Enseigne verte de nuit Gaz et électricité de Grenoble © GEG

Service public de l’élec­tri­cité : un retour vers le futur pour GEG ?

Service public de l’élec­tri­cité : un retour vers le futur pour GEG ?

BLOG JURIDIQUE – Alors que l’affaire GEG, très sen­sible poli­ti­que­ment, semble pour l’ins­tant en stand-by, Sébastien Brameret, maître de confé­rences en droit public à la faculté de droit de Grenoble, pro­pose son ana­lyse et orga­nise une ren­contre sur ce thème à l’u­ni­ver­sité, le lundi 2 mars 2015. Au cours de celle-ci, les étu­diants du Master 2 de Droit public des affaires des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales pré­sen­te­ront leurs tra­vaux et en dis­cu­te­ront avec Raymond Avrillier, grand témoin du dossier.

GEG voiture Gaz électricité de Grenoble

© GEG

Être une société d’é­co­no­mie mixte locale (SEML) ne pré­juge pas de l’obtention d’un contrat avec son action­naire public prin­ci­pal. Tel est, en sub­stance, le mes­sage adressé par la muni­ci­pa­lité de Grenoble à sa société d’économie mixte locale Gaz et Électricité de Grenoble (GEG).

Une déci­sion exceptionnelle

Par une déci­sion du 8 octobre 2014, la com­mis­sion d’appel d’offres (CAO) de la Ville de Grenoble a, en effet, décidé de ne pas renou­ve­ler le mar­ché public de ges­tion de l’éclairage public de la Ville, lui pré­fé­rant l’offre pré­sen­tée par un consor­tium d’entreprises pri­vées consti­tuées autour de Citéos, Vinci Énergie et Bouygues Énergie. Cette déci­sion inter­pelle, tant il est excep­tion­nel qu’une société d’é­co­no­mie mixte locale n’obtienne pas, de la part de son action­naire majo­ri­taire, la ges­tion de l’activité pour laquelle elle a été spé­cia­le­ment créée.

Au-delà des débats poli­tiques – sou­vent viru­lents – et des inquié­tudes des sala­riés de l’entreprise quant à leur ave­nir et à la péren­nité de l’entreprise (le mar­ché public, d’une valeur de plus de 15 mil­lions d’euros sur 8 ans, concerne la ges­tion de près de 19 000 points lumi­neux sur la ville), le non-renou­vel­le­ment du contrat appelle trois observations.

Enseigne Gaz et Électricité de Grenoble © GEG

© GEG

En pre­mier lieu, le choix de la CAO sou­ligne l’efficacité des pro­cé­dures de mise en concur­rence issues du Code des mar­chés publics. Que n’aurait-on lu – dans la presse ou ailleurs – si la société avait obtenu le contrat alors qu’elle ne pré­sen­tait pas l’offre la plus per­ti­nente en matière de pro­jet muni­ci­pal et de pro­tec­tion des finances locales ? Il appa­raît en effet que l’offre pré­sen­tée par GEG ne recueillait que 87 points sur 100, contre 94 pour Citéos. Il faut, de ce point de vue, recon­naître aux membres de la CAO de n’avoir pas, comme c’est trop sou­vent le cas par ailleurs, cher­ché à affai­blir les règles de mise en concur­rence pour attri­buer le contrat à la société à capi­tal mixte.

Bâtiment de GEG © GEG

Bâtiment de GEG © GEG

En deuxième lieu, cette déci­sion laisse une forte impres­sion d’amateurisme dans la défi­ni­tion des orien­ta­tions stra­té­giques de l’entreprise publique par son prin­ci­pal action­naire (la Ville de Grenoble détient 50 % + une voix de GEG). Il appar­tient, en effet, à la Ville de déci­der de l’emploi qu’elle veut faire de l’entreprise dont elle est propriétaire.

Il n’y a, en réa­lité, qu’une alter­na­tive. Soit la ville a l’intention de conti­nuer à uti­li­ser le savoir-faire de GEG et, dans cette pers­pec­tive, il est incom­pré­hen­sible que l’entreprise puisse pré­sen­ter une offre ne répon­dant pas par­fai­te­ment et inté­gra­le­ment aux exi­gences défi­nies par son pro­prié­taire –, et ce, alors même qu’elle est pré­si­dée par un élu local, adjoint au maire. Soit, au contraire, la ville se dés­in­té­resse de l’entreprise, et elle devra, à court terme, déci­der de son ave­nir (main­tien en l’état, dis­so­lu­tion ou trans­for­ma­tion en régie – éven­tuel­le­ment per­son­na­li­sée – ou en société publique locale). En toute hypo­thèse, cette affaire aura des réper­cus­sions sur l’avenir même de l’entreprise.

