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La sonde Rosetta et l'atterrisseur Philae. © esa - J. Huart

Philae : épi­sode V de la saga de la sonde Rosetta

Philae : épi­sode V de la saga de la sonde Rosetta

La comète 67P/Churyumov – Gerasimenko, Chury pour les intimes, com­mence à livrer ses secrets à Rosetta, la sonde spa­tiale spé­cia­le­ment conçue pour l’étudier. Un évè­ne­ment cru­cial, en pré­pa­ra­tion, mobi­lise toute l’énergie des équipes scien­ti­fiques : l’atterrissage du module Philae sur la comète, à quelque 400 mil­lions de kilo­mètres de la terre.

La sonde Rosetta et l'atterrisseur Philae. © esa - J. Huart

La sonde Rosetta et l’at­ter­ris­seur Philae. © Esa – J. Huart

Le fabu­leux pro­gramme de tra­vail confié il y a plus de dix ans à la sonde spa­tiale Rosetta (voir les pré­cé­dents posts du blog sciences de Place Gre’net) se déroule comme prévu. La sonde s’est par­fai­te­ment mise en orbite autour de la comète. Elle en fait actuel­le­ment le tour en qua­torze jours, alors que Chury fait un tour sur elle-même en 12,4 heures.
L’équipe de l’Institut de pla­né­to­lo­gie et d’astrophysique de Grenoble (Ipag) diri­gée par Wlodek Kofman est impli­quée dans ce pro­jet et tient Place Gre’net régu­liè­re­ment infor­mée des pro­grès de cette excep­tion­nelle mission.
Rappelons que la sonde Rosetta est com­po­sée de deux modules prin­ci­paux : l’orbiteur qui, comme son nom l’indique, orbite autour de Chury ; et l’atterrisseur qui, le 11 novembre pro­chain, se posera sur la comète. Ces deux modules sont équi­pés d’appareils de mesure très sophis­ti­qués (onze pour le pre­mier et dix pour le second) : spec­tro­graphes, spec­tro­mètres de masse, ana­ly­seurs chi­miques, radio­té­les­copes, camé­ras etc. 
Instruments présents sur Rosetta -Crédit-CNES

Les ins­tru­ments pré­sents sur Rosetta. – © Cnes

Au fur et à mesure que Rosetta s’approchait de Chury, pas­sant de plu­sieurs mil­liers à quelques dizaines de kilo­mètres, ces divers ins­tru­ments ont com­mencé leur tra­vail d’investigation. C’est ainsi que la camera Osiris a pu pho­to­gra­phier avec une très grande pré­ci­sion la sur­face de la comète.

Une comète pleine de… vide !

Celle-ci pré­sente une forme géné­rale assez étrange, en canard, fai­sant appa­raître deux masses prin­ci­pales reliées par une espèce de pont. Elle exhibe une sur­face avec de nom­breuses aspé­ri­tés et des reliefs pro­non­cés. Les pho­tos prises ont per­mis de réa­li­ser une carte pré­cise de la comète et même d’en pro­po­ser une repré­sen­ta­tion 3D.
Instruments présent sur l'atterrisseur Philae-Crédit CNES-

Les ins­tru­ments pré­sents sur l’at­ter­ris­seur Philae. © Cnes

D’autres ana­lyses per­mettent d’estimer la masse et la den­sité de la comète. Il appa­raît que Chury est deux fois moins dense que l’eau et que, par consé­quent, cet agré­gat fait de glace et de pous­sière est très majo­ri­tai­re­ment consti­tué… de vide ! Non pas parce qu’il y aurait de grandes poches sans matière mais plu­tôt parce qu’à l’instar des roches ter­restres comme la pierre ponce, Chury serait consti­tuée d’une mul­ti­tude de micro bulles.
D’autres ins­tru­ments embar­qués comme Midas (Micro-Imaging Dust Analysis System) ou Giada (Grain Impact Analyser and Dust Accumulator) ont d’ores et déjà per­mis d’analyser les molé­cules pré­sentes dans la coma, c’est-à-dire dans la queue de la comète. De l’eau, du monoxyde et du dioxyde de car­bone ont été détec­tés. Il sem­ble­rait qu’il y ait aussi quelques com­po­sés plus com­plexes de type hydro­car­bure. Notons enfin que le détec­teur Cosima a pu cap­tu­rer quelques grains de pous­sières de quelques cen­tièmes de mil­li­mètres issus de la comète. Ces par­ti­cules seront ana­ly­sées et leur com­po­si­tion chi­mique pré­cise établie.

