REPORTAGE – Près de 3 000 personnes ont défilé dans les rues de Grenoble ce samedi 1er mai, lors d’une marche unitaire regroupant syndicats et partis politiques de gauche. Un rassemblement pour défendre les droits des salariés et dénoncer l’accroissement des inégalités. Mais aussi pour marquer leur opposition aux dernières lois votées par le gouvernement, à un an de la présidentielle.
La pluie froide du mois de mai n’aura pas douché leur enthousiasme. Près de 3 000 manifestants ont défilé dans les rues de Grenoble au sein d’un cortège de banderoles et de parapluies pour célébrer la fête du travail. « C’est central de montrer que le mouvement syndical est présent », insiste François Marchive, co-secrétaire de l’union syndicale Solidaires.
Outre les syndicats, plusieurs partis politiques mais aussi des membres du collectif Culture essentielles en lutte, des travailleuses et travailleurs du sexe, des étudiants, gilets jaunes et des citoyens ont battu le pavé.
Les manifestants s’étaient donné rendez-vous devant la gare à 10 heures. Le cortège a ensuite emprunté le cours Jean-Jaurès, tourné à gauche sur le boulevard Maréchal-Foch, avant de rejoindre l’anneau de vitesse parc Paul-Mistral.
Des rassemblements ont également eu lieu partout en France avec, par exemple, 3 000 personnes à Lyon, 3 500 à Marseille ou encore 3 700 à Nantes.
Le 1er mai 2020 éclipsé par la Covid-19
Sous les masques, on devinait les sourires, révélateurs du plaisir des manifestants à se retrouver. D’autant plus qu’ils en avaient été empêchés l’an dernier à cause du premier confinement, plus strict que le troisième en cours qui va prendre fin ce lundi 3 mai. « On sait que les militants attendaient ce 1er mai, même si le côté vraiment festif, on ne pourra pas l’avoir », rapporte Nicolas Benoît, secrétaire général de la CGT Isère.
Sous son parapluie noir et blanc Salima Bouchalta acquiesce. « On est à fond dans le télétravail, j’espère qu’on inventera jamais le télé-syndicalisme », plaisante la syndicaliste Force ouvrière, par ailleurs personnel de l’Éducation nationale au rectorat. Elle dénonce le gel, depuis des années, du point d’indice
qui pèse sur son pouvoir d’achat, ainsi que les suppressions de postes qui altèrent la qualité du travail.
Non loin d’elle, la musique dans les hauts-parleurs, les batucadas et les fanfares échauffent les manifestants, pour certains situés au cœur de la fumée rouge de fumigènes.
Un 1er mai sous le signe de la lutte contre les inégalités
Dans les enceintes, des slogans revendicatifs et classiques dans ce type de manifestation : « Non à l’austérité, unité de tous les salariés ! », « Ils servent à rien et nous coûtent cher, licencions les actionnaires ! », ou encore « Ils ont des millions, mais nous, on est des millions ».
Une journée de mobilisation également placée sous le signe de la lutte contre les inégalités. « Les ultra-riches ont profité d’une crise sociale, économique et environnementale pour accroître leur patrimoine. Tandis que d’autres se sont largement appauvris », s’insurge Nicolas Benoît.
Entre mars et décembre 2020, la fortune des milliardaires français aurait en effet augmenté de 170 milliards d’euros selon Oxfam. Soit une hausse moyenne de 40 %.
« Ne laissons pas le “quoi qu’il en coûte” se transformer en “quoi qu’il en coûte aux travailleurs”, insiste Philippe Beaufort, secrétaire adjoint de FO Isère. Ce n’est pas aux travailleurs, au service public et à la protection sociale de supporter le coût de la crise sanitaire et économique. »
Et la théorie du ruissellement ne convainc pas du tout les manifestants, pour qui les plus précaires n’ont pas perçu plus d’argent. Aux États-Unis, Joe Biden, président nouvellement élu, souhaite d’ailleurs instaurer un impôt pour les plus riches. De quoi mettre un peu plus à mal, selon eux, une théorie qui « n’a jamais fonctionné ».
Lettre à Emmanuel Macron
Pour tenter d’interpeller Emmanuel Macron, le chef de l’État, et peut-être l’enjoindre d’agir comme son homologue américain, les manifestants ont décidé de lui envoyer une lettre.
Le cortège a ainsi marqué une pause à l’angle du cours Jean-Jaurès et du boulevard Maréchal-Foch, au niveau d’un bureau de poste. Avant que ne soit distribué aux manifestants des enveloppes et un texte, lu par l’un des organisateurs depuis la voiture en tête de cortège. « Il est intolérable que certains continuent d’augmenter leurs richesses quand les soignants se trouvent démunis face à la mort. Et lorsque, dans le même temps, les licenciements et la perte d’activité détruisent des vies. »
Parmi les autres sujets évoqués dans la missive, l’accroissement des inégalités, la réforme de l’Assurance-chômage à abroger selon les manifestants, ou encore la prolongation de l’année blanche. « Sur quelle base vous octroyez-vous le droit de définir ce qui, pour l’être humain, est essentiel et ce qui ne l’est pas ? », interroge par ailleurs le texte.
Des enveloppes distribuées dans un joyeux brouhaha et complétées à la main en dépit des gouttes de pluie faisant parfois couler l’encre. « Inutile d’affranchir », rappelle l’un des membres du collectif Culture essentielles en lutte.
Un rassemblement contre les lois « anti-sociales » et « anti-démocratiques »
Les manifestants ont également affiché leur opposition aux récentes lois votées par la majorité. « Le gouvernement a fait passer deux lois catastrophiques », fustige François Marchive.
Dans son viseur, la loi sécurité globale et celle confortant les principes de la République. Deux textes, « anti-social » et « anti-démocratiques » selon François Marchive, qui cristallisent les tensions depuis plusieurs semaines. « Cette année, ils ont contraint les libertés collectives et individuelles, et, dans le même temps, ils ont continué à détruire des droits », abonde Nicolas Benoît.
Quelques élus étaient également présents dans la foule. « Les revendications sont communes en ce moment », glisse Guillaume Allègre, militant à Europe écologie – Les Verts (EELV).
Visibles dans le cortège, Elisa Martin, première adjointe à Grenoble, mais aussi les élus Nicolas Kada, Chloé Pantel, Anabelle Bretton ou encore Maud Tavel. Ainsi que Yann Mongaburu, conseiller municipal à Grenoble et métropolitain, en fin de cortège.
Autres élus d’Échirolles aperçus : Renzo Sulli, le maire, accompagné de sa première adjointe Amandine Demore et de Daniel Bessiron, adjoint à l’environnement durable.
Harder, better, faster, stronger ?
Si l’incontournable Internationale a résonné dans le cortège, poings levés, on a aussi pu entendre des morceaux plus récents. Comme « Harder, better, faster, stronger » (Plus dur, meilleur, plus vite, plus fort) des Daft Punk sur un vélo-sono aménagé, derrière lequel une dizaine de personnes dansaient.
Une musique de circonstance, puisque les syndicats entendent bien accélérer et intensifier le mouvement social. « On espère que la mobilisation d’aujourd’hui sera une étape pour une mobilisation plus longue, plus large et plus puissante », insiste François Marchive. Et ce alors que l’échéance de la présidentielle approche.
« L’idée c’est d’entretenir le rapport de forces pour freiner la folie réformatrice de ce gouvernement qui est en train de tout laminer », analyse Salima Bouchalta. Suffisant pour hisser un candidat de gauche au second tour de l’élection présidentielle ?