DÉCRYPTAGE – Le syndicat Force ouvrière accuse la Ville de Grenoble de faire preuve de « violence administrative et d’acharnement contre certains de ses agents ». Faute de dialogue suffisant, selon FO, des agents s'estimant "maltraités" se pourvoient ainsi au tribunal. Ce qui coûterait cher à la Ville et in fine aux contribuables. Des affirmations que conteste point par point Pierre Mériaux, nouvel adjoint en charge du personnel. Pour qui le secrétaire général de FO mélange ses casquettes de syndicaliste et de conseiller municipal d'opposition...
À en croire le syndicat Force ouvrière, le management de la Ville de Grenoble n'est pas loin de friser la maltraitance psychologique à certains égards.
Plusieurs agents municipaux se retrouvent ainsi contraints d’engager des actions en justice contre la Ville, parce qu’ils n’ont pas pu plaider leur cause autrement, fustige le syndicat.
Bras de fer judiciaires avec la Ville
Les accusations de FO reposent sur la situation de plusieurs agents qui se disent en souffrance venus, ces dernières années, taper à sa porte. A l'instar de l'agent de propreté Sebti Rezaigia ou encore du policier municipal Sid Hamed Beldjenna. La série continue, s'alarme FO avec notamment Patricia Sekula, responsable au service d’entretien, et Mina Aissoussi, cheffe d’équipe dans une école.
Toutes deux ont engagé un procès contre la Ville de Grenoble, estimant qu'elles n'ont pas à payer pour des fautes professionnelles qu'elles n'ont pas commises.
Sans avoir pu s’expliquer à aucun moment avec leur hiérarchie, affirment-elles, elles ont été mises à pied, rétrogradées et affectées à un poste moins rémunéré.
« Comment des agents peuvent-ils se relever après avoir été traités de la sorte ? », s'offusquent Chérif Boutafa, secrétaire général FO, et Patrick Fiorina, délégué Force ouvrière. Le premier étant par ailleurs devenu, depuis les dernières élections, conseiller municipal du groupe d'opposition Société civile, divers droite et centre, présidé par Alain Carignon.
C'est donc dans l'espoir de retrouver leur poste et "leur dignité" que les deux employées se sont embarquées dans un bras de fer judiciaire. Une démarche qui les épuise moralement et grève leurs économies, se désolent-elles.
« La Ville dépense l’argent du contribuable » contre des agents
Ces procès onéreux pour les agents pèsent aussi sur les finances de la collectivité, pointent les syndicalistes, car la Ville de Grenoble doit bien entendu payer les avocats pour se défendre. Ses frais de justice sont importants, selon le syndicat FO.
En se basant sur les jours d’audience de sa propre affaire, loin d'être terminée, Sid Hamed Beldjenna, policier municipal et représentant syndical FO, évalue de 80 000 à 120 000 euros les sommes que la Ville aurait vraisemblablement versées à ses avocats.
« Dans une entreprise privée, on réfléchit à deux fois avant d’aller en procès mais, là, il s’agit de l’argent du contribuable ! », vitupèrent les syndicalistes de FO. « Si les élus avaient à sortir ces sommes de leur poche, ils y réfléchiraient à deux fois ! », persiflent-ils.
« La ligne de conduite de la Ville : faire respecter l'intérêt général et le droit »
Nouvel adjoint au personnel, Pierre Mériaux dément avec fermeté les accusations et chiffres avancés par le syndicat FO. Il s'interroge également sur les motivations de Chérif Boutafa qui, à ses yeux, mélange ses casquettes de conseiller municipal d'opposition et de syndicaliste.
La Ville met tout en œuvre pour éviter les contentieux avec ses agents, assure l'adjoint. Et si rien n'est parfait, l'inspecteur du travail dans la vie civile affirme que la gestion des RH se porte bien mieux depuis l'arrivée d'Éric Piolle.
« Depuis 2014, on a effectivement une ligne de conduite qui est de faire respecter l'intérêt général et le droit, déroule Pierre Mériaux. On n'a plus de système de passe-droits, des avantages dans tel ou tel service qui deviennent des problèmes de gestion de service... »
En 2019, la Ville n'a dépensé "que" 74 000 euros en frais d'avocats
L'adjoint veut également relativiser. « En moyenne, le nombre de recours par an opposant la Ville à des agents est extrêmement faible, insiste Pierre Mériaux. Nous sommes à moins de vingt recours par an pour 4 000 agents. » Le dialogue syndical est renforcé et bien rodé, souligne encore l'adjoint. Sur ce point, la Ville en fait davantage que dans les autres collectivités, poursuit-il.
Des agents maltraités à la Ville ? L’adjoint n’en croit pas un mot et contredit en cela FO. « Sur un plan individuel, l'encadrement a des consignes pour faire ce qu'on appelle un management à l'écoute », affirme Pierre Mériaux. Qui renvoie ceux qui en douteraient à la lecture des bilans sociaux. Le turn over est très faible, fait-il observer. Preuve que les agents se sentent bien à la Ville, en déduit l’adjoint.
