ENTRETIEN – L’apprentissage de la démocratie à l’UMP se fait également à l’échelle grenobloise. Le parti investira dans la capitale des Alpes le candidat qui sortira vainqueur de la primaire ouverte au mois d’octobre prochain. Le président de la fédération iséroise Jean-Claude Peyrin évoque pour Place Gre’net les premiers accrocs de ce processus électif, le délicat retour d’Alain Carignon sur la scène locale et la politique municipale actuelle.
© Veronique Serre
Médecin réanimateur de profession, Jean-Claude Peyrin a entamé son engagement politique au RPR. Adjoint au maire de Meylan en charge des déplacements, il a élaboré le plan local d’urbanisme de la commune en 2012. Il est également conseiller général du canton de Meylan et siège à ce titre au syndicat mixte des transports en commun (SMTC) de l’agglomération grenobloise. Après neuf mois de tutelle de la fédération iséroise de l’UMP en raison de désaccords internes, il en est devenu le président en juillet 2011, avec l’objectif d’apaiser les tensions internes.
Pourquoi avoir fait le choix de la primaire pour Grenoble plutôt que celui de l’investiture de la direction parisienne prévue par les statuts de l’UMP pour les villes de plus de 30 000 habitants ?
Il y a eu à Grenoble plusieurs cas historiques de luttes intestines et de profonds désaccords dans les rangs de l’UMP à l’occasion de scrutins municipaux et cantonaux. Il fallait donc trouver une méthode pour que ce soit les Grenoblois qui choisissent leur candidat, que celui-ci ait cette légitimité et que les autres prétendants au poste se rallient derrière lui pour créer l’union d’une droite élargie. Par ailleurs, un candidat investi risquerait d’être rejeté par les Grenoblois.
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Une unité déjà écornée la semaine dernière par le refus de Matthieu Chamussy de reconnaître l’accord de solidarité entre les candidats et le « carton jaune » que vous lui avez attribué pour cette raison…
L’accord n’est pas encore signé. Il le sera en septembre prochain et je peux m’engager, dès à présent, à ce qu’il soit respecté. Tous les candidats actuels souhaitent l’alternance à Grenoble et dressent un bilan catastrophique du bilan de Michel Destot. Les candidats doivent savoir que s’ils ne sont pas rassemblés, cet objectif ne sera jamais atteint. Sans unité, nous ne pourrons gagner Grenoble.
L’épisode de la semaine dernière pose cependant la question de la compatibilité de personnalités entre Alain Carignon et Matthieu Chamussy qui se sont tous deux opposés politiquement par le passé ?
Ma grande fierté dans ces primaires, c’est d’avoir réuni autour de la table des personnalités qui ne s’étaient pas parlé depuis plusieurs années, ou seulement par médias interposés. L’objectif est désormais de les faire travailler ensemble. La politique, c’est également l’art de s’entendre sur un projet commun. Mises à part les divergences de caractères, leur doctrine politique est la même : celle de la volonté d’alternance à Grenoble. Quand on a un objectif commun, on doit être capable de s’entendre pour l’atteindre.
Ne craignez-vous pas que le retour d’Alain Carignon soit un handicap à la reconquête de Grenoble, en raison de sa condamnation pour corruption quand il en était maire ? Pensez-vous que les Grenoblois aient ainsi la mémoire courte ?
Si les Grenoblois ont de la mémoire, ils se souviendront également de son bilan. La remise sur rails du tram à Grenoble, l’ambition du quartier Europole, l’implantation du synchrotron… Albert Michallon a obtenu les Jeux Olympiques à Grenoble, Hubert Dubedout a fait sortir de terre le centre hospitalier universitaire. Par contre, Michel Destot, ne peut pas se targuer de réussites comparables.

