FOCUS – Après celui des urgences le 1er novembre 2022, un mouvement de grève générale et illimitée est en œuvre depuis le mardi 6 décembre dans l’ensemble des services du centre hospitalier Grenoble-Alpes (Chuga). L’intersyndicale veut ainsi alerter sur « le bilan consternant » de l’état de santé de l’institution dont ils estiment que les usagers sont les premiers otages.
« Après avoir fait le constat qu’il n’y avait pas un seul service qui allait bien au CHU de Grenoble et à l’hôpital de Voiron, nous avons lancé un préavis de grève générale et illimitée pour l’ensemble du personnel à compter de ce 6 décembre 2022 », explique Sara Fernandez, secrétaire générale CGT et infirmière au service orthopédique du CHU Grenoble-Alpes (Chuga).
De fait, dans le sillage du mouvement de grève déclenché le 1er novembre 2022 au service des urgences du Chuga, tous les services des centres hospitaliers de Grenoble et de Voiron ont emboîté le pas à l’appel d’une intersyndicale CFDT, CGT, Defis, FO, Unsa, SNMH-FO et SNPHARE. En cause, selon l’intersyndicale, « le bilan consternant de l’état de santé de l’institution » appelant l’ouverture de véritables négociations « à tous les niveaux de responsabilité ».
Les syndicats souhaitent ainsi alerter, comme ils l’ont déjà fait à de très nombreuses reprises, sur le manque criant de personnel soignant entraînant des fermetures de lits. Une situation « dont les usagers se retrouvent les premiers otages avec un accès aux soins limité. Du jamais vu dans notre système de santé public », appuie l’intersyndicale.
La principale revendication ? « Que l’on nous donne les moyens matériels et humains pour pouvoir prendre soin des patients », résume Sara Fernandez.
Les urgences : « le point noir » où se concentrent tous les problèmes
« Là, nous sommes parvenus à un niveau où la vie des patients est en danger, une réelle perte de chance1En l’occurrence, l’incertitude de leur guérison. avec plus de 200 lits fermés au Chuga », poursuit l’infirmière. Et celle-ci de rappeler qu’à cause du manque de soignants spécialisés, les blocs opératoires tournent entre 60 et 70 % de leur capacité.
De surcroît, le manque de place pour les consultations, les radiographies ou les examens complémentaires « ne fait que retarder les délais de réponse pour les diagnostics et le début des traitements », déplore la syndicaliste.
« Les patients sont sur des brancards ou des fauteuils alors qu’ils devraient être couchés. Et les délais moyens d’attente avant leur prise en charge tournent en moyenne autour de neuf heures ! »
Autant de dysfonctionnements qui, couplés au manque de médecins et de spécialistes de ville, se répercutent sur le service des urgences où affluent les patients. « Le service des urgences, c’est le point noir qui concentre tous les problèmes, avec des patients qui restent parfois plus de 24 heures. Car leur nombre est plus important que ne peut supporter la capacité d’accueil du service, soit 55 patients en même temps. Tous les jours, il en arrive 70, voire 90, jusqu’au pic de 114 », indique Sara Fernandez.
« Les patients sont sur des brancards ou des fauteuils alors qu’ils devraient être couchés. Et les délais moyens d’attente avant leur prise en charge tournent en moyenne autour de neuf heures ! Nous avons même eu un patient qui est resté vingt-quatre heures aux urgences alors que ce n’est pas un service d’hospitalisation », témoigne-t-elle.
La direction du CHU de Grenoble Alpes « ne sait plus quoi faire »
« Au niveau de la pédiatrie, c’est la catastrophe totale, enchaîne Sara Fernandez. La semaine dernière, il a fallu convertir six box d’urgence en lits d’hospitalisation alors qu’ils ne disposent pas de matériel ni de personnel. Les médecins de la réanimation ont même du prêter main forte », décrit l’infirmière.
Et de rappeler qu’on a même pu voir des bébés de quelques semaines sous oxygène au milieu des couloirs. « C’est grave !, ne peut-elle que constater, mais les parents restent malgré tout compréhensifs bien que ce soit eux qui [soient] obligés de surveiller leurs enfants car il n’y a pas assez de soignants. »
Que dit la hiérarchie du Chuga devant un tel tableau ? « Nous avons eu plusieurs réunions avec la direction qui nous a dit à chaque fois qu’elle ne savait plus quoi faire, qu’elle n’a pas de moyens et qu’elle essaie d’embaucher mais sans succès », relate Sara Fernandez. Quant à l’Agence régionale de santé (ARS), « cela fait plus d’une année qu’on l’alerte que ça va exploser mais cela ne débouche sur aucune prise de mesures pour des réponses adaptées », regrette amèrement la soignante.
Comment expliquer ce manque cruel de personnel ? « Devant toutes ces difficultés, les soignants quittent l’hôpital en regard de leurs conditions de travail dégradées et de la mauvaise gestion des problèmes par l’encadrement. Si les salaires y participent, ce n’est pas la première raison de ces départs », explique Sara Fernandez.
Alerter la population sur ce qui se passe au CHU de Grenoble
Selon Yasmine Cheguettine, psychologue et militante de la CGT, la responsabilité de cet état de fait incombe principalement au numerus clausus2Il s’agit du dispositif qui fixe le nombre limite d’étudiants qui peuvent accéder à la deuxième année des études de santé.. « Il y a la volonté de former moins de médecins mais aussi de personnel infirmier. L’inquiétude que nous avons c’est que l’on veuille nous imposer un système de santé à deux vitesses : une médecine libérale privée et un service public au rabais. »
Malgré la grève, les personnels restent toutefois soumis à des obligations de soins. La continuité des services est donc assurée. Les actions envisagées ? « Nous sommes en période d’élections professionnelles. Aussi allons-nous attendre avant d’organiser des rassemblements. Mais nous allons prochainement lancer une pétition pour soutenir les soignants. Une manière, aussi, d’alerter la population sur ce qui se passe à l’hôpital », fait savoir Sara Fernandez.
2 réflexions sur « Manque de lits et de personnel soignant : grève générale et illimitée depuis ce 6 décembre au CHU de Grenoble et l’hôpital de Voiron »
si la direction veut trouver des moyens , il, faut commencer part virer tous les administratifs qui se tourment les pouces , et vous en connaissez surement , puis supprimer toutes les ARS qui contiennent des inactifs incompétents , redonner le pouvoir aux soignants et augmenter leur salaires.
surtout revoir les compositions des conseils d’administration des hopitaux (politiques et oisifs !)
Soutien à tous les soignants en souffrance.Etre soignant implique porter des valeurs soignantes telles que l’humanité, la bienveillance, la bientraitance. Dans un contexte où ces valeurs ne peuvent s’appliquer faute de moyens humains certainement par soucis d’économie et rentabilité, le métier de soignant perd sa signification.