Concernant les frais d'avocats, Pierre Mériaux tient à remettre les pendules à l'heure. Ils se sont élevés à 74 000 euros en 2019. La Ville a-t-elle vraiment besoin de s'offrir les services d'avocats parisiens, dont les honoraires ne sont pas donnés ? « Nous le faisons parce qu'ils sont capables d'aller en conseil d'État, répond l'élu du tac au tac. Ça nous évite de payer un avocat local et un avocat parisien, c'est de la bonne gestion. »
Et, histoire de mettre en garde ceux qui la traînent en procès, Pierre Mériaux informe que la collectivité a remporté deux tiers de ses contentieux depuis 2017, dix-huit précisément. Pour les autres, quatre ont été perdus et quatre sont en appel.
La médiation, un outil intéressant pour de la « microconflictualité »
Il existe, du reste, un moyen d'éviter les contentieux : la médiation. Au cours d'une entrevue, les deux parties s'écoutent en présence d'un tiers qui modère les échanges. La finalité ? Trouver une solution acceptable pour l'agent et la Ville.
Depuis 2019, la Ville propose un service de médiation interne reposant sur des agents formés. L’année dernière, neuf agents en ont bénéficié. Pour les cas plus complexes, la Ville a passé une convention avec le tribunal administratif afin d'organiser une médiation de type externe. Tout agent qui en fait la demande peut avoir recours à l'une ou l'autre de ces deux médiations, dixit l’adjoint.
Une première victoire remportée par la responsable du service entretien
En pratique, la médiation interne semble plutôt s'appliquer à de « la microconflictualité », de l'aveu même de Pierre Mériaux. Sinon, comment expliquer que Mina Aissoussi, qui a sollicité une médiation en décembre dernier, attende toujours une réponse ?
Quant à Patricia Sekula, nul doute qu'elle aurait préféré un règlement à l'amiable plutôt que de se retrouver en conseil de discipline.
Il faut dire que la médiation ne fait pas disparaître le droit de l'employeur « d'engager une procédure disciplinaire quand il considère que des faits graves le justifient », indique Pierre Mériaux, sans pour autant faire référence à ce cas particulier.
Pour Patricia Sekula, la sanction disciplinaire sera sévère : privation de deux mois de salaire et de son poste de responsable. N'ayant pas l'intention d'abdiquer, l'employée saisit le tribunal. En février 2020, le tribunal administratif lui donne raison. Le juge s'étonne même « des sanctions disproportionnées » que la Ville lui a infligées, rapporte l'intéressée. Retoquée, la décision de la Ville a été revue à la baisse. Ce ne sont plus que cinq jours de salaire qui lui sont retirés. Par contre, celle-ci n’a toujours pas retrouvé son poste et craint de pas en avoir fini avec les tribunaux.
Des agents de la Ville déplacés comme des pions, s'indigne FO
Les recours en justice ne sont que la partie émergée de l’iceberg, poursuivent les syndicalistes. Ces derniers reprochent à un certain nombre de responsables hiérarchiques de « prendre trop souvent les agents pour des pions ». Ce management autoritaire génère de la frustration et de la colère, préviennent les syndicalistes, qui voient le malaise s'installer et l'ambiance se dégrader. Les exemples ne manquent pas, à les entendre. Mais c'est sur la situation de l'agent territoriale spécialisé des écoles maternelles (Astem) Marianne Dugas qu'ils veulent attirer l'attention.
Cette dernière a dû quitter brutalement l’école Sidi Brahim où elle travaillait depuis des années. En effet, justifie la Ville, suite à une baisse des effectifs de l’école, son poste a été remplacé, à la rentrée, par un mi-temps.
Or ce changement d'environnement pose problème à cette Atsem en particulier, du fait qu'elle est porteuse d'un handicap et avait ses repères dans cette école.
« Quel responsable a pensé à en discuter avec elle, à la direction éducation et jeunesse ? Personne ne l'a fait ! », s'exclament Chérif Boutafa et Patrick Fiorina, voyant en cela un manque d'empathie de l'équipe encadrante. À la déconvenue de l’employée s’ajoute l’incompréhension des parents d’élèves, qui reprochent aux élus de ne pas tenir leur promesse d’une Atsem par classe. « On va regarder la problématique de l'agente de près, promet Pierre Mériaux, conciliant (...) Par ailleurs, une réponse a été apportée aux parents, et à l'agente, pour expliquer la position de la Ville ».
Quant à la promesse d'une Atsem par classe « faite par Michel Destot [l'ex-maire PS, ndlr] et reprise par Éric Piolle », rectifie l'adjoint, elle est en passe d'être tenue, se félicite-t-il. Et ce « en dépit des coupes budgétaires aux collectivités, que ce même Michel Destot a voté, quand il était député », tacle-t-il.
Séverine Cattiaux
0 réflexion sur « Agents de Grenoble en procès : Force ouvrière dénonce une maltraitance, la Ville juge l’accusation politique »
Franchement, de la part de l’élu dire cela : » concerne 20 agents en recours ce n’est pas grave », c’est vraiment ne pas comprendre l’état de souffrance dans lequel sont ces agents ?
Et dire que les avocats parisiens sont meilleurs, c’est sympa pour les avocats grenoblois ? FO ne lâchera rien !
Franchement, de la part de l’élu dire cela : » concerne 20 agents en recours ce n’est pas grave », c’est vraiment ne pas comprendre l’état de souffrance dans lequel sont ces agents ?
Et dire que les avocats parisiens sont meilleurs, c’est sympa pour les avocats grenoblois ? FO ne lâchera rien !
Sans rire..?
Sans rire..?