FOCUS – Face à une situation sanitaire « globalement dégradée », le ministre de la Santé a annoncé une série de mesures pour lutter contre la propagation de la Covid-19. La métropole de Grenoble a été classée en « zone d'alerte renforcée ». Gymnases, piscines et salles de sport ferment pour au moins quinze jours, ce qui n'est pas sans conséquence sur les clubs de sport, déjà fragilisés…
« On a pris un gros coup sur la tête mercredi », lâche Alexandre Duyck manager général adjoint des Brûleurs de Loups. Le ciel commençait pourtant à s'éclaircir depuis quelques mois pour le sport en Isère. Les entraînements avaient repris tant bien que mal dans les clubs. Mais les annonces du ministre de la Santé, mercredi 23 septembre, ont douché les espoirs de reprise.
Onze métropoles, dont Grenoble, ont été placées « en zone d'alerte renforcée », avec des restrictions accrues. « Tous les contacts sociaux en espace clos public ou privé doivent être évités », a martelé Olivier Véran.
Le préfet de l'Isère a de son côté annoncé la fermeture des salles de sport, gymnases et piscines pour une durée de quinze jours.
Sont toutefois exclus du dispositif les sportifs de haut niveau, les activités en plein air, les groupes scolaires et activités sportives participant à la formation universitaire, ainsi que les activités parascolaires et périscolaires.
Les clubs de sport dans l'incertitude
Faux départ donc pour les clubs isérois qui restent dans l’expectative depuis les annonces du préfet. « De toute façon, on est dans une stratégie de yoyo en fonction de l'évolution de la situation. On se projette de mois en mois », soupire Jean-Luc Blache, président du Grenoble Saint-Martin-d'Hères Handball (GSMH).
Difficile d'envisager sereinement l'avenir, notamment pour les sports en salle. Depuis la reprise progressive en juillet dernier, les clubs s'étaient pourtant adaptés au protocole sanitaire en vigueur. L'arrivée au stade ou au gymnase avait été quelque peu modifiée. Désormais, il fallait se laver systématiquement les mains au gel hydroalcoolique à l'entrée, porter le masque sur le visage jusqu'en début d'entraînement, limiter le nombre de personnes par séance et désinfecter régulièrement le matériel.
« On demande aux jeunes de venir directement en tenue et de laver leur kimono chaque semaine », détaille Karim Slimani, directeur technique du Dojo Grenoblois. Le nombre de personnes par séance se trouve limité. Le club d'escrime de La Rapière a même reçu une subvention spéciale de la ligue Auvergne Rhône-Alpes afin d'acheter des casques supplémentaires. « On sent une vraie envie de redémarrer ! », s'enthousiasme Pascal Ferrand, maître d'armes du club.
De leur côté, les hockeyeurs professionnels de Grenoble s'entraînent en ce moment à Vaujany puisque la patinoire Pôle Sud est en travaux. Lors des déplacements en minibus, ils redoublent de vigilance pour ne pas avoir de contamination. Le club avait dû négocier âprement au printemps pour faire revenir ses internationaux, notamment les Américains.
Moins de jeunes sportifs
Les jeunes restent pour l'instant exemptés par les restrictions d'accès en salle. Mais dans plusieurs sports, le nombre d'inscrits est en baisse par rapport aux années précédentes. « Les tout petits, on en a moins. Peut-être que les parents sont un peu réticents pour les mettre sur un sport d'intérieur ou peut-être qu'ils ont découvert, après le confinement, beaucoup de sports extérieurs », se risque Maxime Le Roux, entraîneur au Grenoble Alpes Badminton.
Environ 200 jeunes viennent s'entraîner à la Halle Clémenceau. Mais pour les 300 adhérents adultes, impossible de taper dans la raquette dans les quinze prochains jours. « Il faut espérer que ça ne dure pas plus, sinon ça risque de devenir compliqué », s'inquiète l'entraîneur. Ils ont déjà reçu des mails inquiets leur demandant si des remboursements pourraient avoir lieu en cas de prolongement de l'interdiction.
Au dojo grenoblois, la jauge d'accueil a été revue à la baisse. Les cours se font par groupe de 8 à 10 personnes contre 20 à 24 en temps normal. « Pour les moins de 8 ans, nous avons beaucoup de craintes et moins d'inscriptions », analyse Karim Slimani, directeur technique du dojo grenoblois. Les encadrants s'efforcent de rassurer les parents pour faire revenir les plus jeunes. Une reprise poussive qui risque de l'être plus encore avec les dernières annonces gouvernementales.
