BLOG ÉCONOMIE – Les fonds vautours spéculent contre les États qui ne parviennent pas à rembourser leurs dettes. Quelques réflexions tirées de mon séjour en Argentine, cible privilégiée de ces prédateurs financiers.
La finance n’est plus au service du bien commun. OK, tout le monde le sait. Seulement 15 % des crédits bancaires financent l’économie réelle. Le reste alimente des bulles, de la spéculation et des rentes. L’économie est un peu comme une jungle, peu à peu envahie par les plantes parasites.
Mais elle compte aussi un nombre croissant de prédateurs. Les fonds vautours en sont le dernier avatar. Les vautours sont spécialisés dans l’achat, à bas prix, de titres de dettes d’États en détresse financière. Ils parient sur leur défaut de paiement, puis engagent une action en justice contre eux pour en tirer d’importants revenus.
Tapis dans l’ombre, les vautours attendent que leur cible soit à terre pour attaquer et récupérer un maximum d’argent. L’action est plutôt perverse car elle vise à parier sur l’insolvabilité de leurs débiteurs, alors que la logique normale d’un créancier est de parier sur sa capacité de remboursement.
L’Argentine, cible privilégiée des fonds vautours
La Grèce, proche du défaut de paiement, suscite actuellement la convoitise des vautours. Difficile de dire s’ils la dépèceront en toute quiétude. L’exemple argentin nous fournit un éclairage intéressant à plus d’un titre. L’Argentine est devenue la cible privilégiée des vautours depuis des déboires financiers, au début des années 2000.
Mais les Argentins n’entendent pas se laisser faire. Axel Kicillof, le pétillant ministre de l’Économie et des Finances que j’ai eu l’occasion de rencontrer cette semaine à Buenos Aires, a fait du combat contre les « charognards » sa priorité absolue.
Il conteste la décision d’un tribunal fédéral de l’État de New-York ordonnant le remboursement de 1,33 milliard de dollars à divers fonds spéculatifs ayant refusé les termes de la restructuration de la dette argentine en 2005 et 2010.
La résistance dont fait preuve l’Argentine est remarquable. Mais elle risque de ne pas aboutir si elle n’est pas soutenue par d’autres pays. La Belgique montre ici l’exemple. La Commission des finances du Parlement belge vient de soutenir, à l’unanimité, un projet de loi visant à restreindre l’action des fonds vautours lorsqu’un pays fait défaut sur sa dette.
Bientôt un blocage des transferts d’argent vers les fonds vautours ?
L’action de la Belgique n’est pas anodine. Car Bruxelles est le centre névralgique des lobbys financiers en Europe. C’est aussi le siège d’Euroclear, une des plus importantes chambres de compensation financière internationale. Les paiements argentins au titre de la dette extérieure transitent par Euroclear.
Si la loi était votée, la justice belge pourrait refuser l’exécution d’une décision judiciaire rendue à l’étranger et bloquer les transferts à destination des vautours. D’où l’enthousiasme suscité à Buenos Aires !
La Belgique a compris qu’il fallait cesser d’être égoïste, et que la lutte contre les fonds « charognards » concernait le bien commun. Espérons que la loi sera bien votée par le Parlement belge. Espérons surtout qu’elle fera des émules dans les pays voisins, en particulier celui dont le président a osé dire un jour : « Mon ennemi, c’est la finance » !
Jean-François Ponsot