ENTRETIEN – Créer une université unique, tel est l’objectif annoncé le 21 octobre dernier par les sept présidents et directeurs d’universités et établissements d’enseignement supérieur grenoblois. D’ici 2016, l’université Grenoble-Alpes remplacera ainsi le Pôle de recherche et d’enseignement supérieur (Pres), qui fédère tous ces établissements. Qu’apportera cette fusion en matière d’offre de formation, de recherche et de financement ? Réponses de Bertrand Girard, président du Pres.
Quelle est la différence entre l’université Grenoble-Alpes que vous voulez créer et le Pres, fondé en 2009 regroupant les universités Joseph Fourier (UJF), Pierre-Mendès-France (UPMF), Stendhal et l’université de Savoie, ainsi que Grenoble INP (Institut national polytechnique) et l’Institut d’études politiques (IEP) ? Le Pres est une structure bien adaptée à une logique de confédération, où l’on partage beaucoup moins de compétences que dans une fédération. Si nous voulons mettre en place une stratégie collective de recherche, nous avons besoin d’un certain nombre de moyens humains et financiers au niveau de la structure fédérative. Or les statuts du Pres ne permettent pas d’avoir un personnel permanent. Nous ne pouvions pas assurer de missions sur le long terme. Le nouveau statut de Communauté d’universités et d’établissements se rapproche des statuts d’une université, ce qui permet d’assurer davantage de missions. Pourquoi avoir décidé de fusionner ? Pour avoir plus de cohérence, plus de lisibilité et plus d’efficacité dans nos dispositifs universitaires. On se rend compte, à Grenoble, comme dans d’autres villes en France, qu’avoir des universités partageant le même champ disciplinaire ne correspond plus aux besoins du XXIe siècle. On a de plus en plus de formations qui font appel à des enseignements complémentaires. Nous ne sommes plus sur des enseignements monolithiques, c’est-à-dire basés sur une seule discipline. Actuellement, nous pallions ces difficultés par des conventions entre universités, par des accords, mais ce sont des bricolages, ce qui n’est pas satisfaisant. Aujourd’hui, il n’y a pas un lieu unique où tous les universitaires concernés par une question donnée se retrouvent ensemble pour débattre. Nous sommes dans une logique où, dans certains domaines, les universitaires sont des prestataires de services et ne sont pas dans une démarche d’élaboration partagée des programmes de formation et de recherche. Un nouvel appel à projets des Initiatives d’excellence (Idex) a été lancé par le gouvernement en 2014. Cela a‑t-il motivé la décision de fusionner ? La fusion n’a pas pour objectif de décrocher les financements Idex. Nous réalisons une fusion et, dans le même temps, une structuration plus globale du site, parce que l’on pense que cela nous permet de progresser dans nos projets, notamment en terme de pilotage stratégique de la recherche. C’est pour cela que nous mettons en œuvre cette fusion. Après, il est vrai que cet élément sera un atout dans le cadre de notre candidature. Cependant, nous avons décidé de la fusion parce que celle-ci est indispensable, et bien avant de savoir qu’il allait y avoir un nouvel appel à candidature pour l’Idex. Si la fusion est indispensable, pourquoi ne pas l’avoir faite plus tôt ? Parce que c’est un projet lourd qui demande beaucoup de travail préparatoire et de concertation entre les acteurs concernés. Cela commence par un rapprochement des chefs d’établissement. Et ensuite, cela s’élargit aux différents conseils, notamment aux conseils d’administration et à l’ensemble de la communauté universitaire. En général, on considère qu’à partir du moment où les décisions sont lancées, il faut deux ans pour définir un schéma global. Et avant ces deux années, il y a entre deux et dix ans de travail préparatoire, selon les établissements. La fusion ne s’est pas faite plus tôt tout simplement parce qu’il fallait que cette réflexion soit menée. Le renouvellement de la plupart des équipes dirigeantes en 2012 doit également y être pour beaucoup. Non ? C’est certain. Pour pouvoir avancer sur des projets de cette ampleur, il faut énormément de cohésion et une volonté commune. C’est donc un élément qui a joué de façon incontestable dans cette décision. Les trois universités vont fusionner. Qu’en est-il des autres établissements supérieurs, notamment l’IEP et l’INP ? Il y a trois positionnements possibles. Tout d’abord, la fusion qui regroupera les universités Joseph Fourier, Pierre-Mendès-France et Stendhal. Le deuxième cercle sera, lui, constitué de façon certaine par l’université fusionnée, Grenoble INP, et le CNRS (Centre national de la recherche scientifique). Ce deuxième niveau prendra davantage la forme d’une fédération d’établissements supérieurs. Enfin, deux établissements s’interrogent sur leur positionnement, l’IEP et l’université de Savoie. Ils pourront soit rejoindre le deuxième cercle, soit s’associer avec la fédération. Dans ce dernier niveau, les établissements décident des compétences à partager. Tous les acteurs sont prêts à élaborer une stratégie commune de recherche. Des divergences subsistent surtout dans la manière de piloter les moyens financiers correspondant à cette stratégie.La fusion est-elle susceptible d’améliorer la position des universités grenobloises dans les classements internationaux ?
On devrait progresser un petit peu. Sur certains palmarès, comme le QS ranking, plusieurs universités grenobloises sont déjà classées. Elles le sont souvent sur les mêmes thématiques, et là, il est clair que la mise en commun de nos forces va nous faire progresser. En revanche, le fait de se regrouper ne changera pas grand-chose dans les domaines où un seul établissement grenoblois possède une formation et des laboratoires. Propos recueillis par Valentin DizierL’université Grenoble-Alpes en bref : - Un établissement unique qui regroupera plus de 40 000 étudiants et 3 200 chercheurs - La fusion coûtera entre 2 et 3 millions d’euros, principalement pour l’harmonisation des régimes des personnels - Une structure à géométrie variable, impliquant à différents niveaux l’UJF, l’UPMF, l’université Stendhal, Grenoble INP, le CNRS, l’IEP et l’université de Savoie.
Glossaire : Pres (Pôle de recherche et d’enseignement supérieur) : le Pres est un dispositif crée en 2006 par la loi de programme pour la recherche. Il permet aux établissements d’enseignement supérieur de mutualiser certains de leurs moyens pour mener des missions de court terme. Il répondait au besoin de créer une offre de formation plus cohérente et organisée pour les universités françaises. Fondé en 2009, l’université de Grenoble est l’un des 27 Pres de l’hexagone. Idex (Initiatives d’excellences) : les Idex sont des projets mis en place par les universités françaises et destinés à faire émerger des pôles d’enseignement supérieur de niveau mondial. Les deux premiers appels à projet, lancés par l’État dans le cadre du Grand emprunt en 2011 et 2012, ont déjà financé 8 projets, pour un total de plus de 6,4 milliards d’euros. Trois critères sont étudiés avant d’attribuer les financements Idex : l’excellence en matière de formation et de recherche, la qualité des partenariats entre le public et le privé et l’efficacité de la gouvernance. Les universités grenobloises ont été jugées très favorablement sur les deux premiers points, mais n’ont pas décroché de financement, du fait d’une gestion considérée comme mauvaise. QS ranking : publié annuellement depuis 2004 par le journal britannique Times Higher Education, le QS Ranking est l’un des classements internationaux les plus réputés avec le classement de Shanghai. Contrairement à son homologue chinois, il met d’avantage l’accent sur la réputation des universités que sur la qualité de la recherche. En 2013, six établissements d’enseignement supérieur français ont fait partie du top 100.