Philae à la manœuvre

Vue Globale de Chury prise par la camera Osiris-Crédit ESA-

Vue Globale de Chury prise par la camera Osiris. – © esa

Bref, on le voit, Rosetta et les équipes de scien­ti­fiques qui, sur terre, lui donnent leurs ins­truc­tions, n’ont pas chômé. Nul doute que des don­nées aussi nou­velles que pas­sion­nantes vont rapi­de­ment s’accumuler.
Une pro­chaine étape de la mis­sion est atten­due avec une grande exci­ta­tion. Il s’agit de l’atterrissage, sur Chury, de Philae, petit module truffé d’instruments de mesure. Nombre d’entre eux sont des ana­ly­seurs d’échantillons solides et gazeux. Leur fonc­tion consis­tera à iden­ti­fier tous les com­po­sants chi­miques pré­sents sur la sur­face de Chury ou proches de celle-ci.
La comète Chury vue sous un autre angle-Crédit ESA-

La comète Chury vue sous un autre angle. – © Esa

Wlodek Kofman et son équipe de l’Ipag ont conçu l’un des ins­tru­ments pré­sents sur l’atterrisseur et en ont la charge. Il s’agit de Consert, un sys­tème radar très sophis­ti­qué, dont une par­tie res­tera sur l’orbiteur et une autre se posera avec l’atterrisseur sur la comète (cf. article pré­cé­dent sur le blog sciences de Place Gre’net).
Consert est le seul ins­tru­ment de la mis­sion Rosetta qui four­nira des infor­ma­tions sur la struc­ture interne du noyau comé­taire. On ima­gine avec quelle impa­tience, mêlée d’un peu d’anxiété, l’équipe gre­no­bloise attend cet atter­ris­sage afin de pou­voir com­men­cer les pre­mières mesures, pla­ni­fiées quelque dix ans plus tôt.

Trouver LE bon site d’atterrissage

Où en est-on actuel­le­ment ? « La comète a été pho­to­gra­phiée et sa sur­face pré­ci­sé­ment car­to­gra­phiée avec une pré­ci­sion d’environ deux mètres par pixel. Une carte 3D a même été éta­blie » confie Wlodek Kofman. Les cher­cheurs dis­posent donc main­te­nant d’éléments suf­fi­sants pour choi­sir un “bon” site d’atterrissage. Un cer­tain nombre de cri­tères sont requis pour trou­ver LE site le plus approprié :
  1. les carac­té­ris­tiques géo-phy­sique de la plate-forme d’atterrissage ;
  2. la mini­mi­sa­tion des dif­fi­cul­tés liées au vol pro­pre­ment dit de l’orbiteur vers le site ;
  3. l’intérêt scien­ti­fique du site ;
  4. l’opérationnalité spé­ci­fique des ins­tru­ments à cet endroit choisi de la comète ;
  5. et enfin la com­pa­ti­bi­lité de ce choix avec les autres aspects de la mis­sion tels que défi­nis par le chef de projet.
Dix sites ont été ini­tia­le­ment rete­nus. Puis, après ana­lyse des don­nées et dis­cus­sion entre les res­pon­sables des dif­fé­rents pro­jets pour esti­mer les avan­tages de tel site par rap­port à tel autre, cinq d’entre eux ont été exclus. Finalement, une ren­contre s’est tenue le week-end du 12 sep­tembre pour sélec­tion­ner les deux sites fina­listes : l’un prio­ri­taire et l’autre secondaire.
L’acquisition de don­nées com­plé­men­taires nou­velles dans les semaines à venir per­met­tra de confir­mer défi­ni­ti­ve­ment lequel des deux sera fina­le­ment choisi pour l’atterrissage le jour J. Confiée entre autres aux ingé­nieurs du Cnes, la manœuvre s’a­vère extrê­me­ment déli­cate et poin­tue. Et pour cause : le pre­mier essai doit être le bon car il ne peut y en avoir d’autres !
Détail de la surface de la Comète-Crédit ESA-

