FOCUS – Soutenus par les parents d’élèves, mobilisés ce vendredi 27 janvier 2023, les enseignants du collège Vercors, à Grenoble, poursuivent leur grève reconductible, entamée mardi 24 janvier, contre la suppression de 28 heures d’enseignement à la rentrée prochaine. Des heures pourtant indispensables, selon eux, dans un établissement classé en réseau d’éducation prioritaire (Rep). Toujours dans l’attente de propositions officielles de l’inspecteur d’académie, les grévistes se disent peu convaincus par les solutions envisagées par le rectorat, dénonçant une « entourloupe ».
La mobilisation ne faiblit pas au collège Vercors, dans le quartier Abbaye-Jouhaux. Comme leurs collègues des collèges Lucie-Aubrac et désormais Gérard-Philippe1à Fontaine, les enseignants de cet établissement classé en Rep poursuivent leur grève reconductible débutée mardi 24 janvier 2023, avec le soutien des parents d’élèves2voir encadré. En cause, la baisse des moyens annoncée pour la rentrée de septembre 2023, plus particulièrement la suppression de 28 heures d’enseignement dans leur dotation horaire globale (DHG).

Les parents d’élèves du collège Vercors, appelés à ne pas envoyer leurs enfants en cours, vendredi 27 janvier 2023, ont pris le relais des enseignants grévistes. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net
Ces heures étaient pourtant dédiées à la mise en place de projets et dispositifs spécifiques pour les élèves, notamment les collégiens en difficulté. Leur disparition risquerait donc d’entraîner la « fin des demi-groupes et des cours de philosophie en 5e, 4e et 3e » ainsi que « des regroupements en langues », craint Julien Abriou, professeur de sciences physiques. Sans oublier « des heures perdues pour les élèves allophones » qui bénéficiaient jusque-là de cours de « français langue de scolarisation ».
Autre option, rester à trois classes de 6e en récupérant les heures de la nouvelle classe
De son côté, le rectorat confirme la suppression des 28 heures due, selon lui, à la « baisse des effectifs ». Le collège Vercors compte en effet aujourd’hui « 70 élèves en 6e, soit environ trois classes de 23″. La décision du rectorat était alors « d’ouvrir une classe de 6e supplémentaire, correspondant à 29 heures hebdomadaires, soit quatre classes de 17 ou 18 élèves, avec les dispositifs maintenus mais un volume horaire moindre », explique-t-il.
La direction académique a néanmoins proposé une alternative, mercredi 25 janvier : rester à « trois classes de 6e, avec récupération des 29 heures hebdomadaires » destinées initialement à la quatrième classe – mais aussi avec davantage d’élèves par classe. « Le choix revient à l’équipe pédagogique », affirme-t-elle, sans cacher toutefois sa « préférence pour la première solution ».
La proposition du rectorat équivaut, selon Arnaud Mallion, professeur d’histoire, à « renoncer soit à une nouvelle classe soit aux moyens supplémentaires ».
Mais parmi les enseignants grévistes, ces deux options sont loin de convaincre. Beaucoup dénoncent ainsi un choix biaisé, à l’image d’Arnaud Mallion, professeur d’histoire, qui évoque une « entourloupe » et un « enfumage ». La proposition du rectorat équivaut en effet, selon lui, à « renoncer soit à une nouvelle classe soit aux moyens supplémentaires ».
« On vient d’avoir la réponse du Dasen (Directeur académique des services de l’Éducation nationale) qui nous recevra mercredi prochain [le 1er février] », indique par ailleurs Julien Abriou. Pour le reste, ajoute-t-il, « on a eu quelques infos mais rien officiellement » de la part du rectorat.
Égalité de traitement « ne signifie pas équité », selon les enseignants
Le scénario originel prévoit de rester à 15 classes pour l’ensemble du collège Vercors, passant de trois classes de 6e et quatre pour les autres niveaux, cette année, à quatre classes de 6e, trois de 5e3correspondant aux trois classes de 6e de l’année précédente, quatre de 4e et quatre de 3e pour l’année 2023 – 2024. Mais avec les 28 heures en moins vouées aux projets spécifiques précités.

