ils ne m’a­vaient jamais regar­dée », regrette-t-elle dans un soupir.

« Trois ans après, nous en sommes au même point ! »

Au sor­tir de la salle d’au­dience, mani­fes­te­ment abat­tue et mar­quée par l’é­preuve du témoi­gnage à la barre sur la per­son­na­lité de son fils, Aurélie Monkam-Noubissi évoque le réveil de sou­ve­nirs dou­lou­reux. « Cela remue beau­coup cha­cun d’entre nous. Ça creuse à nou­veau le vide et l’ab­sence », se confie-t-elle, ten­tant de maî­tri­ser son émotion.

Les avocats des parties civiles sortent de l'audiience. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Les avo­cats des par­ties civiles sortent de l’au­dience. © Joël Kermabon – Place Gre’net

« En fait, je réa­lise que, trois ans après, nous en sommes au même point. La dou­leur est aussi crue, aussi vio­lente que l’ont été les meurtres de nos enfants », témoigne-t-elle. Et d’a­jou­ter : « Quand j’ai témoi­gné, c’est comme si c’é­tait hier ».

Mais il lui fal­lait être là, face au banc des accu­sés, pour sou­te­nir la mémoire de son fils. « Je veux sen­si­bi­li­ser au fait que, dans mon atti­tude, il n’y a pas de sen­ti­ment de ven­geance, parce que la ven­geance entraîne la vio­lence et ça fait une spi­rale sans fin », explique avec dou­ceur Aurélie Monkam-Noubissi.

Aurélie Monkam-Noubissi vient de témoigner. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Aurélie Monkam-Noubissi vient de témoi­gner. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Quant à ses espoirs, ses attentes de la part des accu­sés, la mère de Kevin est plus que scep­tique et pré­dit une grande décep­tion. « Au bout de trois ans, aucun d’entre eux n’a eu l’at­ti­tude de recon­naître son impli­ca­tion dans le meurtre. Pas plus qu’ils n’ont fait preuve de com­pas­sion, que ce soit de leur part ou de leurs familles », dénonce-t-elle avec force. « Ils sont tou­jours dans le déni ! »

Aurélie Monkam-Noubissi en est convain­cue, « pour son propre salut, pour être res­tauré, il faut recon­naître le mal qu’on a fait…

Il est impor­tant qu’ils fassent cette démarche. Sinon, il n’y a plus d’hu­ma­nité en eux et ils sont pires que des ani­maux, ce que je ne veux pas croire », ajoute-t-elle, pesant soi­gneu­se­ment ses mots.

« Oui, j’ai croisé leurs regards »

Que dire de cette pre­mière fois où les regards se sont croi­sés ? « Cela fait trois ans qu’ils sont enchaî­nés dans leurs propres tour­ments. Ils ont l’air pré­sents sans l’être. Je les vois, mais ils ont une forme d’im­ma­tu­rité qui me stu­pé­fait encore », confie la mère de Kevin. « Oui, j’ai croisé leurs regards, je les ai fixés tout le temps. Un regard vide… »

SérieHuis-clos-7Seul l’un des accu­sés s’est bien mani­festé, a exprimé des regrets et dit qu’il n’a­vait pas par­ti­cipé aux meurtres, mais Aurélie Monkam-Noubissi est dubi­ta­tive. « Pourquoi aujourd’­hui ? Est-ce que ça fait par­tie des for­mules qu’on doit uti­li­ser ? Il est peut-être sin­cère. Je ne peux pas son­der son cœur mais c’est tou­jours cette pos­ture de déni… »

Pour la mère de Kevin, tous sont cou­pables. « Trente coups de cou­teau, de pioche, de mar­teau, de tes­sons de bou­teilles, de batte de base-ball ! Ils étaient bien plu­sieurs à le faire ! À des degrés divers, ils sont impli­qués », se révolte-t-elle. Elle ne sou­haite pas reve­nir aux audiences écou­ter les éven­tuelles expli­ca­tions des accu­sés. Elle ne croit pas à un revi­re­ment. « Quand on les avait inter­ro­gés [au moment des faits, ndlr], ils n’a­vaient pas été plus clairs qu’ils ne le seront là. Je ne pense pas qu’ils chan­ge­ront leur atti­tude », conclut-elle amèrement.

Cette jour­née du 17 novembre met­tait un terme aux exa­mens de per­son­na­li­tés des accu­sés et des vic­times. Les audi­tions d’ex­perts et de témoins débutent ce 18 novembre. Viendront ensuite les inter­ro­ga­toires des accu­sés qui seront ques­tion­nés sur le fond.

Joël Kermabon

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Joël Kermabon

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