Détail de la sur­face de la Comète. – © Esa

Partie de ping pong avec Consert

Mais reve­nons à Consert. Comment fonc­tion­nera-t-il ? « Il mesu­rera la pro­pa­ga­tion d’ondes élec­tro­ma­gné­tiques métriques (ndlr : 90 MHz) à tra­vers le noyau entre l’orbiteur et l’atterrisseur » explique Sonia Zine, maître de confé­rence à l’Université Joseph Fourier et cher­cheuse à l’Ipag.
L’expérience Consert peut être com­pa­rée à une espèce de par­tie de ping-pong entre deux joueurs : le pre­mier, placé sur l’orbiteur, le second sur l’atterrisseur. La balle est rem­pla­cée par une onde qui part des ins­tru­ments Consert de l’orbiteur, tra­verse le noyau et atteint Consert sur l’atterrisseur, posé sur la comète. Celui-ci ana­lyse les signaux, les ren­voie vers l’orbiteur et ainsi de suite. Le tout en quelques cen­taines de millisecondes !
Présentée comme cela, l’ex­pé­rience paraît simple. En fait, elle a néces­sité des années de tra­vail en amont et des cal­culs extrê­me­ment éla­bo­rés, depuis les toutes pre­mière étapes de l’élaboration du pro­jet Rosetta. Les choses se sont évi­dem­ment accé­lé­rées ces der­niers mois, depuis que les cher­cheurs sont en pos­ses­sion de don­nées nou­velles, concrètes et pré­cises sur la struc­ture et la com­po­si­tion pro­bables de la comète.
Les scien­ti­fiques tra­vaillent donc d’arrache-pied (d’arrache-neurones devrait-on dire !) pour affi­ner tous les para­mètres de pro­gram­ma­tion infor­ma­tique très sophis­ti­qués néces­saires aux mesures phy­siques pré­vues. Sans ren­trer dans tous les détails, il s’agit pour l’essentiel :
  1. d’actualiser les cal­culs par rap­port aux don­nées topo­lo­giques récem­ment obte­nues et reliées au site qui sera choisi ;
  2. cal­cu­ler et modé­li­ser les diverses orbites pos­sibles de l’orbiteur pour obte­nir les meilleures mesures ;
  3. actua­li­ser et affi­ner les pro­grammes infor­ma­tiques d’analyse des signaux four­nis par Consert en tenant compte des obser­va­tions récentes.

Opportunité excep­tion­nelle

« L’étude du signal pro­pagé à tra­vers le noyau – délai, puis­sance, che­mins mul­tiples – per­met­tra d’acquérir des infor­ma­tions sur la constante diélec­trique des com­po­sants du noyau de la comète » pré­cise Sonia Zine. Ce para­mètre phy­sique per­met­tra de détec­ter et d’imager les grandes struc­tures du noyau et les diverses stra­ti­fi­ca­tions poten­tielles. Bref, de carac­té­ri­ser la struc­ture interne et la com­po­si­tion du noyau en terme de den­sité et d’hétérogénéité.
« Notons que si les don­nées obte­nues par Consert ne per­mettent pas d’établir pré­ci­sé­ment la nature chi­mique des maté­riaux consti­tuant le noyau, pour­suit-elle, elles peuvent néan­moins don­ner de pré­cieuses indi­ca­tions. Ainsi, une constante diélec­trique proche de deux sug­gé­rera for­te­ment la pré­sence de glace. »
Wlodek Kofman et Sonia Zine-Credit PS-

Wlodek Kofman et Sonia Zine. © Patrick Seyer – pla​ce​gre​net​.fr

Les infor­ma­tions four­nies par l’expérience Consert sur la struc­ture interne du noyau de Chury repré­sen­te­ront donc, à n’en pas dou­ter, une avan­cée consi­dé­rable de notre com­pré­hen­sion des pro­ces­sus de for­ma­tion de la comète. Et par là-même – comme nous l’indiquions dans notre pré­cé­dent article – d’acquérir des infor­ma­tions fon­da­men­tales sur la for­ma­tion du sys­tème solaire. 
Autant de recherches pas­sion­nantes qui – comme le sou­ligne Sonia Zine avec une délec­ta­tion évi­dente – « repré­sentent une oppor­tu­nité excep­tion­nelle n’arrivant pro­ba­ble­ment qu’une fois dans toute une car­rière d’astrophysicien ».
Patrick Seyer

Patrick Seyer

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