ENQUÊTE – Les nano-médicaments vont-ils révolutionner la médecine ? Permettront-ils demain de mieux guérir les maladies dégénératives, de mieux dépister et soigner les cancers ? A l’heure où la recherche grenobloise espère passer le cap des essais pré-cliniques, la nano-médecine cristallise de nombreux espoirs. Et notamment ceux d’une Europe qui ambitionne de détrôner les États-Unis de leur place de leader.
L’infiniment petit pour s’immiscer au cœur des cellules malades. © W. Parra-Nanobiotix
De la recherche fondamentale à la commercialisation, le nano-médicament doit franchir plusieurs étapes, dont celle cruciale du financement des essais cliniques.
Patrick Boisseau, chef de l’unité de nano-médecine du CEA-Leti, également président de l’ETPN. © CEA
Le CEA a mis au point de nouveaux nano-vecteurs utilisés pour la thérapie tumorale et pour le diagnostic de cancers par imagerie optique. Les premiers résultats, obtenus chez la souris, sont prometteurs. © CEA
Dans les laboratoires de Nanobiotix, les chercheurs développent des nano-particules qui, sous l’action de la radiothérapie, permettent de maximiser l’absorption des rayons X à l’intérieur des cellules cancéreuses. © W. Parra-Nanobiotix
Laurent Levy, PDG de Nanobiotix est vice-président de l’ETPN, la plate-forme européenne de nano-médecine. © photo W.Parra – Nanobiotix
Nano-médecine : les avancées grenobloises La métropole grenobloise concentre une des plus grosses activités de recherche en Europe. Projets, programmes, collaborations et plate-formes boostent la recherche et l’innovation au CEA-Leti, à l’Institut Albert-Bonniot et à l’Université Joseph-Fourier (UJF). Alors, certes, Grenoble n’a pas (encore) donné naissance à des nano-médicaments commercialisés sur le marché mais, pour les plus avancés d’entre eux, on touche au but… Les Lipidots ®. En collaboration avec le CNRS, le CEA-Leti a développé depuis 2005 des nano-particules lipidiques capables de véhiculer des médicaments jusqu’à la tumeur à traiter. Ce ne sont pas des nano-médicaments à proprement parler mais des nano-vecteurs. Des micro-gouttelettes d’huile capables de traverser certaines barrières biologiques et qui font d’ores et déjà l’objet de plusieurs applications.Ainsi, la première génération de Lipidots ® fluorescents, utilisée pour la recherche pré-clinique, est entrée dans sa phase de négociation avec les industriels, en vue de sa commercialisation. La deuxième génération, utilisée en chimiothérapie, est en fin de phase pré-clinique. Quant à la troisième génération, utilisée pour les vaccins, elle se trouve au stade de la recherche. Il y a trois ans, ces travaux ont donné naissance à une start up : Fluoptics. Depuis, celle-ci développe un système d’imagerie de fluorescence habilitée à être commercialisée en milieu clinique, en combinant les Lipidots ® à une autre technologie, le RAFT. RAFT. Fruit d’une collaboration entre l’UJF, l’Inserm et le CEA, le RAFT est une molécule chimique marquée par un fluorophore permettant de cibler les tumeurs et de les visualiser grâce à des caméras, afin de guider la main du chirurgien. LipImage 815 ®. En développement pré-clinique, le LipImage 815 ® développé par le CEA-Leti est un agent d’imagerie fluorescent qui s’appuie sur les Lipidots ®, en utilisant ces nano-particules lipidiques pour transporter une substance fluorescente jusqu’à des cellules ciblées. Actuellement en développement pré-clinique, il servira à diagnostiquer les stades précoces du cancer du foie. Bio ? Les nano-vecteurs de demain seront-ils biologiques ? C’est ce sur quoi travaillent les chercheurs du CEA aux côtés des biologistes de la Direction des sciences du vivant (DSV). Les travaux n’en sont qu’au stade de la recherche mais les premiers résultats obtenus chez la souris ouvrent des espoirs pour la thérapie tumorale et le diagnostic de cancer par imagerie optique. Quel impact ? L’institut Albert-Bonniot, en collaboration avec le CEA, planche sur l’impact des nano-particules sur le système immunitaire (phase pré-clinique). CellEnc. Peut-on encore parler de nano-particules ? Le projet développé par le CEA-Leti (en phase de développement) vise à encapsuler non plus des médicaments mais des cellules spécifiques du pancréas, appelées îlots de Langerhans, de la taille au-dessus du nano. Mais le principe rejoint celui de la nano-médecine : greffer ces cellules aux diabétiques de type 1, afin d’augmenter une sécrétion d’insuline insuffisante. L’idée est donc d’encapsuler les cellules du donneur pour que le système immunitaire du receveur ne les rejette pas. Autres… Des collaborations entre le CEA et le Cermav de Grenoble (centre de recherches sur les macromolécules végétales) pourraient, demain, permettre de développer de nouveaux nano-vecteurs. De son côté, une équipe de l’UJF combinant biologistes, chimistes et électroniciens travaille sur un projet de bio-pile implantée chez des mammifères, avec l’idée d’alimenter les pacemaker…Depuis 2005, le CEA-Leti et le CNRS ont développé les Lipidots ®, des nano-émulsions formées de gouttelettes d’huile capables de véhiculer les substances actives jusque vers la tumeur. Elle sont aujourd’hui impliqués dans plusieurs projets. ©CEA-Leti/G.Cottet