REPORTAGE VIDÉO - Des centaines de commerçants, cafetiers, restaurateurs, hôteliers et indépendants en colère se sont rassemblés à Grenoble ce lundi 23 novembre 2020. Inquiets pour leur avenir, ils ont manifesté pour alerter sur leur situation jugée « intenable » et réclamer le droit de pouvoir rouvrir leurs commerces. Ce la veille de l'allocution d'Emmanuel Macron devant lever certaines contraintes liées au confinement.
Ce lundi 23 novembre 2020 à 15 heures, plusieurs centaines de commerçants, cafetiers, restaurateurs, hôteliers, fournisseurs, traiteurs et indépendants ont convergé place de Verdun. Où s'est tenu un rassemblement en forme de SOS, à l'appel de l’Union des métiers et industries de l’hôtellerie (Umih) de l’Isère et de Label ville.
L'objectif des manifestants ? Alerter sur les situations économique et psychologique « intenables » que vivent les professionnels du secteur, le gouvernement ayant jugé leurs activités « non essentielles ». Ce dans une ambiance d'autant plus anxiogène que deux établissements sur trois du secteur de l'hôtellerie-restauration pourraient mettre la clef sous la porte, selon une enquête récente.
« Qui peut survivre à ça humainement et économiquement ? »
« Les loyers vont nous tuer ! », « Laissez-nous travailler ! » ou encore « Assureurs = menteurs ! », pouvait-on lire sur les pancartes et banderoles brandies par certains. À nouveau frappés par la fermeture de leurs établissements durant ce deuxième confinement, les commerçants ont manifesté leur inquiétude et réclamé le droit de pouvoir rouvrir au plus tôt.
Dans le même temps, le préfet de l'Isère recevait une délégation à laquelle s'était jointe la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) du département. Un rassemblement qui se déroulait avec le soutien des chambres de commerce et d'industrie de Grenoble et du Nord-Isère, de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Isère et du Syndicat des marchés de l'Isère.
À l'orée de l'allocution d'Emmanuel Macron attendue ce mardi 24 novembre à 20 heures concernant certains allègements pour les commerçants, les manifestants ne se faisaient guère d'illusions. De fait, nombre d'entre eux ne croient pas pouvoir sortir de sitôt du « marasme économique désastreux » qu'ils traversent, ni rouvrir prochainement.
« Huit mois que les discothèques sont closes, plus d'un trimestre de fermeture pour les restaurants et les bars. Les hôtels sont désespérément vides et les saisonniers ne savent toujours pas à cette date si leur saison existera », a dénoncé au micro Danièle Chavant, la présidente de l'Umih de l'Isère. « Qui peut survivre à cela, humainement et économiquement ? », a-t-elle gravement interrogé.
« L'échafaud des cessations de paiement et des dépôts de bilan »
Dans la foule qui se pressait devant la préfecture, de très nombreux représentants des secteurs du commerce et de l'hôtellerie-restauration. Sans oublier tous ceux entraînés dans la tourmente : bouchers, fournisseurs de boissons, organisateurs d'événements, maraîchers et bien d'autres indépendants gravitant autour de la restauration.
Des clients sont même venus pour exprimer leur solidarité envers leurs commerces de proximité, tout comme un petit groupe de Gilets jaunes, arrivés en renfort.
« J'ai zéro budget, zéro commandes qui tombent. Les charges, elles, continuent de courir et nous n'avons encore reçu aucune aide », se désole Annabelle Revol.
À la tête d'une entreprise de fourniture de matériel d'art de la table, cette dernière décrit un « chaos total » et craint le pire pour les mois et même les années à venir. Un sentiment d'angoisse devant l'avenir que partageaient la plupart des personnes présentes lors de ce rassemblement.
« L'échafaud des cessations de paiement et des dépôts de bilan »
Concernant les saisonniers, Luc Magnin, leur président, a réclamé la mise en œuvre de « mesures fortes, concrètes et pérennes ». « À défaut, vous nous ferez entrer dans le gouffre des entreprises en difficulté. Et vous nous pousserez ainsi sur l'échafaud des cessations de paiement et des dépôts de bilan », a-t-il prédit aux instances gouvernementales.
Retour en images sur les principales séquences de ce rassemblement à l'issue, duquel deux tiers des participants ont mis le genou à terre en signe de désarroi.
« Nous sommes vraiment les laissés pour compte de la crise sanitaire »
« Toutes les fêtes vont se passer sans nous et on nous dit que nous pourrons rouvrir le 15 janvier, s'il n'y a pas une nouvelle augmentation de la circulation du virus. C'est donc très clair : nous sommes vraiment les laissés pour compte de la crise sanitaire », se désole Danièle Chavant.
La présidente de l'Umih n'est d'ailleurs guère optimiste quant à l'avenir du secteur qu'elle représente. « Les gens n'iront plus que vers les grands groupes, des choses sans âme ni identité alors que la France c'est un savoir-faire. De la diversité il n'y en aura plus parce que les petits disparaîtront », anticipe-t-elle.
L'entrevue avec le préfet ? « Il nous a écoutés et assuré qu'il allait agir sur certains leviers », rapporte Danièle Chavant. Notamment, précise-t-elle, sur les aides de la Région, trop limitées quant aux chiffres d'affaires et au nombre d'employés. Quant aux banques, elles ne suivent plus les commerçants pour leurs reports de prêts lors de ce deuxième confinement.
Avant que le président de la République ne s'exprime devant la Nation, Danièle Chavant lui a adressé une forme de supplique, au terme de son discours : « Ne tuez pas notre savoir-faire, ne tuez pas nos entreprises ! Laissez-nous notre dignité, laissez-nous travailler ! »
Joël Kermabon