DÉCRYPTAGE - Manuel Valls a annoncé, ce lundi 26 octobre aux Mureaux dans les Yvelines, que l’État allait prendre la main sur 36 communes ne respectant pas leurs obligations en matière de construction de logement social. La mixité sociale repointe sérieusement le bout de son nez. Quels sont les bénéfices attendus ? Et les habitants en Isère sont-ils bien prêts pour le grand saut ?
Dix ans jour pour jour après les émeutes de 2005 dans les banlieues, le gouvernement reprend le taureau de la mixité sociale par les cornes. Manuel Valls vient en effet d'ordonner aux préfets, ce lundi 26 octobre, de se substituer aux maires de 36 communes. L'objectif ? Faire respecter la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000 leur imposant 20 % de logements sociaux.
Un pas de plus après les 20 mesures supplémentaires proposées le 15 avril dernier par Sylvia Pinel, ministre du Logement et de l’Égalité des territoires, pour parvenir à ancrer la mixité sociale dans les territoires. Ces dernières visent notamment à faciliter l’action des bailleurs sociaux en vue de rééquilibrer le peuplement dans les quartiers et les immeubles. Tout n’est pas encore en place. Certaines dispositions sont en effet inscrites dans le projet de loi « Égalité et Citoyenneté » bientôt déposé au Parlement et qui sera examiné au printemps 2016.
La mixité sociale : une arlésienne
« Comment vous appelez ça, vous, les journalistes ? Un marronnier ? », ironise Abdelkader Benyoub, président de l’association Allons Quartiers !, résidant à La Villeneuve depuis son enfance. « La mixité sociale dans les quartiers, c’est vraiment l’arlésienne ! », s’exclamait en juin dernier dans le même esprit Patricia Dudonné d’Action logement, à l'occasion du bilan 2010-2015 sur la lutte contre les discriminations dans le logement social en Isère.
Mais au fait, depuis quand exactement parle-t-on de mixité sociale ? L'expression est apparue de façon assez soudaine au milieu des années 80 et, surtout, au début des années 90, comme l'a rappelé à cette occasion Thomas Kirszbaum, sociologue urbain associé à l’Institut des sciences sociales du politique (ISP) de l’École normale supérieure de Cachan. Quant à son introduction dans le droit, elle date de la loi d'orientation pour la ville du 13 juillet 1991.
Depuis, de nombreux moyens législatifs ont été mobilisés en faveur de cette mixité sociale tant désirée. La loi SRU a été jusqu'à imposer 20 %* de logements sociaux aux communes de plus de 1.500 habitants en Île-de-France, et de plus de 3.500 habitants pour les autres régions. A suivi le programme national de rénovation urbaine, élaboré en 2003 par Jean-Louis Borloo, visant à restructurer 594 quartiers dans les zones urbaines sensibles (Zus) dans un objectif de mixité sociale. Avec à la clé la mobilisation de 45 milliards d’euros sur près de quinze ans. Voilà qui n’aura pas suffi…
Acharnement thérapeutique ? En tout cas, la nouvelle impulsion a été donnée le 20 janvier 2015, quand Manuel Valls a déclaré vouloir combattre « l’apartheid territorial, social et ethnique ».
Un langage d'ailleurs très mal reçu dans les quartiers populaires, selon Abdelkader Benyoub : « Les politiques doivent montrer l’exemple ! Ce n’est pas le cas de Valls et des autres, Morano, Hortefeux etc., qui ont la parole libérée et disent des gros mots », déplore-t-il.
Pour Thomas Kirszbaum, la chose est entendue : « les politiques de peuplement ne sont pas construites du point de vue des citoyens eux-mêmes, mais bien à partir du point de vue institutionnel ». Du sommet, donc.
Mais pourquoi une telle volonté affichée depuis vingt-cinq ans par les plus hautes autorités de l’État ? Pourquoi cette obsession française de la mixité sociale ?
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