FOCUS – Le tribunal correctionnel de Lyon a rendu son jugement, ce vendredi 17 décembre 2021, dans le procès du réseau d’immigration clandestine exploitant des sans-papiers vietnamiens dans des restaurants asiatiques, basés pour la plupart dans la région grenobloise. Aucun des vingt prévenus n’a finalement été condamné pour traite d’êtres humains. Mais plusieurs restaurateurs, ainsi que Chérif et Nassira Boutafa, ont écopé de peines de prison ferme, notamment pour « aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger en France, en bande organisée ».
Après deux semaines d’audience, le tribunal correctionnel de Lyon a rendu son jugement, ce vendredi 17 décembre 2021, en fin d’après-midi, dans le procès de la tentaculaire affaire de traite d’êtres humains dans le Sud-Est de la France. Vingt prévenus dont les époux Boutafa comparaissaient depuis le 6 décembre, soupçonnés de faire partie d’un vaste réseau d’immigration clandestine opérant depuis l’agglomération grenobloise.
Ce réseau était accusé d’avoir, entre 2017 et 2020, produit de faux titres de séjour et exploité des sans-papiers vietnamiens travaillant, dans des conditions souvent indignes, dans des restaurants asiatiques. Des établissements situés essentiellement en Isère, mais aussi dans les Bouches-du-Rhône, l’Ain ou le Vaucluse. Les peines prononcées, rapporte Le Dauphiné libéré, vont de trois mois d’emprisonnement avec sursis à deux ans de prison ferme.
« Tous les prévenus poursuivis pour traite d’êtres humains relaxés de cette infraction »
Premier constat : « tous les prévenus qui étaient poursuivis pour traite d’êtres humains ont été relaxés de cette infraction », souligne le quotidien régional. La décision du tribunal tranche ainsi, sur ce point, avec les chefs d’inculpation définis par les juges d’instruction. « Dès les premières plaidoiries de la défense, les observateurs avaient bien compris que cette incrimination avait du plomb dans l’aile », précise d’ailleurs Le Dauphiné libéré.
S’il a aussi abandonné l’infraction d’association de malfaiteurs, le tribunal correctionnel a en revanche retenu « les faux et usages de faux, l’aide à l’entrée et à la circulation de clandestins en bande organisée, le blanchiment, l’emploi d’étrangers non munis d’autorisation de travail ». Et sans surprise, ce sont les restaurateurs qui payent le plus lourd tribut.
Un an ferme pour le restaurateur grenoblois Laurent Huynh et le couple Boutafa
Parmi eux, le Grenoblois Laurent Huynh, propriétaire de trois restaurants – le China Moon à Grenoble, le Wok Asia à Meylan et le New Saigon à Crolles (les deux derniers ayant changé de gérant depuis) – a ainsi été condamné à trois ans de prison, dont deux avec sursis, et à l’interdiction d’exercer la profession de restaurateur.
Le faussaire du réseau, Quoc Nhât Phan, basé à Grenoble et considéré comme l’un des personnages centraux du dossier, a, lui, écopé de trois ans d’emprisonnement, dont deux ferme, d’une interdiction définitive du territoire français et de 5000 euros d’amende.
Quant au conseiller municipal d’opposition Chérif Boutafa, ancien délégué syndical FO – suspendu depuis – et également actionnaire minoritaire du Wok Asia, il a été condamné à deux ans de prison, dont un avec sursis, ainsi qu’à une amende de 20 000 euros. Peine identique pour son épouse Nassira Boutafa, ex-employée municipale qui travaillait dans le restaurant meylanais. Tous deux ont été reconnus coupables « d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger en France, en bande organisée ».
Pas de mandat de dépôt et des peines aménageables pour les prévenus condamnés à de la prison ferme
Enfin, les deux comptables grenoblois ont écopé de peines respectives de dix et quinze mois de prison avec sursis, assorties d’amendes de 3000 et 5000 euros. Salariés d’un cabinet comptant parmi ses clients Laurent Huynh, ils étaient soupçonnés d’avoir « transmis à l’Urssaf des données relatives à l’embauche de ressortissants vietnamiens », qu’ils « savaient pertinemment falsifiées ».
Tous les prévenus condamnés à de la prison ferme sont néanmoins repartis libres, le tribunal n’ayant pas délivré de mandat de dépôt et les peines de prison étant aménageables. Idem pour Quoc Nhât Phan. Incarcéré depuis vingt-cinq mois, celui-ci était le seul accusé comparaissant détenu mais sa détention provisoire couvre sa peine de prison ferme.