BLOG GEEK – La réalité virtuelle est devenue… une réalité. Trois casques de qualité présents sur le marché, des promesses d’évolution et de démocratisation, des attentes… et, sans doute au final, un avenir bien plus tourné vers la formation professionnelle ou les implications pratiques que vers le seul domaine du jeu vidéo.
« Je rêvais d’un autre monde où la lune serait ronde… » On pardonnera à Téléphone d’avoir un peu trop sacrifié son propos sur l’autel de la rime, à moins de considérer que notre lune est carrée, mais la chanson résumait l’idée générale. Un autre monde, chacun en rêve. Un au-delà, un nirvana, un valhalla.
Mais si, ainsi que le suggère Platon, notre monde n’était que la perception que nous en avons, qui nous empêche d’en inventer d’autres ? Pour cela, il suffit juste de projeter d’autres ombres sur les parois de nos cavernes. Et la réalité virtuelle – également appelée VR, pour Virtual reality – commence à nous offrir aujourd’hui ces autres mondes tant fantasmés hier.
La réalité virtuelle, une Arlésienne technologique
Rappelons le principe : le casque de réalité virtuelle est, comme son nom l’indique, un casque que l’on se met sur le visage et qui propose deux écrans, un pour chaque œil. Mais le joueur ou le spectateur n’est évidemment pas face à une image fixe : celle-ci réagit aux mouvements de sa tête, favorisant une expérience totalement immersive. Un autre monde, vraiment.
La réalité virtuelle, les joueurs en entendent parler depuis vingt ans, sinon plus. Promesse d’une imminente révolution, infatigable Arlésienne, qui connaîtra évidemment ses tentatives et ses ratés, à l’image des premières machines volantes ou des premiers films projetés en 3‑D dans les salles de cinéma.
Quiconque a l’occasion de comparer Les Dents de la mer 3 à Avatar pourra prendre conscience de ce qu’est un bond technologique. Quand bien même les deux films se rejoignent sur le plan de la médiocrité cinématographique.
Des gadgets destinés à prendre la poussière ?
Aujourd’hui, la réalité virtuelle s’est invitée dans certains foyers. Est-elle encore si surprenante ? À côté des objets connectés, de la réalité augmentée, des smartphones, tablettes et autres technologies auxquelles nous nous sommes si vite habitués, un casque de réalité virtuelle est-il encore l’objet d’émotion qu’il aurait été voilà vingt ans, sinon quinze ?
Le fait est que la presse spécialisée est loin de pousser des cris de stupéfaction face à ce qui apparaît surtout, dans le fond, comme un nouvel accessoire. Elle aura certes suivi avec intérêt le développement de l’Oculus Rift, premier casque abouti à faire parler de lui, et aura volontiers commenté les premières vidéos de démonstration. Notamment une simulation de décapitation par guillotine qui, semble-t-il, faisait son petit effet.
Mais aujourd’hui que trois casques distincts ont fait leur apparition sur le marché, bien des journalistes se montrent circonspects. Et plus personne ou presque ne se risque à voir dans la réalité virtuelle « l’avenir du jeu vidéo ». De là à considérer que les casques de réalité virtuelle ne sont que des gadgets sans intérêt qui prendront la poussière dans quelques mois, il n’y a qu’un pas que beaucoup n’hésitent plus à franchir. Et pourtant…
De 400 à… 1 000 euros le casque de réalité virtuelle
Une chose est certaine : la technologie en est encore à ses débuts. D’autres casques vont faire leur apparition, plus performants, plus pratiques, plus ergonomiques et, probablement, beaucoup moins chers. Le prix demeure en effet un repoussoir bien naturel pour les ménages.