Une his­toire tour­men­tée entre la Ville et GEG 

En der­nier lieu – et pour com­prendre les enjeux de pou­voirs –, la déci­sion de la CAO s’inscrit dans l’histoire tour­men­tée des rela­tions entre la Ville et son pres­ta­taire d’énergies.

Alain Carignon alors ministre de l'environnement le 11 mai 1986 en duplex de Grenoble.

C’est Alain Carignon qui a trans­féré la ges­tion de l’éclairage public à GEG en 1986. © ina​.fr

GEG fait par­tie de la caté­go­rie des Distributeurs non natio­na­li­sés (DNN) au sens de la loi de natio­na­li­sa­tion de l’électricité et du gaz du 8 avril 1946 (L. n° 46 – 628) : d’abord créée sous forme de régie, elle a été trans­for­mée en SEML le 11 avril 1986, sous l’impulsion du maire RPR de l’époque, Alain Carignon (maire de 1983 à 1995). Cette évo­lu­tion a tou­jours cris­tal­lisé le mécon­ten­te­ment d’une par­tie de l’opposition muni­ci­pale, nos­tal­gique de l’ancienne régie municipale.

Les équipes muni­ci­pales diri­gées par le socia­liste Michel Destot (maire de 1995 à 2014) se sont très rapi­de­ment accom­mo­dées de l’existence de la société. En revanche, cer­tains membres de la majo­rité (deve­nue par la suite oppo­si­tion de gauche au PS) ont sys­té­ma­ti­que­ment contesté les déci­sions muni­ci­pales rela­tives à l’entreprise, depuis sa créa­tion (CE, 28 juin 1989, n° 77659, Synd. des per­son­nels des indus­tries élec­triques et gazières du centre de Grenoble) jusque dans ses rela­tions contrac­tuelles avec son action­naire majoritaire.

Saisi par Raymond Avrillier – requé­rant d’habitude –, le Conseil d’État a ainsi eu l’occasion de sépa­rer les pres­ta­tions d’éclairage public et de la délé­ga­tion de ser­vice public de four­ni­ture d’électricité et de gaz (CE, 31 juill. 2009, n° 296964, Ville Grenoble et Société Gaz et Électricité de Grenoble : JurisData n° 2009 – 007913 ; Contrats-Marchés publ. 2009, comm. 331, note G. Eckert). Cette déci­sion conten­tieuse est à l’origine de la pro­cé­dure de mise en concur­rence ayant abouti à la déci­sion du 8 octobre.

Quel ave­nir pour GEG ?

Pourtant, et de façon très para­doxale, la déci­sion de la CAO – adop­tée à l’unanimité de ses membres, toutes ten­dances poli­tiques – affai­blit l’espoir de ren­for­ce­ment des contrôles publics sur l’éclairage de la ville que la nou­velle majo­rité s’était enga­gée à remunicipaliser !

À moins qu’il ne s’agisse d’une nou­velle tac­tique pour jus­ti­fier la sup­pres­sion de la société et l’exhumation de l’ancienne régie muni­ci­pale… Un autre recours conten­tieux a, en effet, été engagé le 22 octobre 2012, par Raymond Avrillier et des membres de l’opposition muni­ci­pale de gauche de l’époque – deve­nue majo­rité Écologiste-Front de Gauche à l’issue des élec­tions du 30 mars 2014 –, cette fois-ci à l’encontre du renou­vel­le­ment de la conces­sion de dis­tri­bu­tion de gaz et d’électricité.

Capture d’écran 2015-02-22 à 10.58.32Pour par­faire ce tableau, la mai­rie a d’ores et déjà annoncé son inten­tion de ne pas dépo­ser de mémoire en défense dans cette affaire, lais­sant ainsi à pen­ser qu’une annu­la­tion de la délé­ga­tion de ser­vice public de dis­tri­bu­tion n’irait pas contre ses inté­rêts. Par ailleurs, elle a saisi début novembre le pré­fet de l’Isère d’une demande de pro­lon­ga­tion excep­tion­nelle du mar­ché public d’éclairage actuel pour une durée de 9 mois, « afin d’étudier la fai­sa­bi­lité de l’exploitation de l’éclairage public en régie muni­ci­pale », selon les termes d’un com­mu­ni­qué de presse du 13 novembre der­nier. Le débat poli­tique reprend ainsi le pas sur les ques­tions juri­diques. L’avenir de la société semble s’être, d’un coup, bien assombri…

Sébastien Brameret

Cette tri­bune a ini­tia­le­ment été publiée dans la revue La Semaine juri­dique – Administration et col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, 15 décembre 2014, n° 50, sous le titre « Les zones d’ombres de l’é­clai­rage muni­ci­pal ».

