FOCUS – Pas moins de vingt personnes sont convoquées devant le tribunal correctionnel de Lyon le 6 décembre 2021, dans le cadre notamment de soupçons de traite d’êtres humains en Isère. Le tout en lien avec un réseau faisant travailler des personnes en situation irrégulière dans des restaurants vietnamiens de l’Isère. Chérif Boutafa, élu d’opposition de Grenoble, ainsi que son épouse, font partie des personnes mises en cause.
Ce sont pas moins de vingt personnes qui sont convoquées devant le tribunal correctionnel de Lyon le 6 décembre 2021, après présentation du dossier le 12 novembre, dans le cadre (entre autres) de soupçons de traite d’êtres humains en Isère. Selon Le Dauphiné libéré, qui a consacré une grande enquête à l’affaire, un réseau faisait travailler, ou plutôt « exploitait », des migrants en situation irrégulière dans des restaurants vietnamiens de la région grenobloise.
Les personnes étaient ainsi sous-payées et logées dans des conditions parfois insalubres, révèle l’enquête. Des dizaines de migrants seraient ainsi passées entre les mains du réseau entre 2017 et 2020. C’est la découverte de faux titres de séjour, identifiés par un établissement bancaire de la région grenobloise puis par la préfecture de l’Isère, qui a lancé les enquêteurs sur la piste du réseau isérois.
Le Wok Asia de Meylan ou le China Moon de Grenoble concernés
Parmi les personnes mises en cause, plusieurs gérants de restaurants grenoblois. Notamment le Wok Asia de Meylan, le New Saigon de Crolles ou le China Moon de Grenoble. Dans ce dernier cas, indique Le Dauphiné libéré, les enquêteurs ont découvert que les “employés” du restaurant dormaient sur des couvertures dans la salle principale de l’établissement, une fois ses portes closes.
Le China Moon est aujourd’hui fermé. Sur sa porte, un écriteau indiquait que la fermeture « indéterminée » avait pour cause une « suspicion de cas Covid-19″. Une information qui semble avant tout relever du prétexte, au regard des circonstances. « La direction mettra tout en œuvre pour une ouverture prochaine », explique encore l’affichette. Aujourd’hui, Google mentionne l’établissement comme « définitivement fermé »…
Son gérant (également co-gérant du Wok Asia) est en effet mis en examen pour traite d’êtres humains, usage de faux documents, emploi d’un étranger sans autorisation de travail ou encore aide au séjour irrégulier d’un étranger en France. Des faits qui auraient pu être commis, dans certains cas, en bande organisée. Autant de délits qui prévoient des peines allant de trois… à vingt ans d’emprisonnement.
Chérif Boutafa et son épouse mis en cause
Autre mis en cause dans le dossier ? Le conseiller municipal d’opposition de Grenoble Chérif Boutafa, ainsi que son épouse. L’élu, agent de la Métro et jusque-là syndicaliste FO à la Ville de Grenoble (cf. encadré), n’est pas mis en cause dans le cadre de la traite d’êtres humains, mais pour « aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger en France en bande organisée ». Un délit pouvant conduire à dix ans d’emprisonnement.
Le Dauphiné libéré rapporte que l’épouse de Chérif Boutafa travaillait au Wok Asia, avec notamment la charge du planning. Son mari possède en effet 49 % des actions du restaurant. Si la principale intéressée, de même que son mari, contestent avoir su que des personnes en situation irrégulière étaient employées dans l’établissement, des écoutes téléphoniques indiqueraient le contraire. Pour ne rien arranger, les enquêteurs auraient découvert 22 000 euros en liquide au domicile du couple. De l’argent « retiré d’un compte d’épargne », assure-t-il.
La question du restaurant Wok Asia n’est pas nouvelle en ce qui concerne les Boutafa. En mai 2021, la Ville de Grenoble avait déposé plainte pour « escroquerie » contre l’épouse de Chérif Boutafa, alors que celle-ci travaillait pour le restaurant tout en étant rémunérée à 100 % par la municipalité dans le cadre d’un incident du travail. Un préjudice estimé à plusieurs dizaines de milliers d’euros. « Des inepties », avait répliqué l’élu d’opposition.
Chérif Boutafa suspendu par FO
Par un communiqué daté du mercredi 10 novembre 2021, le syndicat Force ouvrière a annoncé “suspendre l’adhésion de monsieur Chérif Boutafa”, jusque-là secrétaire général FO de la Ville de Grenoble. “Tout en respectant la présomption d’innocence, la Fédération des personnels des services publics et de santé Force ouvrière a décidé de suspendre l’adhésion de Chérif Boutafa jusqu’à la décision de justice rendue dans cette affaire. Pendant cette période, Chérif Boutafa ne pourra se prévaloir de notre organisation syndicale ou exercer une quelconque responsabilité au sein des structures locales relevant de notre fédération”, précise le communiqué. Le syndicat lui avait jusque-là toujours assuré son soutien, malgré sa double casquette en tant que délégué syndical et élu municipal d’opposition qui avait fait polémique.
(encadré ajouté le 12 novembre 2021 à 10 heures)