ENQUÊTE – La terre tremble, Grenoble bouge à peine. Jusqu’à quand ? Les sismologues sont formels : un séisme de magnitude 6 voire 7 frappera un jour cette partie des Alpes. Alors que la réglementation nationale se met doucement en place, boostée par la catastrophe de Fukushima, Grenoble, métropole de 400 000 habitants à la convergence de risques technologiques et naturels majeurs, ne semble pas avoir pris la mesure des impacts potentiels d’une telle secousse.

Les Alpes est une des régions les plus sismiques en France métropolitaine. © Crédit BCSF

Le centre-ville ancien risquerait de payer un lourd tribu si un séisme majeur venait secouer Grenoble. © Patricia Cerinsek

Le barrage du Chambon, comme tous les barrages, va faire l’objet d’études de conformité afin de s’assurer de sa résistance aux séismes © Wikipedia
“Ni moyens, ni volonté de contrôler les installations chimiques”

Raymond Avrillier : « pas de moyens ni de volonté de contrôler les installations chimiques ».
© Nils Louna

© ILL – Peter Ginter
Depuis Fukushima, les dispositifs ont été renforcés et les études d’aléa revues.
Centres de crise bunkerisés pour protéger les éléments clés, mise en place d’une force d’action rapide nucléaire… les autorités de contrôle du nucléaire bataillent ferme pour mettre au pli EDF. L’exploitant, qui ne voit pas d’un très bon œil les travaux des sismologues et la réévaluation qui s’en suit, s’échine en effet à pondérer les prescriptions mises en œuvre par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
De fait, le chantier de modernisation des centrales coûterait 55 milliards d’euros à EDF, d’après son PDG Henri Proglio, dont 10 milliards de travaux imposés par l’ASN à la suite de Fukushima.
Pour les autorités de contrôle du nucléaire, les enjeux se posent pourtant en termes de sécurité. « La prolongation des réacteurs nucléaires au-delà de 40 ans*** n’est pas acquise », répondait d’ailleurs le président de l’ASN, en février 2014, lors de son audition à l’Assemblée nationale.
« L’impossible peut arriver au vu de Fukushima », abonde Matthieu Mangion, chef de la division lyonnaise de l’ASN. Les centrales nucléaires, qui avaient été conçues pour résister à un tremblement de terre deux fois plus important que le séisme le plus grave jusque-là relevé en mille ans dans la région, vont devoir intégrer cet « impossible ».
Patricia Cerinsek
* Seules les extensions et modifications significatives sur les bâtiments existants avant 2011 obligent à mettre en œuvre les normes parasismiques.
** Le séisme majoré de sécurité prenait en compte le séisme historique (pour l’ILL celui de Corrençon-en-Vercors) majoré d’un demi-point ; soit 5,2 sur l’échelle de Richter.
*** La prolongation des réacteurs au-delà de 40 ans est soumise à l’ASN. L’Autorité de sûreté nucléaire devrait présenter un premier avis global en 2015 et préciser ses conclusions, réacteur par réacteur, en 2018 – 2019.
Pour en savoir plus, lire les dossiers très complets de l’Institut des risques majeurs de Grenoble (Irma).
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Les séismes extrêmes convoqués à des tests Tester les installations à risque, c’est l’objectif du projet européen Stress Test qui a démarré en octobre 2013, grâce notamment aux travaux du sismologue grenoblois Fabrice Cotton. Un programme qui, sur trois ans, associe industriels hollandais, italiens, turcs, siciliens et suisses. Mais pas de Français. « Il s’agit de tester les installations chimiques, barrages et oléoducs à des scénarios extrêmes qu’on ne peut pas écarter, au-delà de ce que l’on a connu par le passé », explique le professeur de sismologie de l’université Joseph-Fourier. La méthode, dite probabiliste, vient compléter et enrichir le scénario déterministe qui prévalait jusque-là, basé sur le plus fort séisme historique connu. « La démarche déterministe classique a des limites, dans la mesure où le retour d’expérience nous a montré, comme à Fukushima, qu’on pouvait avoir des séismes plus importants ». A Fukushima, le tremblement de terre de référence était de 8,3 sur l’échelle de Richter. Le séisme a atteint 9… La nouvelle méthode, probabiliste, couple les champs des possibles et les champs des incertitudes. « A partir de ces données, aux politiques de faire un choix… »