Il faudra compter ainsi près de 1 000 euros pour l’achat d’un casque HTC Vive, de loin le plus performant sur le plan graphique. Le plus gourmand également en matière de configuration : n’espérez pas l’utiliser sur un PC d’entrée ou de milieu de gamme. Le casque Oculus Rift coûte pour sa part environ 600 euros. Tout cela ne comprenant évidemment pas le prix des jeux…
Reste le modèle le plus accessible, du moins pour les possesseurs d’une console Playstation : le PS VR de Sony, uniquement compatible – sauf amusants détournements qui n’ont qu’un intérêt limité – avec les consoles Playstation 4 et PS4 Pro. Ce modèle ne coûte “que” 400 euros, auquel il convient d’ajouter l’achat d’une caméra Sony (60 euros environ) sans laquelle le casque est inutilisable.
Un accessoire au prix prohibitif, en particulier pour qui aura déjà investi entre 300 et 400 euros pour faire l’acquisition d’une console de Sony ? Il semble que le succès ait pourtant été au rendez-vous : à peine sorti dans le commerce, le produit sera en rupture de stock de longues semaines. Victime de son succès… ou d’une stratégie commerciale bien connue de Sony, consistant à créer artificiellement l’attente pour augmenter l’effet d’engouement autour de son produit. La méthode avait fait merveille en son temps avec la console Playstation 2…
Duper le cerveau
Le casque PS VR est le plus accessible mais également le plus faible technologiquement. Et pour autant, le résultat est là, l’immersion est bel et bien réelle. Et le cerveau, moins difficile que nombre de ses propriétaires, se fait fort bien à une résolution d’écran plutôt basse qui rend des effets de graphisme relativement grossier.
Car tout l’enjeu est là : duper le cerveau. Lui faire croire que l’environnement dans lequel il se trouve est réel, ou du moins comporte sa réalité propre. Les premières expériences VR peuvent être déstabilisantes, et mieux vaut sans doute commencer par de courtes sessions de quelques minutes pour s’habituer à se trouver ainsi à deux endroits à la fois. Par exemple, dans son canapé en pyjama d’une part, et sur une autre planète aux pieds d’un gigantesque dinosaure de l’autre.
Que l’on se rassure pour autant : contrairement à certains de ses possesseurs, le cerveau humain n’est pas un imbécile. Tout comme les spectateurs au cinéma ne s’enfuient plus en courant lorsqu’un train sur l’écran se dirige vers eux, le joueur équipé d’un casque de réalité virtuelle ne devient pas fou et n’oublie pas de s’alimenter ou de s’expurger de ses sécrétions naturelles.
Quel avenir pour les jeux en VR ?
Cependant, la question de l’avenir de cette technologie se pose, que celle-ci soit efficace ou non. Quelle exploitation ludique en faire ? Comme souvent, la technique a précédé les usages, et il faut bien reconnaître que les jeux dédiés à la VR demeurent rares, comparés à la production générique.
Ici, se pose la logique actuelle du monde du jeu vidéo, avec des constructeurs qui proposent des technologies, des éditeurs qui attendent que le public s’empare de la technologie pour développer des jeux dessus, et un public qui attend que les éditeurs proposent des jeux pour se tourner vers la technologie…
La solution peut-elle venir des programmes hybrides ? Capcom a créé un certaine sensation en proposant aux possesseurs d’une PS4 de jouer à son dernier Resident Evil tant en mode “normal” qu’en VR. Il est vrai que le jeu s’y prête à merveille : les mondes horrifiques et les frissons malsains sont particulièrement populaires en VR. Mais qui n’aime pas les trains fantômes ?
En réalité, le manque de jeu n’est sans doute pas l’obstacle le plus insurmontable pour que la réalité virtuelle puisse s’implanter dans le quotidien des gamers. Comme nous l’avons dit, la technologie en est encore à ses débuts, et la ludothèque s’enrichira en même temps que le matériel deviendra plus puissant et plus accessible. Les possesseurs de casques actuels sont, en quelque sorte, des pionniers. Ou, disons-le plus prosaïquement, des essuyeurs de plâtre…
Réalité virtuelle… et mal des transports
La vraie question réside dans la cinétose. Le terme, devenu subitement très populaire chez les amoureux de jeu vidéo, désigne le mal des transports, en anglais le motion sickness. Toutes les oreilles internes ne sont pas égales devant la VR : un jeu qui ne provoquera aucune réaction négative chez un joueur pourra donner des nausées à un autre en quelques minutes. Ou au moins produire une sensation de malaise qui nuit considérablement au plaisir de jeu.
