REPORTAGE – Entre 60 et 80 personnes ont manifesté dans les rues de Grenoble, ce samedi 24 octobre, en hommage à Rémi Fraisse, mort le 26 octobre 2014 sur le site de Sivens. L’occasion aussi de dénoncer les violences d’État et les « provocations de la police », son « bras armé ».
« La police tue, désarmons-la ! » Tel était l’un des slogans scandés par les manifestants qui ont déambulé dans les rues de Grenoble, ce samedi 24 octobre, contre les violences policières. Entre 60 et 80 personnes ont ainsi répondu à l’appel lancé par le Collectif grenoblois de soutien à la « zone à défendre » (Zad) des Chambarans pour se souvenir de Rémi Fraisse et lui rendre hommage.
Hommage à Rémi Fraisse. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Il y a presque un an, dans la nuit du 26 octobre 2014, ce jeune diplômé d’un BTS Gestion et protection de la nature, opposant au projet de barrage de Sivens, trouvait la mort.
En cause, une grenade assourdissante lancée par un gendarme mobile appartenant aux forces antiémeutes.
À l’approche de la date anniversaire de sa mort, les manifestants tenaient à lui rendre hommage et, surtout, à dénoncer la violence policière quelle qu’en soit la forme.
Une manifestation solidement encadrée
La manifestation, bien que non autorisée, s’est déroulée dans le calme malgré quelques blocages de carrefours. Et pour cause, elle était solidement encadrée. Rapporté au nombre de manifestants, celui des policiers présents, en tenue antiémeute, était manifestement disproportionné. Peut-être les autorités s’attendaient-elles à un rassemblement de plus grande envergure, à l’image de celui du 5 novembre 2014 qui avait suivi la mort de Rémi Fraisse, à Grenoble.
Une manifestation bien encadrée. © Joël Kermabon – Place Gre’net
« Nous avons manifesté aujourd’hui pour que la mort de Rémi Fraisse ne tombe pas dans l’oubli. Les forces de l’ordre ont toujours été la main armée des gouvernements et de ceux qui possèdent. Nous voulons que la police soit désarmée », expose au mégaphone un représentant du collectif.
Flashballs, grenades offensives, tasers… Autant d’armes susceptibles, selon le militant, « de donner la mort ou de blesser grièvement au cours d’opérations répressives violentes qui ne cessent d’augmenter ». Et de citer, pour preuve, la perte d’un œil subie par le pompier Quentin Charron, blessé par le tir de flashball d’un CRS lors d’une manifestation.
« Presque à chaque fois, la police est innocentée »
Des violences policières qui, par ailleurs, ne se limiteraient pas aux seules manifestations car ce serait « de préférence » dans les quartiers populaires qu’elles s’exerceraient. « On les retrouve dans les quartiers, de façon plus insidieuse, plus silencieuse. N’oublions pas Zyed Benna et Bouna Traoré, électrocutés en fuyant la police, ou encore Amadou Koumé, mort dans un commissariat », rappelle-t-il.
Pour étayer ces propos, le collectif précisait, d’ailleurs, dans son appel à manifester qu’en quatre décennies « entre 500 et 1.000 personnes auraient succombé, directement ou indirectement, des suites d’une opération de police ». Et de s’indigner : « Presque à chaque fois, la police est innocentée. Ceux qui donnent les ordres les ont pourtant bien donnés ! »
Le collectif dénonce également les autres formes que constituent « les dérives d’une idéologie sécuritaire ». En ligne de mire, certains élus locaux « qui n’hésitent pas à réduire les opposants aux grand projets inutiles à des “khmers verts”, “djihadistes verts” ou encore “minorités agissantes” ». Des dérives qui « encouragent l’organisation de milices agissant de manière autonome sous le regard bienveillant des forces de l’ordre ». Et de citer le cas des adhérents de la FNSEA qui firent le siège de la Zad de Roybon et s’en prirent physiquement aux opposants.
Ambiance, ambiance…
Durant la déambulation, il fallait noter l’expression de certains passants au passage du cortège, pour le moins éberlués de voir la police escorter des manifestants qui les malmenaient pourtant allègrement. Surréaliste, vous avez dit ?
Du côté des participants, la méfiance envers les médias se faisait clairement sentir. Certains voulaient bien s’exprimer mais sans être cités nommément. Pas de photos de près et encore moins de vidéo. D’autres étaient masqués, ne souhaitant pas être reconnus.
Méfiance ? © Joël Kermabon – Place Gre’net
Tous ont en revanche bien remarqué le photographe de la police en civil qui, pour le coup, les mitraillait à bout portant depuis le début de la manifestation. Ambiance, ambiance…
« Aujourd’hui, nous avons une police de plus en plus violente. Nous, nous disons que ce n’est pas normal que des gens meurent sous les coups d’une police qui devrait, au contraire, protéger les citoyens », nous confiera tout de même un manifestant avec un sens du résumé quelque peu… désarmant.
À l’issue de la manifestation et du discours qui a suivi, les participants ont pu se recueillir devant des bougies, disposées sur le sol pour former le prénom Rémi. Ils étaient ensuite invités à se rendre au local de Sud Solidaires pour assister à la projection du film La résistance respire, retraçant la lutte contre le barrage de Sivens.
Joël Kermabon