POINTS DE VUE – Quarante ans, des rides sur le béton, des couleurs ternies et une utopie bien loin maintenant. La Villeneuve n’est plus si jeune, mais le projet de société qu’elle portait reste d’actualité. Et dans quarante ans ? Le Parti Socialiste a l’occasion d’exprimer chaque jour sa position par la voix du maire. Quant à l’UMP, elle a aussi pu mettre en œuvre sa vision du quartier sous le mandat d’Alain Carignon, maire RPR de la ville.
Mais comment les autres partis voient-ils l’avenir de la Villeneuve ? Place Gre’net a sollicité le Front de Gauche, Europe Ecologie les Verts et le Front National pour qu’ils livrent leurs visions à long terme de ce quartier symbolique. Sécurité, réhabilitation thermique, questions sociales… Les pistes de réflexions, laissées à leur libre appréciation, ne manquent pas.
Propos recueillis par Lucas Piessat
Europe Écologie Les Verts
Gwendoline Delbos-Corfield : “Dans quarante ans, la Villeneuve doit devenir le rêve qu’elle a été. Ce n’est pas une utopie !”
« Il y a une nécessité à ce que ces quartiers existent. Le logement n’est pas remis en cause. Il faut évidemment faire évoluer le bâti, bien que nous soyons très réservés sur les démolitions (ndlr : démolition du 50 galerie de l’Arlequin dans le cadre de la rénovation urbaine de la Villeneuve). Ce quartier doit être ouvert, mais la priorité est surtout de le revivifier de l’intérieur. Dans quarante ans, la réhabilitation thermique des bâtiments demandée par les habitants aura eu lieu. Pour nous, c’est une priorité d’en faire un lieu phare de l’écologie et de la basse consommation énergétique. Dans quarante ans, la Villeneuve doit devenir le rêve qu’elle a été. Ce n’est pas une utopie !
Il faut conserver l’énergie associative et citoyenne du quartier et construire dans la concertation. Elle n’est aujourd’hui pas totalement comprise par les institutions. La Villeneuve doit rester un creuset associatif, un creuset d’idées. Elle doit retrouver la mixité par le retour d’une population plus aisée. Il faut revenir à ce qu’il y avait il y a quarante ans. L’époque Carignon a étranglé, financièrement au moins, la Villeneuve. On doit revenir au plaisir de vivre qu’il y avait, aux enfants jouant dans le parc…
Tout cela passe par un binôme institutions-habitants. Et cela ne se fera pas sans commerces qui fonctionnent à l’intérieur. Peut-être faut-il un accompagnement pour que la Villeneuve ait à terme une certaine autonomie par ses habitants. En encourageant les jardins partagés, on peut par exemple privilégier les circuits courts et envisager beaucoup d’auto-production maraîchère. La Villeneuve ne peut faire l’économie d’un accompagnement humain et institutionnel amical, vu la densité qu’il y a. Il faut une présence humaine, des éducateurs, une police de proximité sans armes, un retour des assistantes sociales… Cela ne sert à rien d’envoyer des Robocops. Les questions de sécurité ne se résolvent pas avec des caméras de surveillance, ni avec une police qui fait peur. En revanche, il est dommage que le commissariat soit parti. Une police de proximité formée, non violente et sans les symboles de violence, associée à des accompagnateurs, est peut-être la solution pour regagner la confiance de tous. La Villeneuve doit rester un lieu d’innovation, culturel, éducatif… Sinon elle perd son intérêt. »
Front de Gauche
Patrice Voir : “Dans quarante ans, je vois un quartier équilibré qui accueille la diversité de la population, avec des gens qui travaillent et participent à la vie sociale”
« A l’origine, le Parti Communiste a participé à la construction de la Villeneuve, bien que ce soit sous la municipalité Dubedout. Il y avait une utopie des socialistes de l’époque. Cela reste un quartier populaire où la vie est encore riche et où l’on trouve la plupart des services publics. Pour un quartier qui cumule les souffrances des “banlieues”, la Villeneuve a un certain nombre d’atouts. Il reste quelques filets. C’est un quartier qui a encore des ressources, même s’il est très fortement marqué par la crise, la hausse du chômage et le recul de la “mixité”.
Je ne nie pas l’utilité de retoucher au bâti mais cela ne suffit pas. Tant que le taux de chômage des jeunes sera proche des 50%, le problème ne sera pas résolu. La question de l’emploi et des droits sociaux passe avant les questions d’urbanisme dans ce quartier, où il faut encore maintenir et développer les services publics.
Dans quarante ans, je vois un quartier équilibré qui accueille la diversité de la population, avec des gens qui travaillent et participent à la vie sociale dans un environnement sain. Avec, bien évidemment, une réhabilitation pour tenir compte de l’écologie et une vie de quartier qui retrouve un dynamisme grâce aux jardins partagés. Ce quartier réapproprié par ses habitants sera totalement intégré et les gens du centre-ville viendront aussi profiter du plus grand parc de l’agglomération.
Ce quartier a encore des potentiels importants. Il souffre fortement de la crise, du chômage, de l’austérité, mais il conserve des potentiels intéressants, pour peu que l’environnement global change. Ce sera long car on est plutôt dans une spirale d’enfermement et de dégradation du tissu social. Cela pose la question du peuplement qu’il faut rééquilibrer. J’ai donc le pessimisme de la raison et l’optimisme de la volonté. »
Front National
Mireille d’Ornano : « La tolérance zéro admise doit devenir la règle absolue. »
« Pour penser l’avenir de la Villeneuve décrété, comme 65 autres quartiers en France, zone de sécurité prioritaire (ZSP), il est nécessaire d’en dresser le constat. Quel est-il depuis l’année de sa création, en 1972 ? A‑t-il tenu toutes ses promesses, quarante ans après ? Si effectivement il les a tenues durant les dix premières années, aujourd’hui la déception est grande. Rien n’aurait pu laisser supposer que ce quartier deviendrait une zone de sécurité prioritaire.
Les principales difficultés de la Villeneuve aujourd’hui, nous les connaissons. Au fil des ans, l’installation progressive et massive de populations d’origine maghrébine et africaine en a peu à peu changé l’image comme l’identité. Nul ne le conteste aujourd’hui, que l’on soit de droite ou de gauche. L’avenir de ce quartier passe donc d’abord par la maîtrise de l’immigration, comme par la réussite de l’intégration de ces populations. Ce qui est loin d’être le cas, tant au niveau national que local ; ces populations étant en état de difficulté accrue, dans un contexte de crise.
Nous savons que la Villeneuve, comme d’autres quartiers, a aussi favorisé les trafics de toute nature, à commencer par celui de la drogue, véritable fléau pour notre jeunesse. La tâche reste donc immense et la lutte sans faiblesse contre ce trafic illicite constitue la priorité des priorités. En conséquence de quoi, la police et la justice, aidées des services sociaux et éducatifs en amont, doivent bénéficier de moyens plus importants qu’ils n’ont pas aujourd’hui en matériel et en personnel. La tolérance zéro admise doit devenir la règle absolue. Aucun quartier ne doit être inaccessible. Une fois l’ordre républicain et la tranquillité rétablis, il sera alors nécessaire de redonner une vie culturelle, sociale et économique digne de ce nom. Mais cela passe, on le sait, par les orientations et les choix de nos gouvernants, d’abord au niveau national, puis local. L’avenir de ce quartier en dépend. »