Si l’on considère ces nouvelles métropoles – au nombre de neuf à être créées par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) du 27 janvier 2014 (sans compter Brest et Montpellier, volontaires pour le devenir, et Paris, Lyon et Aix-Marseille qui bénéficient d’un statut métropolitain particulier –, que signifie ce changement de statut pour la communauté d’agglomération Grenoble-Alpes-Métropole (« La Métro ») au 1er janvier 2015 ?
Au-delà de ce qu’impose la loi, dès l’origine, par la reconnaissance de ce nouveau statut de métropole, ce sont les possibilités d’évolution ultérieures qui présentent le plus d’intérêt dans un paysage institutionnel profondément remis en cause par la réforme territoriale.
Doter Grenoble du statut de métropole à part entière n’allait pas nécessairement de soi au regard de la taille démographique de l’agglomération. Mais l’activisme politique et le dynamisme économique du territoire ont eu raison des réticences du parlement, Grenoble bénéficiant ainsi d’une reconnaissance législative, au même titre que treize autres grandes agglomérations françaises.
Une nouvelle architecture institutionnelle
A l’instar de toutes les métropoles, la Métro dispose depuis le 1er janvier 2015 d’un conseil de la métropole composé de conseillers métropolitains, dont le nombre et la répartition sont fixés par la loi. En 2020, leur élection devra se faire « au suffrage universel direct, suivant des modalités particulières fixées par la loi avant le 1er janvier 2017 », précise l’article 54 de la loi Maptam, renvoyant donc au législateur le soin de préciser le mode de scrutin applicable mais soulignant, dans le même temps, le caractère singulier des élections municipales et communautaires de mars 2014.
Quant au président du conseil de la métropole, il est élu au scrutin secret à la majorité absolue aux deux premiers tours de scrutin ou à la majorité relative au troisième tour. Enfin, la loi Maptam prévoit que les métropoles de droit commun puissent désigner au maximum vingt vice-présidents.
Il est également institué, à Grenoble comme dans chaque métropole, une conférence dite « métropolitaine », qui réunit au minimum deux fois par an le président du conseil de la métropole – qui préside d’ailleurs cette conférence –, et les maires des communes membres, en vue d’évoquer « tous sujets d’intérêt métropolitain ou relatifs à l’harmonisation de l’action de ces collectivités ». La réunion est organisée à l’initiative du président du conseil de la métropole ou à la demande de la moitié des maires et se tient selon un ordre du jour déterminé.
Enfin, toujours sur le plan institutionnel, une des innovations majeures des communautés d’agglomération a été reprise pour les métropoles : le conseil de développement. Organe consultatif composé de personnalités extérieures à la métropole, ce conseil doit représenter les milieux économiques, sociaux, culturels, éducatifs, scientifiques et associatifs. Son rôle ne change pas et la loi n’est guère prolixe quant à son organisation et son fonctionnement.
Des compétences complémentaires qui bouleversent le paysage administratif local
Mais si le droit institutionnel commun des métropoles reste très traditionnel, il en va différemment concernant les compétences, puisqu’on relève une extension sensible de leurs champs d’intervention.
En ce qui concerne les compétences exercées en lieu et place des communes membres, en respectant l’ordre retenu par la loi elle-même, on note ainsi qu’en matière de développement et d’aménagement économique, social et culturel, le champ d’intervention a été complété par la participation au copilotage des pôles de compétitivité et au capital des sociétés d’accélération du transfert de technologie, la promotion du tourisme et la création d’offices de tourisme, l’établissement d’un programme de soutien et d’aides aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche et aux programmes de recherche.
De même, en matière d’aménagement de l’espace, la métropole est compétente de plein droit pour les schémas de cohérence territoriale et schémas de secteur, pour les plans locaux d’urbanisme, pour créer et aménager des opérations d’aménagement d’intérêt métropolitain ou pour être autorité organisatrice de la mobilité (notion évidemment plus large que celle des seuls transports urbains), notamment.