Des pertes économiques importantes
Sur le volet économique, les clubs de sport craignent le pire. Le contexte sanitaire a déjà affecté les adhésions. Foudil Sahraoui, fondateur d'une école de danse à Grenoble, en ressent les effets. « On a fermé trois créneaux. Le midi, j'avais 25 élèves en moyenne l'an dernier. Maintenant, je n'en ai plus que six ou sept », constate-t-il amer. Les cotisations des abonnements lui permettent de tenir financièrement une année. Mais il enregistre déjà une baisse de 30 % des adhésions.
Les fermetures de salles annoncées par le gouvernement ne s'appliquent pas (encore) aux salles de danse. « Si on est concernés, on [ne] va pas tenir. Y a plus qu'à fermer », lâche Foudil Sahraoui. Dans la rue Ampère où se situe sa salle, les commerçants constatent la même baisse d'activité pour les repas de midi, la plupart des habitués étant passés en télétravail. Se pose également la question des partenariats qui permettent aux clubs d'obtenir des ressources financières non négligeables.
« Pour l'instant, ça reste à peu près stable mais on manque de visibilité à long terme. On n'a pas la même aura que les grands clubs de Grenoble », explique Jean-Luc Blache, président du GSMH. Même si son club évolue en Nationale 2, les joueurs devraient être concernés par l'interdiction de s'entraîner pour les deux prochaines semaines. Un véritable coup dur en ce début de saison.
De 20 à 50 % d'adhésions en moins dans les clubs de sport
Le dojo grenoblois partage le même constat, malgré ses efforts pour rassurer les amateurs. « Pour nous, la question de la pérennité se pose. On a 50 % de baisse par rapport à l'an dernier », assène Karim Slimani, directeur technique. Le club se laisse jusqu'à fin octobre avant de faire le bilan de cette rentrée particulière.
Certains clubs proposent désormais des abonnements par trimestre, histoire de n'avancer les frais que pour trois mois et d'interrompre l'abonnement en cas d'arrêt… ou de reconfinement. Mais, pour la plupart, cette formule reste impossible à appliquer. Les adhésions permettent tout juste aux clubs amateurs de rentrer dans leurs frais.
Le club de natation et de Guc water polo de Pont-de-Claix a enregistré une baisse de 20 % d'inscriptions chez les adultes pour la partie natation. L'an dernier, ils étaient 650 à s'être inscrits. Depuis le début de la saison, ils ne sont plus que 581 à emprunter les couloirs de nage. Pourtant, le club a tout mis en œuvre pour faire revenir les adhérents de la saison 2019-2020 : ceux-ci bénéficient d'une réduction de 10 % en cas de réinscription.
« C'est la galère. Cette saison-là va être très dure. On se doute que ça ne va pas durer quinze jours », redoute Janine Guérin, vice-présidente. D'autant plus que le club a déboursé 2 000 euros pour investir dans du matériel afin de respecter le protocole sanitaire. « C'est un budget assez lourd », confie la vice-présidente.
La billetterie en berne pour les pros
Club professionnel évoluant en première division, les Brûleurs de Loups peuvent continuer de jouer et de s'entraîner, mais ils doivent composer avec un autre paramètre : la billetterie. En temps normal, la salle peut accueillir 4 000 personnes. Avec l'abaissement de la jauge à 1 000 spectateurs, la patinoire risque de sonner creux. Et le club comptabilisant 500 abonnés et 400 personnes en loges, il lui reste peu de places à vendre.
« Ces décisions du gouvernement sont terribles pour le sport. C'est une catastrophe ! Ils sont en train de tuer le secteur. Financièrement, ça risque d'être dur », tance Alexandre Duyck, le manager général adjoint de l'équipe. Le premier match à domicile de la ligue Magnus n'a lieu que le 16 octobre à Pôle Sud. Les dirigeants espèrent que les consignes de restrictions seront plus favorables d'ici là. Une réunion en interne programmée cette semaine doit permettre de trouver des solutions pour les abonnés, le public et les partenaires.
Un second souffle pour les sports en extérieur
Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Les sports en extérieur qui peuvent quant à eux poursuivre leurs activités enregistrent ainsi une hausse des inscriptions. Et le risque de restrictions reste moindre que dans les salles fermées.
« On a beaucoup plus de personnes intéressées, observe Alain Waché, directeur de l'Aviron grenoblois. Déjà, cet été, nous avons eu beaucoup de monde. La promotion des activités en plein air nous a fait du bien », se félicite-t-il.
La plupart des clubs n'enregistrent pas de perte significative par rapport aux clubs en salle. En cas de nouvelles restrictions, la donne pourrait toutefois quelque peu changer.
Tim Buisson