« LE SERVICE PUBLIC DE L’ÉLECTRICITÉ A GRENOBLE : UN RETOUR VERS LE FUTUR ? »

Dans le cadre des Lundis du droit public éco­no­mique, Sébastien Brameret orga­nise une ren­contre à l’u­ni­ver­sité autour de l’af­faire GEG, avec Raymond Avrillier et trois étu­diants du Master 2 Droit public des affaires des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales (DPACT).

Les lundis du droit public économique : Le service public de l'électricité à Grenoble : un retour vers le futur ? avec le Groupe de recherche en droit public économique (GRDPE) du Centre de recherches juridiques (CRJ)

C’est sur l’af­faire GEG que les étu­diants du M2 DPACT de la faculté de droit de Grenoble ont tra­vaillé et pré­sentent leurs tra­vaux, lors d’un débat avec Sébastien Brameret, maître de confé­rences en droit public et spé­cia­liste des Sem, et Raymond Avrillier, dont on connaît l’im­por­tance dans ce dossier.

Le Groupe de recherche en droit public éco­no­mique (GRDPE) du Centre de recherches juri­diques (CRJ) de la Faculté de droit de Grenoble a pris l’habitude, depuis sa créa­tion, d’organiser des séances d’ac­tua­lité sur des thé­ma­tiques liées à l’action publique dans le domaine éco­no­mique. Ces Lundis du droit public éco­no­mique se déroulent le pre­mier lundi de chaque mois, durant la période universitaire.

Pour le mois de mars, le GRDPE a décidé de s’as­so­cier au Groupe de recherche État, admi­nis­tra­tion, ter­ri­toire (GREAT) pour pro­po­ser une ana­lyse de l’ac­tua­lité locale, vue par trois étu­diants du Master 2 Droit public des affaires des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, en s’ap­puyant sur « l’af­faire » de la perte du mar­ché public de l’é­clai­rage muni­ci­pal de la Ville de Grenoble par sa Seml Gaz et élec­tri­cité de Grenoble, fin 2014.

La séance sera pla­cée sous le haut-patro­nage de Raymond Avrillier, maire-adjoint hono­raire de la Ville de Grenoble, témoin pri­vi­lé­gié de ce dossier.

Plus d’in­for­ma­tions :

Site de la Faculté de droit de Grenoble (accé­der à la faculté).
Site du Centre de recherches juri­diques.

FB, NK et RR

Auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A lire aussi sur Place Gre'net

La Ville de Grenoble maintient le cap du renouvellement de son parc d'éclairage public après huit ans de Régie lumière
Eclairage public : la Ville de Grenoble aban­donne sa régie lumière mais conti­nue de renou­ve­ler son parc

FOCUS - Après huit ans de Régie lumière autour d'un contrat Crem (pour "conception, réalisation, exploitation et maintenance"), la Ville de Grenoble dresse le bilan Lire plus

Grenoble : Energ’Y citoyennes et GEG entament une col­la­bo­ra­tion pour « accé­lé­rer la tran­si­tion énergétique »

FLASH INFO - Energ'Y citoyennes et Gaz électricité de Grenoble (GEG) ont signé, vendredi 2 février 2024, une convention matérialisant leur rapprochement, afin "d'accélérer la Lire plus

Palestine : la confé­rence-débat avec Salah Hamouri s’est tenue à Échirolles mal­gré l’in­ter­dic­tion préfectorale

EN BREF - Plusieurs centaines de personnes ont assisté, mardi 30 janvier 2024 au soir, à Échirolles, à une conférence-débat organisée par l'Association France Palestine Lire plus

Grenoble CivicLab lance une nouvelle édition de sa "démarche de conception collaborative de solutions numériques"
Solutions numé­riques : Grenoble CivicLab lance une nou­velle édi­tion de sa « démarche de concep­tion collaborative »

FLASH INFO - Grenoble CivicLab a lancé mardi 28 novembre 2023 la quatrième édition de sa "démarche de conception collaborative de solutions numériques pour le Lire plus

La justice rejette la demande de suspension de la délibération sur les nouveaux représentants de la Métro au sein de GEG
La ques­tion des repré­sen­tants de la Métro à GEG, nou­velle preuve de crise de confiance avec la Ville

FOCUS - Le débat avait été houleux en juillet et connaît un nouvel épisode judiciaire. Le tribunal administratif a en effet rejeté la requête en Lire plus

Le Parc natu­rel régio­nal du Vercors obtient le label « Réserve inter­na­tio­nale de ciel étoilé »

FOCUS - Le Parc naturel régional (PNR) du Vercors vient d'obtenir le label "Réserve internationale de ciel étoilé" (RICE) décerné par DarkSky International, a-t-il annoncé Lire plus

Flash Info

Les plus lus

Agenda

Je partage !