Mobilisation des collèges Lucie Aubrac et Vercors de Grenoble devant le rectorat mardi 25 janvier 2023 © Séverine Cattiaux – Place Gre’net
L’autre possibilité envisagée par le Dasen n’a cependant pas non plus les faveurs des enseignants. « Vu que les effectifs de 6e sont très proches de trois classes, l’idée serait de revenir à trois classes de 6e et laisser les 29 heures de la quatrième classe », décrypte ainsi Julien Abriou. « Mais les horaires et les postes de profs ne sont pas du tout les mêmes avec trois ou quatre classes. Dans ce cas, il y aurait par exemple automatiquement quatre heures d’EPS perdues. »
En fixant un rendez-vous seulement mercredi 1er février, les services académiques « acceptent implicitement que le collège soit bloqué jusque-là », fustige Julien Abriou, professeur de sciences physiques.
Pour le professeur de sciences physiques, la première proposition du rectorat vise à « aligner » le collège Vercors sur les autres collèges isérois, mais « sans les moyens supplémentaires, hormis pour les effectifs par classe ». Or, pour l’enseignant, égalité de traitement « ne signifie pas équité ». Car « un établissement Rep a besoin de moyens supplémentaires et de beaucoup plus de travail en petits groupes, ce qu’on a mis en place depuis des années », souligne-t-il.
En outre, fustige Julien Abriou, en fixant un rendez-vous seulement mercredi 1er février, les services académiques « acceptent implicitement que le collège soit bloqué jusque-là ». « Ils savent donc bien que ce n’est pas du tout satisfaisant et jouent l’épuisement du mouvement », estime Arnaud Mallion.
Une soirée de soutien à la mobilisation à la MDH de l’Abbaye
Mais tous deux l’assurent, les enseignants restent fortement mobilisés avec 20 à 25 grévistes sur la trentaine de professeurs du collège Vercors. Idem pour les parents d’élèves4voir encadré. Une soirée de soutien est également prévue ce vendredi 27 janvier, à partir de 19 heures, à la Maison des habitants de l’Abbaye, afin « d’abonder financièrement la caisse de grève ».

Une soirée de soutien est prévue vendredi 27 janvier, à 19 heures, à la MDH de l’Abbaye, pour abonder financièrement la caisse de grève. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net
Julien Abriou tient enfin à rassurer les parents pouvant s’inquiéter des conséquences de la grève sur le cursus de leurs enfants. « Si le mouvement devait se durcir, on réfléchit à une solution qui permettrait de maintenir les élèves au contact du collège », annonce le professeur de sciences physiques. Une formule qui pourrait se calquer sur « le modèle expérimenté lors du Covid » avec, par exemple, des cours, devoirs et exercices à distance.
Opération « collège mort » au collège Vercors, vendredi 27 janvier 2023
Seuls 40 collégiens sur 330 sont venus en cours ce vendredi matin. Les parents du collège Vercors ont voulu, eux aussi, se mobiliser contre la baisse des moyens pour le collège. Comment ? En décidant de ne pas envoyer leurs enfants au collège. Un moyen aussi de prendre le relais des enseignants qui ne perdront pas cette journée de salaire… Car la grève risque de durer encore.
« C’est pour l’avenir de nos enfants qu’on fait cela », martèle Sonia, « parce qu’on s’en passerait bien. Pourquoi retirer des aides à des élèves qui en ont besoin ? On ne comprend pas ! Le collège fonctionne bien, l’équipe enseignante est motivée. On va tout casser. »
Les parents d’élèves ont décidé de ne pas envoyer leurs enfants au collège Vercors, vendredi 27 janvier 2023, et se sont rassemblés devant l’établissement une partie de la matinée. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net
Cette maman est venue, ce matin, au rassemblement organisé par les parents, devant le collège. Au total, près d’une soixantaine de parents auront pris un peu de leur temps, entre 8 heures et 10 heures, pour venir prendre un café, discuter, bref se mobiliser, en solidarité avec les enseignants et pour leurs enfants.
Irénée a son fils en 5e et sa fille est en CM2 à l’école Clémenceau. « En ce moment, ça va mal de partout », explique-t-il, inquiet. « À l’école Clémenceau, il manque d’encadrants le midi, et les enfants ne vont plus à la cantine. Et maintenant le collège, ça nous tombe dessus comme un diktat, personne ne demande l’avis des premiers intéressés », se désole, le père de famille.
Véronique a son garçon qui est, en 5e, également. « Nous, on a joué le jeu de la carte scolaire parce qu’il y a des classes peu chargées en Rep, des cours en demi-groupes et c’est mieux pour les profs aussi. Il y a une classe bilangue en allemand en 6e, on sait que l’équipe enseignante est bien impliquée. Mais, à la rentrée, tout cela est remis en question. Ils vont ainsi retirer tout ce qui permet la mixité. Alors, il ne faudra pas s’étonner si les parents contournent, à l’avenir, la carte scolaire », met-elle en garde.
Séverine Cattiaux