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Une élection primaire est un processus lourd et coûteux à organiser. Quelle forme prendra-t-elle à Grenoble ?
Il s’agira d’un scrutin papier dont nous estimons le coût entre 20 000 et 30 000 euros. Une somme qui sera en partie prise en charge par les candidats et par la participation demandée aux votants. Je serai d’une grande prudence sur le nombre attendu de participants, étant donné qu’il s’agit de la première primaire organisée à Grenoble. Une participation de 1 500 à 2 000 votants serait déjà un succès. Davantage serait encore mieux. Je ne peux en revanche pas encore me prononcer sur le nombre de bureaux de vote disponibles. J’ai en effet envoyé deux demandes écrites à Michel Destot pour qu’il me fasse parvenir un devis. Elles sont restées lettres mortes. Sans doute a‑t-il peur de son bilan.
Parlons-en justement. Quelles solutions sont portées par l’UMP concernant la problématique de la mobilité dans le bassin grenoblois ?
Rien n’a été fait depuis 18 ans, à l’exception de l’évolution naturelle des transports en commun. Dix ans auront été nécessaires pour voir émerger la ligne de tram C, après les deux premières lignes inaugurées sous la mandature d’Alain Carignon. Concernant les routes, Grenoble est aujourd’hui congestionnée aux trois portes de la ville. Sur le plan ferroviaire, la gare ne permet pas d’accéder à Paris et Marseille dans des délais raisonnables et avec des trajets directs. Notre projet est de développer les transports en commun autant que possible, tout en facilitant l’accès à l’agglomération aux professionnels qui rechignent désormais à s’installer dans le bassin grenoblois, en raison de cette congestion. Mais ce projet n’est pas seulement municipal, il doit être soutenu à l’échelle départementale et régionale par un lobbying de l’exécutif. Ce n’est pas le cas actuellement, en raison de la pression exercée par les écologistes. Il n’y a pas de solution unique pour faire sauter le bouchon grenoblois. Notre projet s’appuie sur quatre mesures : le contournement Nord, le triplement de l’A480, le réaménagement de l’échangeur du rondeau et l’achèvement de l’A51 entre Grenoble et Sisteron.

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Le prochain débat organisé dans le cadre de la primaire traitera du thème de l’urbanisme grenoblois. Quelle analyse faites-vous de l’augmentation du nombre de logements à Grenoble opérée sous la mandature de Michel Destot ?
S’agissant du quartier de Bonne qui fait la fierté de la municipalité, les habitants peuvent désormais se passer le sel d’un balcon à l’autre, tellement les voies de circulation ont été réduites. Le parking de l’Esplanade qui était un espace historique de respiration de la ville sera prochainement remplacé par un programme immobilier conséquent. C’est également le cas d’autres quartiers de la ville et cela implique inévitablement un accroissement des problèmes de circulation. Par ailleurs, la densification de Grenoble a une visée électorale. Mais elle a aussi une conséquence : celle de l’insécurité. Plus nous concentrons d’habitants dans des espaces réduits, plus les tensions s’amplifient et déshumanisent ces quartiers. C’est notamment ce qui explique l’échec de la Villeneuve.
Le premier adjoint au maire, Jérôme Safar a annoncé l’armement des policiers municipaux en mars prochain. Cette mesure vous satisfait-elle ?
C’est une bonne mesure, mais il s’agit soit d’une incohérence politique, soit d’une manipulation à visée électorale. La majorité socialiste était en effet encore récemment opposée à l’armement des policiers municipaux et à la vidéosurveillance. Elle procède subitement à un revirement de position. Cette mesure s’appliquera au moment des élections municipales et non pour répondre à l’insécurité croissante de la ville. Je suis pour ma part favorable à l’armement des policiers municipaux mais pas dans les conditions annoncées par Jérôme Safar. C’est-à-dire seulement à certaines heures de la nuit et uniquement dans le centre-ville. Le délinquant, souvent mieux armé que les policiers, ne consultera pas sa montre pour savoir si le policier en face de lui est armé. Cela fera donc courir un danger à ceux qui ne le seront pas. Il s’agit d’effets d’annonces avant les élections, alors que l’insécurité est une préoccupation majeure des Grenoblois. Celle-ci doit être combattue en rétablissant la peur du policier municipal. Il n’est pas seulement là pour ramasser les papiers et verbaliser les stationnements gênants, mais également pour garantir la sécurité dans les quartiers où il se trouve.

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La sécurité sera-t-elle le thème de campagne central du candidat investi par l’UMP à Grenoble ?
Il n’y a pas un jour où l’on n’entende parler de faits concrets d’insécurité sur les radios locales que les Grenoblois écoutent justement dans les bouchons. Nier cette réalité serait une impasse grave concernant une préoccupation majeure des Grenoblois. Nous avons été les premiers à réagir en apprenant que Grenoble ne faisait pas partie de la première salve des zones de sécurité prioritaires annoncées par le gouvernement. Il s’agissait pourtant du rôle de Michel Destot de réclamer la prise en compte de l’insécurité dans les quartiers Sud de l’agglomération dès le premier classement. Si cela n’a pas été le cas, c’est qu’il n’a pas fait le travail nécessaire !
Propos recueillis par Victor Guilbert
L’entretien a été réalisé à Grenoble le vendredi 7 juin dans les bureaux de l’UMP38. Il n’a pas été soumis à relecture.
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