REPORTAGE – Ce mardi 17 novembre, Aurélie Monkam-Noubissi, la mère de Kevin, croisait pour la première fois le regard des douze accusés des meurtres de son fils et de Sofiane Tadbirt. Venue pour témoigner devant la cour d’assises des mineurs, à l’occasion de l’enquête de personnalité sur les deux victimes, elle a livré ses tout premiers sentiments à la sortie de l’audience.
Le procès des douze accusés des meurtres de Kevin Noubissi et Sofiane Tadbirt se poursuit… dans le secret du prétoire, la publicité des audiences demandée à corps et à cris par les parties civiles et certains avocats de la défense ayant été refusée par la cour. Après deux premières semaines consacrées à l’examen de la personnalité des accusés, est venu le tour, ce mardi 17 novembre, de celui des victimes. C’était également le jour choisi par le groupe Coexister Grenoble pour appeler à un rassemblement pacifique en soutien aux familles, devant le tribunal.
A l’intérieur, dans la salle des pas perdus, assez peu de monde toutefois : les familles et les proches, des amis, des camarades d’études ou encore des voisins, quelques anonymes… Tous déplorent amèrement que les audiences se déroulent à huis clos. Réunis en petits groupes, conversant à voix basse, ils se cantonnent à livrer quelques impressions générales, rien d’intime. La douleur, voire pour certains la colère, sont trop présentes.
Dans la salle d’audience attenante, les parcours et personnalités de Kevin et Sofiane sont désormais au cœur des échanges. Une redoutable épreuve pour Aurélie Monkam-Noubissi, la mère de Kevin, confrontée pour la première fois à l’ensemble des meurtriers présumés de son fils.
Un face-à-face relativement tardif, après quinze jours de procès, qu’elle explique par des obligations professionnelles : « J’ai aussi une autre vie. Je travaille, je dois gagner ma vie ». Elle avait bien aperçu quatre d’entre eux lors des confrontations « mais ils ne m’avaient jamais regardée », regrette-t-elle dans un soupir.
« Trois ans après, nous en sommes au même point ! »
Au sortir de la salle d’audience, manifestement abattue et marquée par l’épreuve du témoignage à la barre sur la personnalité de son fils, Aurélie Monkam-Noubissi évoque le réveil de souvenirs douloureux. « Cela remue beaucoup chacun d’entre nous. Ça creuse à nouveau le vide et l’absence », se confie-t-elle, tentant de maîtriser son émotion.
« En fait, je réalise que, trois ans après, nous en sommes au même point. La douleur est aussi crue, aussi violente que l’ont été les meurtres de nos enfants », témoigne-t-elle. Et d’ajouter : « Quand j’ai témoigné, c’est comme si c’était hier ».
Mais il lui fallait être là, face au banc des accusés, pour soutenir la mémoire de son fils. « Je veux sensibiliser au fait que, dans mon attitude, il n’y a pas de sentiment de vengeance, parce que la vengeance entraîne la violence et ça fait une spirale sans fin », explique avec douceur Aurélie Monkam-Noubissi.
Quant à ses espoirs, ses attentes de la part des accusés, la mère de Kevin est plus que sceptique et prédit une grande déception. « Au bout de trois ans, aucun d’entre eux n’a eu l’attitude de reconnaître son implication dans le meurtre. Pas plus qu’ils n’ont fait preuve de compassion, que ce soit de leur part ou de leurs familles », dénonce-t-elle avec force. « Ils sont toujours dans le déni ! »
Aurélie Monkam-Noubissi en est convaincue, « pour son propre salut, pour être restauré, il faut reconnaître le mal qu’on a fait…
Il est important qu’ils fassent cette démarche. Sinon, il n’y a plus d’humanité en eux et ils sont pires que des animaux, ce que je ne veux pas croire », ajoute-t-elle, pesant soigneusement ses mots.
« Oui, j’ai croisé leurs regards »
Que dire de cette première fois où les regards se sont croisés ? « Cela fait trois ans qu’ils sont enchaînés dans leurs propres tourments. Ils ont l’air présents sans l’être. Je les vois, mais ils ont une forme d’immaturité qui me stupéfait encore », confie la mère de Kevin. « Oui, j’ai croisé leurs regards, je les ai fixés tout le temps. Un regard vide… »
Seul l’un des accusés s’est bien manifesté, a exprimé des regrets et dit qu’il n’avait pas participé aux meurtres, mais Aurélie Monkam-Noubissi est dubitative. « Pourquoi aujourd’hui ? Est-ce que ça fait partie des formules qu’on doit utiliser ? Il est peut-être sincère. Je ne peux pas sonder son cœur mais c’est toujours cette posture de déni… »
Pour la mère de Kevin, tous sont coupables. « Trente coups de couteau, de pioche, de marteau, de tessons de bouteilles, de batte de base-ball ! Ils étaient bien plusieurs à le faire ! À des degrés divers, ils sont impliqués », se révolte-t-elle. Elle ne souhaite pas revenir aux audiences écouter les éventuelles explications des accusés. Elle ne croit pas à un revirement. « Quand on les avait interrogés [au moment des faits, ndlr], ils n’avaient pas été plus clairs qu’ils ne le seront là. Je ne pense pas qu’ils changeront leur attitude », conclut-elle amèrement.
Cette journée du 17 novembre mettait un terme aux examens de personnalités des accusés et des victimes. Les auditions d’experts et de témoins débutent ce 18 novembre. Viendront ensuite les interrogatoires des accusés qui seront questionnés sur le fond.
Joël Kermabon
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