En ce qui concerne la compétence habitat, elle est également vaste et intègre, outre le PLH et la politique du logement, une intervention de la métropole pour l’aménagement, l’entretien et la gestion des aires d’accueil des gens du voyage. La politique de la ville inclut, de même, une compétence en matière de dispositifs d’accès au droit. Pour la gestion des services d’intérêt collectif, on retrouve les cimetières et sites cinéraires d’intérêt métropolitain, la création et la gestion des crématoriums.
Enfin, la compétence relative à la protection de l’environnement est particulièrement étoffée puisqu’elle couvre désormais de la gestion des déchets ménagers à la contribution à la transition énergétique, l’élaboration et l’adoption du plan climat-énergie territorial (PCET), la concession de la distribution publique d’électricité et de gaz, la création, l’aménagement, l’entretien et la gestion des réseaux de chaleur ou de froid urbains, la création et l’entretien des infrastructures de charge nécessaires à l’usage des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, la gestion des milieux aquatiques ou encore la prévention des inondations.
L’extension des compétences est donc une réalité, d’autant plus que, si une majorité qualifiée de communes le souhaite, une métropole peut bien évidemment exercer des compétences supplémentaires. Enfin, la métropole est associée à l’élaboration de différents schémas et documents de planification en matière d’aménagement, de développement économique, et pourra donc, dans ce cadre, faire valoir son point de vue. Mais cet élargissement des compétences peut encore être accentué par une délégation conventionnelle de compétences de la part d’autres collectivités territoriales ou de l’État.
Ainsi, des délégations de compétences de la part des départements sont possibles dans des domaines sensiblement plus larges que ceux qui étaient prévus jusqu’alors. De même, des délégations de la part de la région sont rendues possibles par la loi en matière de lycées ou de développement économique. Enfin, les métropoles de droit commun peuvent, à leur demande, se voir déléguer un certain nombre d’interventions étatiques, à condition de disposer d’un programme de l’habitat exécutoire.
De plus, l’État peut transférer à la métropole, qui en fait la demande la propriété, l’aménagement, l’entretien et la gestion de grands équipements et infrastructures. La loi prévoit, pour finir, des modalités similaires de délégation pour la gestion des logements étudiants ou la construction et la gestion de foyers de jeunes travailleurs.
Une métropole grenobloise amenée à se singulariser
La volonté du législateur de prendre en compte les situations locales dans toute leur complexité est louable : elle aboutit néanmoins à prévoir tant d’adaptations immédiates ou à venir que le régime juridique en perd nécessairement de sa cohérence et de son caractère commun. En même temps, c’est une chance offerte au territoire grenoblois de faire prévaloir ses spécificités et ses avantages concurrentiels sur les autres métropoles françaises.
Cette absence de droit commun uniforme et cette préoccupation constante du législateur d’adapter la règle de droit aux spécificités des territoires rend également la réforme permanente. La loi Maptam à peine promulguée, de nouvelles étapes sont déjà annoncées, à l’instar des déclarations présidentielles contenues dans la conférence de presse du 14 janvier 2014.
Dans la lignée des propos de François Hollande, le gouvernement envisage en effet désormais de supprimer, d’ici 2020, les conseils généraux sur le territoire des métropoles dites de droit commun. Une telle évolution, pour le moins audacieuse et délicate politiquement, s’inspirerait donc de l’exemple lyonnais et aurait vocation à être inscrite dans le prochain projet de loi de décentralisation.
Ainsi, en ce qui concerne la métropole grenobloise, la disparition annoncée du Conseil général de l’Isère sur son territoire, ainsi que la fusion décidée des régions Rhône-Alpes et Auvergne dès le 1er janvier 2016, annoncent de nouvelles configurations politiques et institutionnelles locales : chance ou risque pour la nouvelle métropole alpine ?
Seul l’avenir pourra apporter des éléments de réponse mais il est évident que le changement de statut ne signe en rien la fin d’une aventure intercommunale débutée il y a près de cinquante ans (en 1966), sous la forme d’un syndicat intercommunal regroupant alors 21 communes. Couvrant désormais 49 communes et près de 433 000 habitants, la nouvelle Grenoble-Alpes Métropole va pouvoir continuer à écrire sa propre histoire et poursuivre ses efforts de différenciation avec les autres métropoles françaises.