Chez certains, les symptômes tendent à se dissiper avec le temps ou l’habitude, mais un certain nombre de joueurs indiquent que les casques de réalité virtuelle n’épargnent décidément pas leurs estomacs.
Et cela malgré tous les efforts des éditeurs pour essayer de réduire ces effets secondaires : modes de mouvement par téléportation ou saccades, jeux auxquels on joue assis, repères sur le sol…
Quelle part de la population mondiale est-elle atteinte de cette – plus ou moins – incurable cinétose ?
Difficile de le dire, mais il semble évident qu’une technologie excluant toute un pan de consommateurs pour des raisons physiologiques n’attirera que moyennement les développeurs.
L’avenir dira si le jeu en réalité virtuelle est condamné à demeurer un produit de niche ou pourra s’imposer dans les ménages. En attendant, certains rêvent déjà des prochaines générations de casques. D’abord le casque sans fil, avant de passer directement… à la lentille de contact de réalité virtuelle. Enthousiasmant… ou effrayant ?
Des implications qui dépassent de loin le jeu vidéo
Mais ce serait commettre une grave erreur que de penser que seul le jeu vidéo peut incarner le futur de la réalité virtuelle. La vidéo, tout court, s’intéresse également à cette technologie, à tel point que Youtube a lancé sa version VR pour les possesseurs, encore une fois, de Playstation. Que les autres ne soient pas jaloux : les vidéos proposées n’ont que peu d’intérêt, et offrent une image d’une confondante médiocrité.
Pour autant, il semble peu probable d’envisager des films de fiction entièrement réalisés pour la réalité virtuelle et offrant une vision à 360 degrés. Même si la technique peut se prêter à des vidéos de type documentaire, où l’immersion peut s’avérer un plus non négligeable. L’industrie pornographique, de son côté, vit très clairement la réalité virtuelle comme un véritable eldorado.
Les implications de la réalité virtuelle dépassent en vérité de loin le simple caractère ludique ou récréatif. Ainsi, les casques de réalité virtuelle peuvent s’avérer être des outils d’apprentissage remarquables, et les écoles de conduite virtuelle commencent à faire leur apparition. Sans surprise, l’armée utilise déjà cette technologie et la Nasa s’y intéresse de très près.
Un outil indispensable pour demain ?
Enfin, l’on peut citer les liens qui tendent à s’établir entre médecine et réalité virtuelle. La fondation Moveo se donne ainsi pour objectif de favoriser la formation des futurs chirurgiens via le casque de réalité virtuelle, afin de favoriser « une mise en condition la plus optimale possible ». En attendant, peut-être, la possibilité de réaliser des opérations à distance ?
Et s’il faut parler de sauver des vies, n’oublions pas qu’un périphérique de réalité virtuelle installé sur un robot mobile peut s’avérer un outil essentiel pour permettre à des pompiers ou des sauveteurs d’inspecter des lieux dangereux ou difficilement accessibles, afin de repérer les dangers potentiels ou les survivants à qui venir en aide.
Un rêve de geek, la réalité virtuelle ? Sans aucun doute. Mais au-delà de sa dimension purement récréative, personne ne devrait perdre de vue toutes les utilisations qui peuvent en être faites. Certes, ces étranges casques aux fils épais, nouvelles lucarnes donnant sur un autre monde, font immédiatement ressembler celui qui le porte à un imbécile. Mais il y a fort à parier qu’ils deviendront, demain, un outil indispensable dans bon nombre de corps de métier.
Florent Mathieu