FOCUS – Une centaine de personnes se sont rassemblées, mardi 30 mars place de Verdun à Grenoble, pour protester contre le projet Taquet. Cette réforme qui porte le nom du secrétaire d’État chargé de la petite enfance suscite la colère des professionnels depuis des mois.
« Nous, qui sommes sur le terrain tous les jours, on se rend bien compte qu’un enfant a besoin d’attention, se désole Justine. Ce ne sont pas des chiffres ! » L’éducatrice de jeunes enfants qui exerce dans le Grésivaudan est venue manifester place de Verdun à Grenoble avec sa collègue Catherine, auxiliaire de puériculture. Sur la pancarte accrochée à son cou, on peut lire : « Pas de bébés à la consigne ». Soit le nom du collectif à l’origine de ce mouvement national.
Une centaine de personnes ont ainsi fait le déplacement ce 30 mars afin de protester contre le projet de loi Taquet. Plus d’une trentaine de manifestations avaient lieu en même temps dans toute la France.
Les professionnels des modes d’accueil, en très grande majorité des femmes, craignent pour leurs conditions de travail avec cette réforme. Et leur colère ne diminue pas depuis que le secrétaire d’État Adrien Taquet l’a présentée. En mars 2019, plus de 200 personnes avaient ainsi déjà manifesté place de Verdun.
De cinq à six enfants par professionnel
Le projet Taquet prévoit notamment de passer le taux d’encadrement à six enfants qui ne marchent pour un adulte, au lieu de cinq. « Imaginez six enfants de quatre mois à l’heure du repas ! Ça demande une attention particulière », assure Marianne, éducatrice de jeunes enfants sur Grenoble. Qui tient, elle aussi, une pancarte avec sa collègue du centre communal d’action sociale (CCAS).
La charge de travail supplémentaire va forcément peser sur les professionnels, souligne la CGT, à l’initiative de ce mouvement. Un mouvement suivi par la CFDT, la FSU, FO, Sud et le tout nouveau Syndicat national des professionnels de la petite enfance (SNPPE). « Avec la fatigue de tous les agents qui encadrent les enfants, il va y avoir un problème de sécurité », prévient Arezky Oussalah, représentant syndical départemental CGT service public.
D’autant plus que la réforme risque de diminuer le nombre de titulaires, au profit de salariés “volants”, qui tournent dans les établissements d’accueil. « On s’aperçoit que du personnel en remplacement n’est pas formé », rapporte Nathalie Uchet du CCAS de Grenoble, en charge d’enfants de deux mois et demi à trois ans, et par ailleurs déléguée syndicale CGT.
Des directions moins formées qu’auparavant
Les manifestants craignent également que les directrices soient moins bien formées. « On demande que les directrices aient une expérience professionnelle en crèche de plusieurs années. Là, ce ne sera plus le cas », déplore Catherine, auxiliaire de puériculture au sein d’une structure accueillant trente jeunes enfants.
« C’est plusieurs années de formation pour connaître l’enfant et ses besoins, mais aussi ceux des familles, ajoute sa collègue Justine. S’il y a toujours plus d’enfants avec moins de personnel, on ne pourra pas faire notre travail comme on l’entend. »
Leur établissement a fermé ses portes mardi 30 mars au matin et accueille peu d’enfants l’après-midi. L’occasion d’informer les parents. « Actuellement, je pense qu’il n’y a que les professionnels qui sont au courant de cette réforme », déplore Catherine. Qui souligne que les parents restent plutôt compréhensifs face à ce mouvement.
D’autant plus que la surface légale par enfant accueilli pourrait passer de 7 à 5,5 m2 dans les zones très densément peuplées. « Les bébés ne sont pas des sardines. Pas de bébés à la consigne », peut-on lire au feutre bleu sur le carton de Julie.
Moins d’analyse de pratique avec le projet Taquet
Les professionnelles bénéficient en outre actuellement de deux heures d’analyse de pratique par mois. La réforme prévoit de passer à une demi-heure. « Ça va baisser en qualité, c’est sûr !, s’agace Marianne. Cela permet aux équipes d’échanger avec une psychologue pour avoir du recul, pour trouver des solutions afin de mettre en place des moyens pour aider les enfants et les familles. »
La date limite de publication de l’ordonnance est fixée au 7 juin 2021. D’ici-là, les professionnels de la petite enfance espèrent obtenir gain de cause auprès du secrétaire d’État.